Safha 7 Liban

Safha 7, une pièce contemporaine, écrite, mise en scène et jouée par Issam BOU KHALIL et Fady SAMRA au sein d’un Liban d’après-guerre secoué par les nombreux évènements, peut probablement être décrite comme l’une des pièces les plus poignantes et profondes de la dernière décennie. Montée sur les bases d’une tragédie classique elle a cependant de nombreux aspects comiques, ce qui entraine le spectateur dans un tourbillon d’émotions variées, affichant vite un sourire sur un visage au bord des larmes.

Le rideau s’ouvre sur deux clochards se disputant la place sous le projecteur, la lumière émise par ce dernier représente probablement celle du soleil au lever du jour et la lueur de la lune une fois la journée achevée, l’homme debout faisant le V de la victoire, assimilé aux évènements de l’époque, qui montre la confusion des hommes et une sorte d’absurdité puisqu’ils crient victoire a tort et à travers, sans raison, même après une défaite, refuse de céder sa place à son camarade. La scénographie adoptée : une alternance de cubes et de pavés noirs qui font penser à des cercueils, étant très minimaliste, et les costumes des deux acteurs étant sales et délabrés, le spectateur devine vite leur statut de clochards. La scène se passe donc dans la rue et on assiste à 24 heures de la vie de ces deux hommes qui essayent tous les jours de trouver à la page 7 du journal à quelles condoléances ils peuvent assister pour profiter de la nourriture offerte, choisissent leur destination dépendamment du statut social du défunt, et s’y rendent en se portant sur le dos l’un de l’autre. Ces deux compagnons discutent tout au long de la journée de sujet divers et ont des échanges variés, comme sur la nourriture, la corvée, la maladie, l’amour, la jeunesse, la famille et son absence, la danse, l’étouffement ou même encore l’inutilité de la vie et de la mort, comme pour combler le vide de leur existence et faire passer le temps. La politique occupe notamment une place importante dans la pièce, on la retrouve par exemple lors d’une discussion à propos de la nourriture ou l’un des deux personnages refuse toutes sortes d’aliments proposés parce qu’il associe leurs couleurs aux différents partis politiques libanais et affirme explicitement qu’il souhaite rester à l’écart et ne pas se mêler de tout ça, cela apparait également comme une sorte de responsabilisation de la gente politique pour sa situation de clochard, et l’expression d’un certain dégoût de tous. L’omniprésence de ce thème est voulue par les auteurs qui ont pour but de critiquer le régime mis en place et de pousser le public à réfléchir et à éventuellement réagir face à l’absurdité de la situation et a l’anarchie.

De plus, le tragique et le comique se côtoient et apparaissent durant des moments forts. En effet le moment où, après une surenchère d’imprécations qui vont crescendo, tellement excessive qu’elle en devient ridicule et drôle, l’un d’entre eux souhaite simplement et sèchement la mort à l’autre, l’ambiance devient tout d’un coup très pesante et triste, d’autant plus qu’il lui demande s’il lui souhaite le pire ou bien le meilleur ; ou encore le moment où l’un d’entre eux décide de se suicider et demande de l’amour pour le sauver et qu’ensuite la scène vire en surenchère de déclarations d’amour et en danse, cette fois ci, ce qui rattrape vite le public par le comique, et notamment le comique de geste, très présent tout au long de la pièce.  Ce genre de scènes a le don de toucher le spectateur et de le marquer. Néanmoins, certains moments demeurent extrêmement tristes sans que les auteurs n’aient fait le choix de les alléger par le comique, par exemple lorsqu’ils commencent à parler de leur enfance perturbée et douloureuse, ou bien encore lorsque la pièce touche à sa fin et que l’on découvre que l’un des clochards est enfaite mort et que l’autre refuse d’accepter ce fait et essaye de le distraire comme pour le faire rester le plus longtemps possible, il refuse de lui révéler sa mort puisqu’il refuse enfaite de l’admettre lui-même, par peur de la solitude et de la souffrance que cela implique et décide finalement de mettre également fin à ses jours.  

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