RHINOCEROS, Eugène Ionesco
Commentaire de texte : RHINOCEROS, Eugène Ionesco. Recherche parmi 298 000+ dissertationsPar dissertation • 11 Juin 2013 • Commentaire de texte • 1 041 Mots (5 Pages) • 768 Vues
Bérenger, venant de la gauche
Bonjour, Jean
Jean
Toujours en retard, évidemment ! (Il regarde sa montre-bracelet.) Nous avions rendez-vous à onze heures trente. Il est bientôt midi.
Bérenger
Excusez-moi. Vous m’attendez depuis longtemps ?
Jean
Non. J’arrive, vous voyez bien.
Ils vont s’asseoir à une des tables de la terrasse du café.
Bérenger
Alors, je me sens moins coupable, puisque…vous-même…
Jean
Moi, c’est pas pareil, je n’aime pas attendre, je n’ai pas de temps à perdre. Comme vous ne venez jamais à l’heure, je viens exprès en retard, au moment où je suppose avoir la chance de vous trouver.
Bérenger
C’est juste… c’est juste, pourtant…
Jean
Vous ne pouvez affirmer que vous venez à l’heure convenue !
Bérenger
Évidemment…je ne pourrais l’affirmer.
Jean et Bérenger se sont assis
Jean
Vous voyez bien.
Bérenger
Qu’est-ce que vous buvez ?
Jean
Vous avez soif, vous, dès le matin ?
Bérenger
Il fait tellement chaud, tellement sec.
Jean
Plus on boit, plus on a soif, dit la science populaire…
Bérenger
Il ferait moins sec, on aurait moins soif si on pouvait faire venir dans notre ciel des nuages scientifiques.
Jean, examinant Bérenger
Ça ne ferait pas votre affaire. Ce n’est pas d’eau que vous avez soif, mon cher Bérenger…
Bérenger
Que voulez-vous dire par là, mon cher Jean ?
Jean
Vous me comprenez très bien. Je parle de l’aridité de votre gosier. C’est une terre insatiable.
Bérenger
Votre comparaison, il me semble…
Jean, l’interrompant
Vous êtes dans un triste état, mon ami.
Bérenger
Dans un triste état, vous trouvez ?
Jean
Je ne suis pas aveugle. Vous tombez de fatigue, vous avez encore perdu la nuit, vous baillez, vous êtes mort de sommeil.
Bérenger
J’ai un peu mal aux cheveux…
Jean
Vous puez l’alcool !
Bérenger
J’ai un petit peu la gueule de bois, c’est vrai !
Jean
Tous les dimanches matin, c’est pareil, sans compter les jours de la semaine.
Bérenger
Ah ! Non, en semaine, c’est moins fréquent, à cause du bureau…
Jean
Et votre cravate, où est-elle ? Vous l’avez perdue dans vos ébats !
Bérenger, mettant la main à son cou
Tiens, c’est vrai, c’est drôle, qu’est-ce que J’ai bien pu en faire ?
Jean, sortant une cravate de la poche de son veston
Tenez, mettez celle-ci.
Bérenger
Oh, merci, vous êtes bien obligeant.
Il noue la cravate à son cou.
Jean, pendant que Bérenger noue sa cravate au petit bonheur
Vous êtes tout décoiffé ! (Bérenger passe les doigts dans ses cheveux.) Tenez voici un peigne !
Il sort un peigne de l’autre poche de son veston
Bérenger, prenant le peigne
Merci.
Il se peigne vaguement
Jean
Vous ne vous êtes pas rasé ! Regardez la tête que vous avez.
Il sort une petite glace de la poche intérieure de son veston, la
Tend à Bérenger qui s’y examine ; en se regardant dans la glace,
Il tire la langue.
Bérenger
J’ai la langue bien chargée.
Jean, reprenant la glace et la remettant dans sa poche
La cirrhose vous menace, mon ami.
Bérenger, inquiet
Vous croyez,…
Jean, à Bérenger qui veut lui rendre la cravate.
Gardez la cravate, j’en ai en réserve.
Bérenger, admiratif
Vous êtes soigneux,
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