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L’obligation de respect du droit de la concurrence par les autorités gestionnaires du domaine public, à travers un arrêt du 23/05/2012

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Par   •  6 Octobre 2012  •  4 592 Mots (19 Pages)  •  2 619 Vues

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La nouvelle approche de l’obligation de respect du droit de la concurrence par les autorités gestionnaires du domaine public

Mardi 5 juin 2012

Par AdDen avocats - Dans la catégorie Actualités, Contrats publics

CE 23 mai 2012 RATP c/ société 20 minutes France, req. n° 348909, à publier au Recueil CE.

Cette affaire intéresse une autorisation d’occupation du domaine public accordée par la RATP à la SA Bolloré, au terme d’une procédure de publicité et de mise en concurrence, aux fins d’installer au sein des stations de métro des présentoirs permettant la distribution aux voyageurs de journaux gratuits. La société 20 minutes, concurrente directe de la SA Bolloré, et qui avait participé sans succès à ladite procédure de mise en concurrence, a décidé de contester les décisions attribuant cette autorisation d’occupation domaniale. Celles-ci ont été annulées en première instance, et la Cour administrative d’appel de Paris a refusé de faire droit à la demande de sursis à exécution que la RATP a présenté à l’encontre du jugement. C’est ce refus que le Conseil d’Etat censure, en ordonnant le sursis à exécution du jugement annulant les décisions attaquées[1].

Le ton avait déjà été donné à la lecture de l’arrêt « Jean Bouin »[2], lorsque la Haute Juridiction avait affirmé l’autonomie du droit de l’occupation domaniale à l’égard de celui applicable aux délégations de service public, et exclu que la conclusion d’une convention d’occupation domaniale doive être précédée d’une procédure de publicité et de mise en concurrence, même lorsque l’occupant est un opérateur sur un marché concurrentiel.

Le Conseil d’Etat confirme sans ambigüité cette position par son arrêt « RATP », en adoptant un considérant de principe qui, s’il rappelle qu’une personne publique ne peut pas frontalement méconnaître le droit de la concurrence, y compris dans l’attribution des autorisations d’occuper le domaine public, laisse toutefois une conséquente marge de manœuvre aux autorités gestionnaires, compte tenu de l’application du principe qu’il retient en l’espèce.

Les juges ont en effet considéré que « […] l’autorité chargée de la gestion du domaine public peut autoriser une personne privée à occuper une dépendance de ce domaine en vue d’y exercer une activité économique, à la condition que cette occupation soit compatible avec l’affectation et la conservation de ce domaine ; que la décision de délivrer ou non une telle autorisation, que l’administration n’est jamais tenue d’accorder, n’est pas susceptible, par elle-même, de porter atteinte à la liberté du commerce et de l’industrie, dont le respect implique, d’une part, que les personnes publiques n’apportent pas aux activités de production, de distribution ou de services exercées par des tiers des restrictions qui ne seraient pas justifiées par l’intérêt général et proportionnées à l’objectif poursuivi et, d’autre part, qu’elles ne puissent prendre elles-mêmes en charge une activité économique sans justifier d’un intérêt public ; que la personne publique ne peut toutefois délivrer légalement une telle autorisation lorsque sa décision aurait pour effet de méconnaître le droit de la concurrence, notamment en plaçant automatiquement l’occupant en situation d’abuser d’une position dominante, contrairement aux dispositions de l’article L. 420-2 du code de commerce […] ».

Ce faisant, le Conseil d’Etat abandonne en partie l’approche adoptée par son arrêt « Société E.D.A. c/ Aéroports de Paris »[3], qui avait retenu l’obligation pour l’autorité gestionnaire de respecter à la fois la liberté de commerce et d’industrie et les règles de l’ordonnance du 1er décembre 1986, soit la prohibition des règles anticoncurrentielles, désormais codifiée aux articles L. 420-1 et suivants du code de commerce.

D’une première part, la Haute Juridiction considère par principe qu’en elle-même, une autorisation d’occupation domaniale ne peut pas porter atteinte à la liberté du commerce et de l’industrie, abandonnant en cela une partie de son raisonnement de 1999.

Cette première affirmation ne laisse apparemment aucune place à une appréciation au cas d’espèce : le juge semble retenir qu’une telle autorisation n’est jamais un droit des opérateurs, et qu’en conséquence, elle n’est pas susceptible en elle-même d’affecter la liberté du commerce et de l’industrie. C’est d’ailleurs sur ce point que l’arrêt de la Cour administrative d’appel est censuré, puisqu’il avait refusé de sursoir à l’exécution du jugement annulant les décisions attaquées, au motif qu’elles méconnaissaient la liberté du commerce et de l’industrie.

Plus encore, d’une manière particulièrement intéressante, et sans que cela soit exactement le sujet du litige, le Conseil d’Etat profite de ce recadrage pour rappeler ce que signifie le respect de la liberté du commerce et de l’industrie par les personnes publiques, qu’il semble traduire par deux principes exhaustifs. Premièrement, par son activité réglementaire, l’administration ne doit pas apporter de restrictions excessives aux activités économiques (c’est la jurisprudence traditionnelle liée par exemple à l’interdiction de principe faite aux autorités de police administrative de soumettre à autorisation préalable l’exercice d’une activité économique[4]). Deuxièmement, comme l’avait déjà rappelé l’arrêt « Ordre des avocats à la cour d’appel de Paris »[5], les personnes publiques ne peuvent assumer une activité économique que si elles justifient d’un intérêt public à ce faire. La jurisprudence « Chambre en détail de Nevers »[6], rendue il y a presque un siècle, reste donc toujours d’actualité.

D’autre part, le Conseil d’Etat réserve l’interdiction de délivrer une autorisation d’occupation domaniale aux cas dans lesquels cette délivrance aurait pour effet mécanique de placer l’occupant en situation de commettre une pratique anticoncurrentielle. La règle était moins formellement énoncée par l’arrêt de 1999, qui indiquait plus souplement que ces règles de la concurrence devaient être « prises en considération » lors de la délivrance des titres d’occupation domaniale.

A cet égard, on peut s’interroger sur la réalité de l’obligation de mise en concurrence qui découlerait du respect de la prohibition des pratiques anticoncurrentielles, que la doctrine a pu identifier dans l’arrêt « E.D.A. »[7]. Dans l’absolu, le but étant de ne pas favoriser une entreprise à tel point qu’elle

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