Le bruit

C’est l’été, on se promène dans le village où on a vécu les cinq premières années de notre vie et on entend un bruit qui nous semble familier. C’est le ronronnement d’un moteur qui provient d’une sorte de petite armoire jaune pâle montée sur roulettes.  

Elle est toujours là. Elle n’a pas bougé. Elle fonctionne donc toujours, la machine à glace de notre enfance.  C’est la même que dans nos souvenirs. Tout revient à notre mémoire : notre grand-père, la promenade et la glace.

Avec notre grand-père, on se balade le long de l’Avenue de la gare, une longue rue où se trouvent plein de petites boutiques. On s’arrête devant la machine à glace. Notre grand-père sort son porte-monnaie de sa poche arrière et nous tend une pièce de monnaie. On l’introduit rapidement dans la fente de l’appareil, elle tombe dans la caisse en faisant le bruit métallique caractéristique d’une pièce tombant sur ses amies.

Grâce à une pince, le cornet se met à sa place en attendant de recevoir la masse glacée qui coule dedans en un gros serpentin. La friandise est prête.

Le cornet craquèle sous les doigts. Le goût sucré de la glace vanille-fraise nous fait plaisir.

Ensuite on va s’asseoir sur le banc devant la droguerie. Il s’agit d’un tout petit magasin possédant une porte électrique actionnée en passant sur un tapis. A chaque ouverture, des odeurs de parfum, de savons et de peinture viennent se mélanger à la saveur de notre glace. Avant d’avoir le temps de la finir, la crème glacée coule sur les mains. Au début cela est rafraichissant puis les doigts deviennent tout collants.

On regarde la rue qui commence à s’illuminer car la nuit tombe. On entend les voitures qui roulent gentiment mais aussi les oiseaux qui pépient dans l’arbre au-dessus de nous.

Les gens en passant saluent notre grand-papa qui leur répond par un signe de la main. On  le regarde. Son visage de profil semble fatigué mais pourtant il est heureux car il aime être en notre compagnie.

Il parle des vieilles histoires du village. On l’écoute attentivement, il raconte si bien.

Aujourd’hui, c’est nous qui sortons la pièce de notre poche. Mêmes bruits, mêmes odeurs, mais on ne retrouve plus le goût de la glace. Peut-être parce qu’il manque une présence.

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