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L'illusion Theatrale Et Realite

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Par   •  23 Janvier 2013  •  3 165 Mots (13 Pages)  •  4 340 Vues

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Introduction

Amorce : le théâtre, dans son texte et dans sa représentation, est peut-être le genre littéraire le plus conventionnel et semble, par ses artifices matériels et ses conventions, nous écarter du réel et de la vérité. Les termes métaphoriques « jeu » et « jouer » qui font partie du vocabulaire dramatique, indiquent bien ce côté factice et illusoire.

Problématique : mais le théâtre est-il seulement artifice et conventions, qui, paradoxalement, créent l'illusion théâtrale à laquelle le spectateur aime se laisser prendre ? Ou dévoile-t-il la vérité ?

Annonce du plan : s'il n'est pas, comme le dit Hugo, « le pays du réel », ne dépasse-t-il pas l'artifice pour viser une authenticité humaine et nous reconduire, par des détours, à ce que Hugo appelle le « vrai » ?

I. Le théâtre, art de l'artifice et de l'illusion : un univers de faux-semblants

Le théâtre est essentiellement « représentation ». Or « représenter » signifie « remplacer », « tenir lieu de », « figurer » (comme en peinture). Le verbe implique la notion d'illusion. Et, de fait, rien n'est vrai au théâtre. Tout ce qui fait la réalité de notre vie – le lieu, l'espace et le temps, mais aussi la parole – y est transformé. Diderot note : « On se rend au spectacle avec la persuasion que c'est l'imitation d'un événement et non l'événement même qu'on y verra » (Les Bijoux indiscrets).

1. Sur scène, le lieu n'est pas le lieu : un univers factice de carton

La mise en scène – avec les ressources de la scénographie – a une matérialité factice, aisément visible.

Le lieu n'est pas le lieu

Au théâtre, le lieu est illusion : le spectateur admet que la scène présente comme réel un lieu en réalité factice et que les deux cents mètres carrés de la scène représentent une forêt dans le deuxième acte de Dom Juan, un champ de bataille dans Cyrano de Bergerac.

Un décor de carton

Victor Hugo, dramaturge lui-même, explique très concrètement : « Le théâtre n'est pas le pays du réel : il y a des arbres en carton, des palais de toile, un ciel de haillons, des diamants de verre, de l'or de clinquant, du fard sur la pêche, du rouge sur la joue, un soleil qui sort de dessous la terre. »

« Toutes les réalités de la scène, […] le jeu de l'acteur, l'éclairage sont des réalités qui représentent d'autres réalités […] La scène représente le lieu de l'action (une ogive gothique représente un château), la lumière blanche représente le jour, la lumière bleue la nuit, la musique représente un événement (cri de guerre) […]. » Les masques de l'Antiquité amplifient et déforment voix et visages pour mieux souligner l'identité du personnage : une bouche au rire largement ouvert signale le personnage comique… De même, les costumes, aux couleurs souvent tranchées, prennent une valeur symbolique : le traître de mélodrame est vêtu de noir et porte un large chapeau qui lui couvre le visage pour mieux montrer sa vilenie (on peut penser au manteau noir de Don Salluste de Hugo et à la livrée qui trahit en Ruy Blas le valet). La commedia dell'arte abondait en codes simples qui permettaient au spectateur de se repérer et de comprendre les enjeux de l'intrigue.

Ainsi, dans La Comédie du langage, de Jean Tardieu, une branche d'arbre en fleur donne l'illusion d'un « beau soir de printemps ». Les épées ne tuent pas, le sang n'est que de la peinture rouge et le poison ne tue pas vraiment Hernani, Doña Sol et le vieux Ruy Gomes…

Comble de l'illusion : dans certaines pièces l'illusion spatiale se complique ; par un effet de mise en abyme, la pièce représente une pièce dans la pièce. Dans L'Illusion comique, de Corneille, les personnages jouent le rôle d'acteurs jouant une pièce : le lieu est doublement factice… (Vous pouvez aussi utiliser les exemples du corpus.)

2. Le temps n'est pas le temps

Le lever et de le baisser de rideau, les jeux d'éclairage – l'alternance lumière et noir – sont autant de signes conventionnels qui marquent les limites du spectacle et coupent le théâtre du réel.

Le temps lui aussi est illusion : le spectateur admet que deux heures de spectacle équivalent à une journée réelle, voire à plus de dix ans dans Cyrano de Bergerac… Le temps du spectacle raccourcit étrangement le temps de la fiction et l'auteur, pour faire admettre cette étrange égalité (24 heures ou 10 ans = 2 heures) et créer l'illusion, recourt à des moyens artificiels.

3. Une action recomposée et souvent invraisemblable

En recomposant le temps, en laissant des trous temporels dans le texte théâtral, en admettant des vides ou des ruptures, l'auteur résume des pans de temps en quelques répliques. Les entractes compactent le temps, le font défiler plus vite ; il se passe des mois entre le premier et le deuxième acte de Ruy Blas : le valet a eu le temps de devenir Premier ministre…

L'action elle-même présente souvent de multiples invraisemblances. Les rebondissements se multiplient : Beaumarchais donne un sous-titre ­significatif à son Mariage de Figaro, comme pour faire un clin d'œil au spectateur : « La folle journée »… La limitation de l'action de la tragédie (24 heures dans la tragédie classique) amène à une concentration de rebondissements bien rare dans la réalité : Phèdre avoue son amour à son beau-fils Hippolyte, Thésée – son mari parti qu'elle croyait mort – revient inopinément, elle calomnie Hippolyte auprès de Thésée, celui-ci maudit son fils, que Poséidon, pour réaliser cette malédiction, fait mourir, et Phèdre, rongée de remords et d'amour, se suicide. Diderot fait dire à l'un de ses personnages, au sujet de la tragédie : « En admirez-vous la conduite ? Elle est ordinairement si compliquée, que ce serait un miracle qu'il se fût passé tant de choses en si peu de temps. La ruine ou la conservation d'un empire, le mariage d'une princesse, la perte d'un prince, tout cela s'exécute en un tour de main. »

Ce sont des hasards arrivés bien à point qui apportent, par une scène de reconnaissance improbable dans la vraie vie, le dénouement de nombreuses comédies de Molière : Anselme, qu'Harpagon destinait comme mari à sa fille Élise, n'est autre que le père du jeune

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