LaDissertation.com - Dissertations, fiches de lectures, exemples du BAC
Recherche

L'erreur de Morgan

Étude de cas : L'erreur de Morgan. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  22 Avril 2013  •  Étude de cas  •  8 328 Mots (34 Pages)  •  940 Vues

Page 1 sur 34

'erreur de Morgan est d'avoir pensé que la terminologie de la parenté exprime l'état réel des relations sexuelles et que le terme de père s'identifie à celui de procréateur. Comme le dit Robert H. Lowie, « la théorie selon laquelle tous les pères sont des procréateurs potentiels entraîne la conséquence parallèle que les mères, dont chaque Hawaiien possède une bonne douzaine, l'ont toutes conçu et engendré. Morgan, il est vrai, essaie gauchement de tourner la difficulté en affirmant que l'indigène a ici en vue un rapport conjugal plutôt qu'une relation de parenté ; le Hawaiien appelerait mère la sœur de sa mère parce qu'elle est la femme de son père putatif, donc en quelque sorte sa marâtre. Ce n'est cependant que par subterfuge. L'extension respective des termes père et mère est strictement parallèle ; ils font partie d'un seul système et exigent une interprétation unique [...]. L'explication fort simple du système hawaiien se trouve dans la thèse de Cunow pour qui il représente une stratification de la parenté selon les générations ».

James C. Frazer a tenté d'apporter de nouvelles preuves en faveur de l'existence d'un mariage par groupes antérieur et à la polyandrie et à la polygynie. C'est d'abord l'existence du lévirat qui prescrit au frère d'un homme marié mort sans enfant d'épouser sa veuve de façon à assurer au défunt la postérité qui lui manque. C'est encore la coutume qui autorise dans certaines populations l'époux à avoir des rapports sexuels avec les sœurs de sa femme et, lorsque sa femme meurt, le droit d'épouser la sœur de sa femme décédée (c'est ce qu'on appelle le sororat). Mais le lévirat et le sororat ne supposent en aucune manière une forme de mariage dans laquelle les hommes d'un groupe auraient les mêmes droits sur toutes les femmes d'un autre groupe, avec comme corollaire l'interdiction, bien entendu, de se marier dans son propre groupe.

Mais, une fois l'hypothèse évolutionniste écartée, il n'en reste pas moins que certains ethnologues ont cru constater l'existence, rare, mais effective, d'un mariage par groupes. Il faut donc examiner les faits cités.

+ sur internetLe prix d'une alliance ou du pouvoir

Si on laisse de côté les cas de licence sexuelle des jeunes gens qui ont pu parfois être rapprochés du mariage par groupes, mais qui appartiennent au domaine de la « licence » et non de l'« obligatoire », qui échappent par conséquent au propos de cet article, on trouve affirmée l'existence d'un mariage par groupes, d'abord chez les Tchouktche, où des cousins, voire des hommes sans rapports de parenté, afin de cimenter entre eux des liens d'amitié, exercent ensemble leurs droits maritaux sur toutes les femmes des membres du groupe ; mais en fait, comme l'a bien montré Bogoras, il s'agit plutôt d'un échange de femmes entre amis que d'un mariage plural ; Bogoras n'a jamais trouvé d'hommes partageant simultanément plusieurs femmes, mais seulement des maris qui prêtent momentanément leurs épouses à des amis de passage ou à des camarades de contrat. Le deuxième cas connu est celui des Dieri australiens ; cependant, ici non plus, il ne s'agit pas d'un véritable mariage par groupes : « Aucune femme n'est la fiancée de plus d'un homme. Cependant, après que le mariage est consommé, il est possible que l'épouse devienne la concubine d'autres hommes, mariés ou célibataires [...] ; des frères qui ont épousé leurs sœurs peuvent partager leurs femmes ; un veuf prend, en échange de présents, la femme de son frère comme concubine. En outre, un visiteur présentant la parenté requise peut recevoir la femme de son hôte comme compagne temporaire » (Lowie). Comme on le voit, seul celui qui a été fiancé est mari légitime, les autres femmes sont des concubines et non des épouses, l'homme non marié ne dispose que de droits secondaires et encore avec l'autorisation du mari. Le troisième cas apparaît dans les îles Marquises : le « ménage » comprend parfois un couple principal et une série d'autres hommes et d'autres femmes qui demeurent avec lui et qui auraient des droits sexuels aussi bien avec les membres du couple principal qu'entre eux ; mais les liens de ces époux ou épouses subsidiaires avec le couple principal peuvent être rompus très facilement ; il s'agit plus d'une stratégie politique des chefs pour avoir une clientèle que d'un véritable mariage plural institutionnalisé. Enfin, chez les Todas actuels de l'Inde, le mariage par groupes est un phénomène récent, dû à une adaptation forcée à certains événements historiques. On peut donc conclure qu'il existe des apparences de mariages de groupes, mais qu'on ne peut en certifier la réalité.

+ sur internetLa monogamie

+ sur internetL'existence de « primitifs » monogames

Alors que, pour Morgan et les évolutionnistes, la monogamie est le dernier moment d'une longue évolution, qui a commencé dans la promiscuité primitive, et caractérise les « civilisés », en opposition aux « sauvages » et aux « barbares », pour W. Schmidt et les tenants de l'école d'ethnographie historique, c'est la monogamie qui définit l'humanité primitive. Il faut distinguer en effet entre les « vrais » et les « faux » primitifs. Les vrais primitifs, qui au moment de leur découverte en étaient encore à l'âge du Paléolithique du point de vue de leur outillage technique, et qui vivent uniquement de cueillette et de petite chasse, ne connaîtraient que la société conjugale fondée sur le mariage monogame : Semangs de Malacca, Négrilles d'Afrique, Négritos des Philippines, etc. Cependant, le père Schmidt est bien obligé de reconnaître qu'il existe chez ces peuples des cas de polygamie, si rares soient-ils ; mais, pour lui, ces quelques cas ont nettement le caractère de dérogations à la pratique commune et, lorsqu'il arrive qu'un individu ait plusieurs femmes, ce n'est jamais dans le même campement, ce qui fait que l'école d'ethnographie historique se croit en droit de conclure que, chez les « vrais » primitifs, il ne s'agit pas d'une monogamie de fait, mais bien de droit.

Cette monogamie primitive correspond d'abord aux conditions économiques de vie ; c'est elle en effet qui se prête le mieux à une équitable répartition du travail, la chasse pour l'homme, la cueillette des plantes sauvages, la cuisine

...

Télécharger au format  txt (51.8 Kb)   pdf (424.2 Kb)   docx (28.9 Kb)  
Voir 33 pages de plus »
Uniquement disponible sur LaDissertation.com