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DE L'UTOPIE

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Par   •  11 Janvier 2018  •  Dissertation  •  6 367 Mots (26 Pages)  •  557 Vues

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De l’utopie

« Ô le pauvre amoureux des pays chimériques !

Faut-il le mettre aux fers, le jeter à la mer,

Ce matelot ivrogne, inventeur d’Amériques

Dont le mirage rend le gouffre plus amer ? »

Baudelaire, « Le voyage », Les Fleurs du Mal

Sommaire

 Introduction

 I – Une force destructrice : du rêve au cauchemar

 A) L’espoir fédérateur d’une société harmonieuse

 B) Un projet fondé sur une transformation radicale de la nature de la société

 C) Le basculement dans les régimes autoritaires

 II – Une force créatrice : tremplin pour l’évolution des sociétés

 A) L’ « espace d’utopie » : élément indispensable à la vie sociale

 B) Un ressort pour le mouvement de l’histoire

 C) Produire de l’utopie favorable à la diversité humaine

 Conclusion

 Bibliographie

 Table des matières

« Notre âme est un trois-mâts cherchant son Icarie »1, écrit Charles Baudelaire dans son poème Le voyage. Qui n’a en effet jamais rêvé d’une « seconde Terre promise, d’un Eden, d’un Elysée, un nouveau Paradis terrestre2 », d’une société où l’homme pourrait vivre libre, sans avoir à redouter la misère, la violence de la guerre ou l’exploitation sauvage de sa vie et de sa liberté ? Pierre-François Moreau parle ainsi d’aspiration éternelle (et continue) de l’âme humaine à l’ailleurs et au meilleur3. De même, Louis Reybaud évoque cet « esprit humain enfermé dans sa prison terrestre, (qui) a de tout temps cherché une issue et aspiré à des découvertes dans le champ de l’idéal »4. De cette aspiration naîtrait donc l’utopie. Selon son acceptation dominante dans le langage courant, l’utopie est un rêve impossible, et est donc synonyme de chimère. L’utopie serait alors une « bouffonnerie grotesque ». Mais Frédéric Rouvillois rejette ce sens commun donné au terme, sens qui, pour lui, reflète en réalité « l’appauvrissement du concept »5, dû à la vulgarisation du mot et de ses dérivés. Il reproche ainsi à diverses définitions le fait que, quelles que soient leurs orientations, les unes comme les autres consistent à récupérer le terme « utopie », et à le détourner dans un but particulier (dépréciatif ou explicatif). On a donc affaire selon lui à un éclatement du sens du concept, de par la banalisation du terme et de son détournement polémique, qui rend difficile une définition de l’utopie dénuée de toute connotation ou d’une quelconque orientation. D’où pour lui la nécessité de procéder à la démarche inverse : remonter aux sources du terme au lieu de se demander comment on les a utilisées. A l’encontre de l’acceptation du sens commun, il invoque le fait que l’utopie n’exclut jamais, fût-ce implicitement, que le système décrit soit réalisable, ailleurs ou plus tard. Au contraire, elle se caractériserait par l’ambiguïté permanente qu’elle entretient entre rêve et projet. Et l’utopie n’a de sens selon lui, que dans la mesure où cette porte est entrouverte. Pour autant, faire de cet aspect le point central et le critère de l’utopie serait déformer la pensée utopique pour l’auteur. L’essentiel tient au contenu. Le contenu, c’est-à-dire l’idée d’une perfection ayant pour objet premier la cité, l’ordre politique, et pour facteur déterminant une organisation établie par la volonté, la décision et l’agir humain. C’est l’ensemble qui importe, à la fois le résultat, la perfection politique et le moyen, l’effort constructif de l’homme. Présentant un univers ordonné, cohérent et harmonieux, l’utopie ne peut donc qu’attiser les aspirations des hommes à la liberté, à l’autonomie et à l’épanouissement, qui résident dans le cœur de chacun d’eux, toujours en quête d’un « mieux ». Pourtant, au-delà de ce climat semi-divin qu’elle décrit, l’utopie détiendrait un tout autre visage. En reniant en effet en bloc l’état présent de la réalité politique et sociale et en se définissant par opposition à celui-ci, elle manifeste la volonté d’un changement radical, coûte que coûte, ce qui pourrait conduire à la déstabilisation des sociétés et à des dérives sérieuses. L’utopie n’est alors pour certains rien d’autre que cette fièvre, ce délire, qui ne provoquerait qu’égarements, folies, vertiges. Rêve de perfection qui tournerait au cauchemar. Mais cette façon de la condamner ne consisterait t-elle pas à attribuer à l’utopie ce qu’elle n’est pas ? En effet, pour d’autres, l’utopie contribue à incliner le cours de la société d’une toute autre manière. Ainsi, selon Paul Ricoeur, si l’utopie remet en question le réel présent, elle ne propose pas la réalisation violente et immédiate d’un projet mais une aptitude à « ouvrir une brèche dans l’épaisseur du réel »6. Elle serait cet idéal de perfection, comme un phare qui aide les marins à naviguer dans la nuit, permettant de mieux appréhender le milieu dans lequel on évolue, d’en éclairer les récifs, afin d’aider les hommes à aller dans la meilleure des directions. La nature de l’impact de l’utopie dans les sociétés est-elle double et alors contradictoire ? Si de prime abord il semble que l’utopie puisse conduire à tout et son contraire, en réalité, si elle peut amener à la ruine des sociétés (I), la concevoir sous cet aspect revient à la déformer et à occulter qu’elle a intrinsèquement une toute autre fonction (II).

I

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