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Commentaire de l’arrêt rendu par l’Assemblée plénière de la Cour de cassation le 9 mai 1984 (arrêt Derguini): la faute civile

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Par   •  31 Janvier 2013  •  2 591 Mots (11 Pages)  •  11 212 Vues

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commentaire de l’arrêt rendu par l’Assemblée plénière de la Cour de cassation le 9 mai 1984 (arrêt Derguini)

S’inscrivant dans une série de décisions rendues le même jour, l’arrêt prononcé en Assemblée plénière le 9 mai 1984 dans l’affaire Derguini a contribué à donner une nouvelle définition de la faute civile.

En l'espèce, en 1976, une jeune victime, Fatiha Derguini, alors âgée de 5 ans, a été mortellement blessée par une voiture alors qu’elle se trouvait sur un passage protégé. Sur constitution de partie civile de ses parents, les consorts Derguini Hammou, et sur renvoi après une première cassation, la Cour d’appel de renvoi de Nancy a, par arrêt en date du 9 juillet 1980, partagé par moitié la responsabilité des conséquences dommageables de l’accident.

Les parentes de la victime forment alors un pourvoi en cassation déféré, sur décision du Premier président de la Cour de cassation, à l’Assemblée plénière. Ils font valoir trois arguments à l’appui de leur moyen. En premier lieu, le défaut de discernement d’une enfant âgée de 5 ans exclut toute responsabilité civile. En ne répondant pas à cet argument, la Cour d’appel n’a pas justifié sa décision. En second lieu, ils relèvent la contradiction de la Cour d’appel qui évoque tout à la fois, la faute de l’enfant victime et son irruption inconsciente. En dernier lieu, la faute d’inattention de l’automobiliste à l’approche d’un passage pour piétons et qui, de surcroît, avait remarqué la présence des fillettes sur le trottoir a été relevée par la Cour d’appel qui n’a donc pas tiré toutes les conséquences de ses constatations.

Ces arguments sont rejetés par l’Assemblée plénière. Le 9 mai 1984, la formation solennelle de la Haute juridiction affirme que la Cour d’appel n’était pas tenue de vérifier le capacité de discernement de la mineure. Elle poursuit en approuvant les juges du fond d’avoir retenu une faute à la charge de la jeune victime ayant concouru à la réalisation du dommage dans une proportion souverainement appréciée.

L’arrêt ainsi prononcé pose la question de savoir s’il est possible de retenir une faute à l’encontre d’un enfant victime d’un dommage.

Si l’arrêt consacre une conception objective de la faute dont il s’agira de mesurer les conséquences (II), cette prise de position n’est que l’aboutissement d’une lente évolution de l’élément subjectif de la faute (I)

I – Première Partie - Une lente évolution de l’élément subjectif de la faute

Dans l’approche traditionnelle de la notion, on tend à distinguer en général au sein de la faute civile, un élément matériel et un élément moral (A). Une jurisprudence d’une grande constance a toujours exigé, pour que la responsabilité civile soit engagée, que l’acte soit imputable à son auteur. C’est dire que, de même que le dément était jugé irresponsable, l’infans ne se voyait reconnaître aucune responsabilité (B).

A – La conception traditionnelle de la faute : l’élément objectif et l’élément subjectif

Le plus célèbre des articles du Code civil, l’article 1382, érige en règle générale l’obligation de répondre des conséquences dommageables de ses fautes.

S’interroger sur la notion de faute, c’est d’abord tenter d’en donner une définition et de déterminer ses caractères. Toutefois, un premier constat s’impose : la notion est délicate à saisir, et il en va de la faute comme de toutes les notions qui ne sont pas exclusivement juridiques. La faute est une notion polysémique. D’innombrables définitions ont ainsi été données par la doctrine, la loi étant muette sur ce point.

La doctrine a dû se résoudre au constat de l’impossibilité d’esquisser une définition unitaire. Sans doute peut-on en donner une idée approximative en soutenant qu’elle consiste en un comportement non-conforme à celui que l’on peut attendre d’un homme normalement prudent et diligent. Mais cette première idée n’englobe certainement pas tous les types de fautes envisagés par les articles 1382 et 1383 du Code civil.

C’est pour cette raison que dans une approche traditionnelle de la notion, deux éléments constitutifs de la faute sont à distinguer : l’élément objectif ou matériel et l’élément subjectif ou moral.

La justification du premier est assez facile à appréhender : la faute trouve sa substance dans un acte ou un comportement. Son examen conduit à souligner la diversité des faits susceptibles d’être déclarés fautifs. Ce premier élément implique que si la faute est un comportement de fait, la qualification juridique est opérée par les juges du fond sous le contrôle de la Cour de cassation. En d’autres termes, l’élément matériel peut se définir comme le comportement d’une personne qui est différent de celui qu’aurait eu un homme prudent et avisé placé dans les mêmes circonstances. Les juges du fond portent alors une appréciation que l’on qualifie volontiers in abstracto mélangée d'une appréciation in contreto, les circonstances du dommage étant aussi considérées.

Reste l’élément moral, subjectif, qualifié parfois de psychologique. Ce comportement peut être reproché à son auteur puisqu’il était conscient de ce qu’il faisait. L’action non-conforme à une règle ou à un certain modèle de conduite ne pouvait être imputée à son auteur et entraîner pour lui une obligation de réparation, dans les termes des articles 1382 et 1383 du Code civil, qu’autant qu’en l’accomplissant, cet auteur avait eu conscience de ce qu’il faisait et avait eu la volonté de le faire.

Dans cette conception traditionnelle, la faute ne peut donc émaner que d’un individu doué de raison. C’est aussi affirmer que l’infans comme d’ailleurs le dément ou l’aliéné sont irresponsables parce que dépourvus de discernement. Cette irresponsabilité de l’infans était ainsi soutenue par le premier argument du moyen du pourvoi des époux Derguini-Hammou : « le défaut de discernement exclut toute responsabilité de la victime ».

Sévère pour les victimes de très jeunes enfants comme des aliénés, cette solution, parfois tempérée par le recours à d’autres régimes de responsabilité objectives comme la responsabilité du fait des choses, a été remise en question par la loi du 3 janvier 1968 non démentie sur ce point par la récente loi du 5 mars 2007 entrée en vigueur en 2009.

B – Le maintien de l’irresponsabilité civile de l’infans

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