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« Une Charogne » dans Les Fleurs du mal, Baudelaire

Résumé : « Une Charogne » dans Les Fleurs du mal, Baudelaire. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  28 Juin 2022  •  Résumé  •  3 466 Mots (14 Pages)  •  450 Vues

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Étude linéaire 3 : « Une Charogne » (Fleurs du mal, Baudelaire)

  • En 1857, « Une Charogne » était l’un des poèmes les plus célèbres de Baudelaire, et il contribua fortement au succès des Fleurs du mal.  
  • Pour la majorité du public, le poète des Fleurs du mal était tout simplement l’auteur légendaire de la Charogne, observe Robert Luzarche en 1869.
  • Récitée dans les ateliers et les brasseries, « Une Charogne » apparut comme un poème qui chercherait à choquer les bourgeois : la légende d’un Baudelaire outrancier et provocateur était née.
  • Les bourgeois crièrent au scandale. Edmond Scherer, dans Le Temps (en juillet 1869) écrit, à propos d’« Une Charogne » : « Le lecteur se bouche le nez, la page pue ». On reproche au poète de se complaire dans des images nauséabondes auxquelles il essaie de prêter une valeur artistique.
  • Quand Baudelaire voulut réagir (« Il m’est pénible de passer pour le Prince des Charognes » confie-t-il à Nadar le 14 mai 1859), il était trop tard.

  • Dès juillet 1857, le poème est montré du doigt pour son réalisme grossier mais, dans la mesure où ce n’est pas un poème licencieux que la morale condamnerait, ni un poème antireligieux, « Une Charogne » échappe à la censure et ne figure pas parmi les pièces condamnées. C’est un poème qui heurte le goût.
  • Au contraire, pour les défenseurs de Baudelaire, ce poème est un poème idéaliste : comme dans toute une tradition catholique, que l’art et la poésie baroque ont illustrée, l’ekphrasis de la mort invite le regard à s’élever vers le spirituel.
  • Par son thème, Une Charogne peut être en effet rapprochée de poèmes de l’époque baroque dont Baudelaire fut durant sa jeunesse un grand lecteur et qui illustrent le memento mori, soulignent le caractère transitoire de toute œuvre humaine, et dans la lyrique amoureuse, font voir à la dame qui se laisse par trop prier les ravages du temps, la pressant de se donner.
  • Pourtant, la compagne du poète – peut-être Jeanne Duval – ne paraît pas être de celles qui se refusent. Le sadisme moral n’espère pas ici une récompense.
  • Baudelaire s’inspire aussi des productions macabres et fantastiques de la seconde génération du romantisme (1830-1850), notamment le romantisme noir.
  • Le texte est une sorte de parabole allégorique, et comme il prend en partie la forme d’un récit, on peut même parler à son endroit d’apologue :
  • En effet, le poète part d’un événement, d’un fait passé qu’il raconte et dont il décrit le protagoniste (la charogne) dans les strophes 1 à 9 pour ensuite en tirer une leçon, un peu à la manière d’un fabuliste aux strophes 10 à 12.
  • L’évolution temporelle est très claire : on passe du récit (passé simple/imparfait aux strophes 1 à 9) au discours (futur à valeur prophétique aux strophes 10 à 12).
  • Le raisonnement utilisé est celui de l’exemplum (ou raisonnement par l’exemple) : on part d’un fait réel et vrai, tiré du passé ou du présent, et on en tire une vérité valable pour le futur ; c’est un raisonnement qui se fonde sur l’induction puisqu’il part du particulier (la charogne) pour le généraliser et l’universaliser (la dame, l’ensemble des êtres humains).
  • Problématique : Comment, dans ce poème qui prend la forme d’un apologue, Baudelaire fait-il d’un sujet répugnant un thème poétique nouveau ? Comment renouvelle-t-il le lyrisme poétique dans ce poème ?
  1. Un poème plein d’ironie : L’hypotypose macabre et la parodie de la poésie galante (strophe I à IX)

L’utilisation de l’ironie grinçante apparaît ici dans le décalage parodique entre la forme stylistique (poétique) et le fond thématique (prosaïque).

  1. Parodie de la poésie galante (Ronsard, Pétrarque) 

  • La situation d’énonciation est très claire : il s’agit d’un discours du poète (je et les marques de la première personne) adressé à sa dame (vous et les marques de la deuxième personne de politesse).
  • Les temps verbaux (passé simple et imparfait) montrent que le poète évoque un souvenir et une rencontre qu’il rappelle rétrospectivement.
  • Cadre champêtre : Image d’une promenade donnée par l’évocation du « sentier » v.3
  • Importance de la nature qui donne une atmosphère bucolique au poème : «  nature » 11, « ciel » 13, « fleur » 14, « l’eau courante et le vent » 26, « rochers » 33 , « l’herbe et les floraisons grasses »43
  • De plus, la nature semble propice à l’amour, elle est montrée de façon très positive. « le soleil rayonnait » 9, « ce beau matin d’été si doux » (adj. valorisant + adverbe d’intensité)
  • Il s’agit donc, de prime abord, d’un poème dit galant ou précieux dans lequel le poète s’adresse directement à la femme qu’il aime, parfois même en la nommant.
  • Ce type de poème a été importé, à la Renaissance, en France par des admirateurs du poète italien Pétrarque (Maurice Scève, Ronsard, du Bellay, etc.). La femme y est l’interlocutrice privilégiée et parfois exclusive du poète qui s’adresse à elle directement : il s’agit de Délie pour Scève, de Laure pour Pétrarque (Canzoniere), d’Olive pour du Bellay…
  • style pétrarquiste : périphrase – « mon âme » (v. 1), apostrophe la femme aimée
  • Le passé simple apparaît dès le début du poème : « nous vîmes » (v. 1) pour évoquer un événement passé que le poète voudrait rappeler à sa dame, mais il laissera ensuite place à l’imparfait descriptif qui donnera à voir cette charogne (strophes 2 à 9), puis au futur prophétique des dernières strophes (10 à 12).
  • Cependant, le passé simple a une importance stylistique : c’est un temps senti comme très littéraire, surtout dans le contexte d’un discours ; il rend sensible la tonalité (faussement) précieuse du poème ; il accroît les effets parodiques. En effet, la préciosité du style est notamment accentuée par l’emploi du passé simple à la strophe 4 (« la puanteur était si forte que vous crûtes vous évanouir », v. 15) qui crée un écart ironique et une incongruité avec l’extrême trivialité du thème.
  • Notons un autre écart par rapport à la poésie traditionnelle : alternance entre alexandrins (utilisés ds la poésie classique pour traiter de sujets graves, sérieux) et octosyllabes ( aspect + léger) donne une légèreté de ton. Décalage rythmique
  1. L’hypotypose macabre
  • Décalage ironique : la charogne, thème vil et répugnant sur un mode noble et précieux en parodiant le style galant de la poésie lyrique amoureuse.
  • La mort est, par cette entremise, dès le début du poème, mise en rapport avec l’amour. C’est en couple que le poète et la femme aimée rencontrent cette charogne : elle est associée à la femme dès la première strophe.
  • Description réaliste et prosaïque de la mort, attrait morbide : Brunetière écrivit que Baudelaire utilise carcasse là où nous dirions squelette, et préfère puanteur à mauvaise odeur. C’est certes un reproche mais l’observation est juste : Les mots choisis par Baudelaire force le regard et donne un caractère proprement moderne à une ancienne figure de style : l’hypotypose.
  • C’est un cadavre en putréfaction s’est substitué à la rose fanée de Ronsard. C’est évidemment une perversion scandaleuse d’un stéréotype poétique, mais c’est aussi un refus de l’euphémisme (et de l’hypocrisie).
  • En effet, la fleur symbolisait de façon élégante ce que la charogne montre de façon provocante, à savoir la mort physique.
  • Baudelaire montre la vérité nue et c’est en cela que la vérité du poème est scandaleuse. Il ne trahit pas le motif, il le traduit. (réalisme/hyperréalisme)
  • Le champ lexical relatif à la charogne est important, réaliste et prosaïque : « charogne infâme » (v. 3), « exhalaisons » (v. 8), « pourriture » (v. 9), « carcasse » (v. 13), « puanteur » (v. 15), « putride » (v. 17), « squelette » (v. 35), « ordure » (v. 37), « horrible infection » (v. 38), « moisir » (v. 44), « ossements » (v. 44), « vermine » (v. 45), « décomposés » (v. 48),
  • Les sens sont aussi très présents dans cette description : on note une représentation importante et logique des sens de la vue et de l’odorat, mais aussi, et de façon moins attendue, du sens de l’ouïe.

– La vue : « l’objet que nous vîmes » (v. 1) « regardait » (v. 13), etc.

– L’odorat : « suant les poisons », « exhalaisons » (v. 6 et 8), « la puanteur » (v. 15). – Le toucher : « brûlante » (v. 6).

– L’ouïe : « bourdonnaient » (v. 17), « étrange musique » (v. 25).

– Le goût est évoqué de façon indirecte à la strophe 9 et à la strophe 12 (« vous mangera de baisers », v. 46) : il reste ainsi extérieur à la description à proprement parler.

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