Le monstre

Après les absurdités de la Deuxième Guerre mondiale, c’est au théâtre de l’absurde de dénoncer les non-sens de la guerre. Les artistes comme Eugène Ionesco, ayant vécu la montée du fascisme en Roumanie, prennent la parole à travers leurs textes pour faire parler leur écriture à travers le monde. Dans son livre Rhinocéros, Ionesco fait ressortir la symbolique du monstre qui se cache derrière tout mouvement totalitaire du XXe siècle. Que ce soit par le fait de dire qu’il est le dernier homme sur l’île monstrueuse sur laquelle il vit ou qu’il ressent un monstre en lui, la symbolique du monstre est représenté dans les personnages et dans la rhinocérite.

Premièrement, le monstre est représenté, dans le livre, par les personnages. En effet, le comportement de ces derniers durant l’histoire est signe de monstre. Au début du livre, lorsque Jean parle à Bérenger du travail, son comportement démontre déjà un signe de monstre en lui : « Mon cher, tout le monde travaille et moi aussi, moi aussi comme tout le monde, je fais tous les jours mes huit heures de bureau, moi aussi, je n’ai que vingt et un jours de congé par an, et pourtant, pourtant vous me voyez. De la volonté, que diable! » (p.14) Jean cesse de répéter les mots « moi aussi » et « tout le monde » lorsqu’il parle à Bérenger. La répétition de ces mots prouve qu’il est une personne qui adhère aux mouvements de société. Il parle comme s’il était obligé de faire le travail qu’il fait puisque tout le monde le fait. Cela fait de lui une personne assez doctrinaire. Justement, la doctrine, dans l’histoire, est la rhinocérite et elle aussi est un symbole de monstre. Ensuite, l’idéologie de certains personnages fait d’eux des monstres. À la fin de l’histoire, Daisy commence à défendre les rhinocéros et elle expose sa mentalité monstrueuse : « On s’y habitue, vous savez. Plus personne ne s’étonne des troupeaux de rhinocéros parcourant les rues à toute allure. Les gens s’écartent sur leur passage, puis reprennent leur promenade, vaquent à leurs affaires, comme si de rien n’était. » (p.139) Daisy démontre une mentalité beaucoup trop emphatique et elle finit par accepter, par faiblesse, les rhinocéros qui sont totalement inacceptables puisqu’ils représentent le fascisme et les régimes totalitaires du 20e siècle. De plus, sa mentalité fait d’elle un monstre parce qu’elle est trop ouverte d'esprit, c'est pourquoi elle considère et adhère facilement à tous les mouvements de masse comme la rhinocérite dans le cas de cette histoire. Somme toute, Eugène tente de représenter le monstre à travers la conduite et la moralité de ses personnages.

Deuxièmement, la symbolique du monstre, dans l’histoire, est associée à la rhinocérite. Effectivement, les rhinocéros sont représentés comme des monstres tout au long de l’histoire. Lorsque Jean parle avec Bérenger suite au passage du rhinocéros dans la rue, ce dernier est décrit de manière négative avec des mots péjoratifs : « Un quadrupède stupide qui mérite même plus qu’on en parle! Et féroce en plus. » (p.28) Les mots choisis dans cette description ne mettent pas en valeur la bête et il veut mettre l’emphase sur les défauts cette dernière, c’est pourquoi l’auteur choisit des caractéristiques que l’on retrouve souvent chez les monstres. Ionesco souhaite le plus possible les décrire de la façon dont il décrirait une bête monstrueuse. Aussi, l’auteur représente la métamorphose des personnages comme un symbole de monstre. En effet, lorsque Jean se transforme, Ionesco le fait agir comme s’il se métamorphosait en bête féroce : « L’humanisme est périmé! Vous êtes un vieux sentimental ridicule. »(p.106) Pour mettre l’accent sur la perte de conscience, l’auteur ajoute : « L’amitié n’existe pas, je ne crois pas en votre amitié. »(p.99) En niant l’humanisme, Jean démontre qu’il est en train de perdre son bon sens et son esprit logique, ce que les monstres n’ont pas. L’auteur en rajoute quand l’ami de Bérenger prétend ne pas croire en l’amitié. À ce point dans la discussion, l’humain qui était en lui disparaît et le monstre créé par la rhinocérite prend le contrôle. Enfin, la transformation et la maladie qui la produit sont deux éléments qu’Ionesco utilise pour symboliser le monstre dans l’histoire.

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