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La fondation des cercles catholiques d'ouvriers

Commentaire de texte : La fondation des cercles catholiques d'ouvriers. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  1 Mai 2019  •  Commentaire de texte  •  2 307 Mots (10 Pages)  •  546 Vues

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La fondation des cercles catholiques d'ouvriers

Albert de Mun a tenu dans le catholicisme franças du dernier tiers du XIXe siècle une place éminente à la foix d'animateur social et de dirigeant politique. Place éminente, mais souvent contestée, voire controversée (un « brouillon » ?), mais place remarquable à cause de la singularité de son itinéraire, qui, comme le dit son biographe Philippe Levillain, n'a rien de prévisible. Né en 1841 dans une famille de vieille noblesse, il est devient officier après avoir fait Saint-Cyr. Sur le plan politique, il est assez détaché du légitimisme qui serait assez naturel dans sa famille. Ce n'est que vers 30 ans qu'il se passionne pour les questions religieuses, puis politiques. Après la fondation des Cercles catholiques d'ouvriers, il se lance en politique en étant élu député en 1876. Il est alors un des ténors du légitimisme. En 1885, il tente de lancer un parti politique, puis appuie fortement l'aventure boulangiste, avant de prendre ouvertement parti au Ralliement après l'invitation de Léon XIII. Il se consacre alors presque exclusivement à améliorer la législation ouvrière ou à l'organisation des catholiques français.

Ma Vocation sociale rédigé au début du XXe siècle porte la marque de ces réussites et de ces échecs, c'est l'histoire d'une réalisation collective – celle de l'œuvre des Cercles catholiques d'ouvriers, cercles destinés à encadrer les loisirs des « ouvriers » tout en y associant des hommes unis de milieux bourgeois – vue à travers le prisme d'une destinée singulière, comme l'indique le terme de vocation. C'est aussi l'histoire d'une conversion : comme le jeune capitaine de Cuirassiers, après sa captivité en Allemagne où il a l'occasion de lire beaucoup (notamment Ketteler, l'évêque de Mayence, Keller, député alsacien), puis la répression de la Commune à laquelle il prend part, décide de mettre sa foi pratique. Cette évolution, il la partage avec René de La Tour du Pin, autre officier, également fondateur des Cercles catholiques d'ouvriers, mais dont il s'est séparé quelques années plus tard pour des divergences de vues : La Tour du Pin est un théoricien, éloigné de l'action politique au sens parlementaire du terme ; en revanche, il reste monarchiste malgré le Ralliement. Dans cette réécriture des origines de l'œuvre que propose de Mun, en ramassant les faits et en en donnant une version dans laquelle serait sensible l'enthousiasme initial, il y a donc des enjeux mémoriels : il s'agit de gommer les antagonismes, de présenter une vision unitaire et irénique pour la postérité. Il y a aussi la tentation, très présente dans le texte, de valoriser l'œuvre des Cercles - « l'œuvre voulue de Dieu, l'œuvre des œuvres » (83-4), donc de déprécier les autres réalités, ce que fait l'Appel aux hommes de bonne volonté, alors même que d'autres initiatives avaient déjà vu le jour à Paris. Il faut évidemment avoir conscience de ces distorsions, mais aussi s'en servir dans le commentaire (d'autant que l'Appel, lui, est un document original) . Ainsi, on dépasse là le niveau de la seule réforme sociale ; ce que de Mun exprime, c'est un idéal de régénération sociale, presque de « conversion sociale » qui hante les milieux catholiques de la fin du XIXe siècle, avec la part d'utopie que cela suppose, et qui est bien visible dans ce texte.

I. Une société en crise. De Mun nous offre comme un constat de la société française en 1871.

II. Une réponse religieuse : même si elle revêt la forme d'initiatives concrètes dans l'ordre social, l'œuvre des Cercles emprunte avant tout ses caractéristiques à une sensibilité religieuse.

III. Archaïsme et modernité : un « traditionalisme de progrès » (Philippe Levillain).

I. Une société en crise.

1. La révolution à l'arrière plan et comme horizon.

Le constat de de Mun emprunte beaucoup au contexte, lequel est à la fois post- et

prérévolutionnaire. L'Appel aux hommes de bonne volonté est indissociable de l'épisode de la Commune, qui n'a pris fin que sept mois auparavant. Soulèvement à caractère révolutionnaire et autonomiste qui a duré deux mois, au lendemain du siège de Paris par les Allemands et durant lequel la ville a été dirigée par un comité regroupant toutes les tendances de la gauche révolutionnaire : Jacobins nostalgiques de la « Grande Révolution », Internationalistes, syndicalistes... Épisode conclu dans un bain de sang, avec la répression menée par les troupes du gouvernement légal d'Adolphe Thiers. L'Appel cite explicitement la Commune l. 76. Or, pour de Mun, les conditions qui ont produit la Commune n'ont pas disparu : la « question ouvrière » est un « péril permanent » ( ; la menace de la « ruine de la patrie » (43) – ruine qui serait alors extérieure également ; aux lendemains de la guerre de 1870-1871, les deux sont naturellement liées, subsiste ; il y a urgence (35-38) et les solutions pacifiques sont beaucoup moins coûteuses, même financièrement parlant (au moment où la Frace doit acquitter les indemnités à l'Allemagne, cf. l. 79, les « lourdes charges » de la patrie), que les solutions de force (75-6), sans compter qu'elles sont plus efficaces : « les obus et les balles ne guérissent point » (55-6).

2. La responsabilité des classes dominantes.

L'appel de de Mun et de ses amis s'adresse aux hommes de bonne volonté, mais ce dernier qualificatif ne doit pas cacher la connotation sociale du public visé : avant tout des personnes issues des classes aisées de la société, classes supérieures, au sens large au demeurant ; le groupe des fondateurs est assez mêlé de ce point de vue-là (deux officiers issus de la meilleure noblesse, mais aussi le fonctionnaire Paul Vrignault). D'ailleurs, lorsque de Mun dit que l'Appel est lancé dans « toute la presse », il est en réalité plus restrictif.

Le contenu de l'Appel confirme cela : s'il fait appel à toutes les bonnes volontés, il trace en réalité une frontière entre les « classes laborieuses » (62) – « ces ouvriers » (43), remarquer l'emploi de l'adjectif démostratif – et « les hommes des classes privilégiées » (54). Le texte reprend le vocabulaire des devoirs, conforme à l'éthique des classes dominantes, mais il l'applique à des réalités nouvelles. Cet appel

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