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L'alchimiste / Aloysius, Bertrand

Analyse sectorielle : L'alchimiste / Aloysius, Bertrand. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  30 Décembre 2021  •  Analyse sectorielle  •  1 949 Mots (8 Pages)  •  20 196 Vues

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L’Alchimiste

Intro

Louis Jacques Naopélon ,dit Aloysius, Bertrand est un jeune poète de Dijon qui a beaucoup œuvré pour diffuser le romantisme en province. Il n'a malheureusement pas été publié de son vivant et ne connut pas le succès. C'est Baudelaire, le premier, qui dit l'avoir pris pour modèle pour son recueil Petits poèmes en prose (1869). Ainsi Bertrand apparaît comme le père du poème en prose en France. La poésie en prose est un genre qui se caractérise notamment par l’emploi par la figure de l'allégorie, la métaphore et la comparaison, le jeu sur les niveaux de langue, la ponctuation et la syntaxe, les sonorités et les rythmes. Dans ce recueil intitulé Gaspard de la nuit, sous-titré « Fantaisies à la manière de Rembrandt et Callot », le poète se nourrit de l'imaginaire médiéval et gothique en jouant sur les images oniriques mêlées au travail des rythmes et des sonorités. Le poème « L'alchimiste » est le 8e du Premier livre « L'école flamande ». Il est composé de 6 strophes. Poème à la première personne, « l’alchimiste » évoque la recherche répétée et infructueuse d’un alchimiste et le processus de transformation alchimique qui évoque un monde fantastique, mystique et mystérieux à la fois.

Problématique : Comment le poète met-il en scène la création poétique à travers l'image de l'alchimiste ?

Plan :

I- 1ère strophe → la recherche infructueuse de la pierre philosophale

II- Strophes 2, 3, 4, 5 → un élément perturbateur : le salamandre / les transformations s'opèrent.

III- Strophe 6 → une impression d'éternel retour, pourtant on verra que l'alchimie poétique fonctionne

Le titre → Donne le thème du poème : celui qui pratique une science occulte du moyen-âge, à la recherche de la pierre philosophale pour transformer le plomb en or.

I- 1er mvt (strophe 1) → l'évocation de la recherche : un travail long et difficile

l.1 → phrase négative (adverbe de négation « rien ») à la modalité exclamative qui ouvre le poème et traduit l'insuccès de la recherche. Ce début de poème s'ouvre sur une formulation plutôt familière qui confère au texte une dimension légère voire humoristique.

  • La présence du pronom « je » dès la première ligne pose une ambiguïté : est-ce le poète ou est-ce l'alchimiste qui s'exprime ? Dès lors il est possible de voir en l'alchimiste une métaphore de l'artiste. Il œuvre pour la création poétique.

  • L'hyperbole l.1-2 « pendant trois jours et trois nuits » marque le travail acharné et incessant de l'artiste.
  • Le chiasme sémantique l. 2-3 « blafardes lueurs » / « livres hermétiques » peut traduire une situation infructueuse, une impasse, un enfermement qui est à mettre en lien avec l'adjectif « hermétiques ». Ce n'est pas un savoir facile d'accès.
  • l'emploi de l'adjectif « blafardes » renvoie à une lumière terne, pâle. A. Bertrand entraîne ainsi le lecteur dans un univers sombre et mystérieux.
  • L'allitération en [l] peut donner lieu à plusieurs interprétations. Tout d'abord, si on la met en lien avec l'enjambement qui s'effectue dans l'ensemble de la strophe, elle pourrait mimer de la Longueur, le temps qui s'écoule (à mettre en lien aussi avec l'hyperbole l. 1-2). Ensuite

le son [l] est produit par une consonne qu'on appelle liquide (donc le liquide bouge, c'est instable) et cela pourrait aussi permettre au lecteur de visualiser la lumière produite par la flamme de la bougie (c'est une bougie qui produit de la lumière si on se replace dans la période médiévale évoquée dans le poème) vaciLLant et éclairant faiblement l'alchimiste dans son laboratoire obscure.

  • la « lampe » mise en rejet peut aussi faire référence à la connaissance/ le savoir. L'alchimiste cherche ainsi à acquérir le savoir pour obtenir la pierre philosophale qui favorisera l'accès à un savoir encore plus grand.

  • L'adjectif « hermétiques » fait référence à Hermès Trismégiste, qui selon la légende est le fondateur de l'alchimie. Le terme veut aussi dire « fermé » au sens propre et « pas à la portée de tous » au sens figuré. On peut donc percevoir une antithèse si on l'associe avec le terme « lampe », ce qui traduirait toute la difficulté de cette science.
  • La référence à Lulle l. 3 est intéressante car la légende a attribué à cet homme des traités d'alchimie qu'il n'aurait jamais écrit. A sa mort, on lui construit une légende (avoir trouvé la pierre philosophale, avoir fabriqué de l'or pour le roi d'Angleterre Édouard 1er que l'on disait ruiné). Ainsi, dès le départ, cette science est présentée comme opaque et mystérieuse.
  • On remarque aussi que dans cette première strophe, les couleurs évoquées sont plutôt sombres « nuit », « hermétique » ce qui pourrait renvoyer à l'une des étapes du Grand Œuvre (cf séance sur l’alchimie poétique) : l’œuvre au noir. On peut également voir l’œuvre au blanc à travers les termes « jours », « lueur » et « lampe ». Le processus du Grand Œuvre est donc en marche.

II- 2eme mvt (strophes 2, 3, 4, 5) → l'élément perturbateur + débuts de transformation

  • A la ligne 4, on retrouve un phénomène d'écho à la ligne 1 avec l'emploi de la négation avec l'adverbe « non » renforcée par l'adverbe « rien ». Toutefois même si la situation ne semble pas évoluer et se fermer davantage, on remarque à travers l'usage des ces deux adverbes négatifs (au lieu d'un seul à la l. 1) une transformation qui s'opère.

  • « La cornue » (outil permettant la distillation), « salamandre » (outil permettant de chauffer) et « fourneau » => pratique de l'alchimie. l. 4-5
  • « les rires moqueurs d'un salamandre » plusieurs pistes interprétatives possibles autour de ce terme : => L'emploi de l'article « le » alors que c'est un nom féminin interroge : – LA salamandre, amphibien associé au feu (on croyait aux temps anciens que cet animal était une sorte de dragon résistant au feu et crachant du feu) ainsi l’œuvre au rouge lui est associé en alchimie – LE salamandre peut aussi renvoyer à un esprit du feu dans les sciences occultes puisque le déterminant est au masculin (comme l'est le sylphe pour les airs, le gnome pour la terre...) Cette interprétation conviendrait puisque l'on voit par un processus de personnification que cet être a des caractéristiques humaines « rires moqueurs » / « se fait un jeu » Ainsi, A. Bertrand entraîne son lecteur dans une ambiance fantastique, surnaturelle, même inquiétante.
  • Il semblerait que le sens de l’ouïe soit mobilisé à travers les termes « sifflement » et « rires ». Ces sons viennent d'ailleurs contraster avec le silence induit par le termes « méditations ». Tous ces jeux d'opposition (cf. strophe 1 avec les oxymores « jours/nuit » « blafardes/lueurs » ou « livres/hermétiques ») peuvent aussi renvoyer au fondement de l'alchimie : transformer du plomb en or ! L'auteur cherche aussi à créer des effets visuels et sonores pour plonger le lecteur dans une ambiance contrastée et pleine de mystère.
  • Dans la troisième strophe, « le salamandre » passe à l'offensive ainsi qu'en témoignent les deux verbes d'action « attache » et « décoche » l.6, puis le système corrélatif introduit

par l'adverbe « Tantôt » l. 6 (la succession d'un état dans un autre), et le vocabulaire guerrier qui dénote une transformation du reptile ou de l'esprit qui semble plus menaçant « pétard », « un trait de feu ». Il est aussi armé « arbalète » l. 7, « armure » l.8.

  • On remarque que les sonorités sont plus explosives avec les sons [p],[b], [t] et renforcent ainsi le caractère inquiétant.

  • Dans cette strophe la couleur rouge domine à travers les termes « pétard », « feu » ce qui peut faire référence à l’œuvre au rouge. La salamandre peut être associée à l’œuvre au blanc également. → Même si l'alchimiste ne trouve rien, il semblerait que des transformations s'opèrent autour de lui ainsi que l'indiquent la mobilisation des sens comme l’ouïe ou encore, les couleurs et l'action de la salamandre.
  • Cependant les faits et gestes du salamandre peuvent contribuer à conférer au poème une dimension humoristique.
  • Bertrand plonge le lecteur dans une ambiance médiévale par l'usage d'un vocabulaire archaïque : « tantôt », « fourbit », « écritoire ».
  • Dans la quatrième strophe, « Le salamandre » passe clairement pour un esprit malin venant perturber l'alchimiste puisqu'il s'en prend à son « formulaire » et à son « écritoire ». Cet esprit peut se manifester à travers l’allitération en [s] qui parcourt la strophe « son », « cendre », « soude », « sur ».
  • le mouvement caractérise cette strophe à travers les termes « fourbit » et « soude », ce qui peut renvoyer à l'idée de transformation.
  • Les allusions à l'écriture se précisent aussi à travers les termes « pages », « formulaire », « encre » et « écritoire ». Ainsi le parallèle entre l'alchimie et la création poétique devient plus clair pour le lecteur.
  • Dans la cinquième strophe la transformation continue avec la référence hyperbolique à la cornue qui est « toujours plus étincelante » alors qu'elle n'était auparavant qu' « étincelante ». + → La comparaison au son de la cornue avec « le même air que le Diable » induit que le sifflement est de plus en plus fort et assourdissant => Transformation - évolution !
  • A noter que Saint Eloy est le patron des forgerons. A nouveau une référence au feu et au travail de la matière.

III- 3ème mvt (strophe 6) → Un éternel recommencement ?

  • Dans la dernière strophe, on remarque une construction circulaire, on a l'impression dans un premier temps de retourner au point de départ. L'alchimiste poursuit son effort.

  • Toutefois on note quelques différences par rapport à la première strophe : ajout de l'adverbe « Mais » et de l'adj. « autres ». Ce n'est donc plus tout à fait pareil ! => Transformation.
  • Au final toutes ces transformations ne débouchent-elles pas sur un résultat : le poème ? On peut dire qu'il a réussi le Grand Œuvre si l'on associe les différentes allusions aux 3 œuvres dans l'ensemble du texte.
  • Bertrand n'évoquerait-il pas l'idée que La création poétique serait un travail sans cesse remis à l'ouvrage, en perpétuelle recherche ? L'artiste continue inlassablement sa tâche. On remarque que le verbe au présent de l'indicatif dans la première strophe passe au futur de l'indicatif dans la dernière : la création poétique est un travail sans fin. Le poète est aussi à la recherche de la pierre philosophale pour transformer la boue en or.

Conclusion :

Ainsi, A. Bertrand évoque à travers un style nouveau et original le travail du poète et l'art de la création poétique à travers la figure de l'alchimiste. Il s'agit d'un travail constamment remis à l'ouvrage qui entraîne l'artiste vers un monde en dehors du réel. En effet, la dimension fantastique du poème rappelle l'intérêt des romantiques pour le surnaturel, le médiéval et le gothique. Aloysius Bertrand a beaucoup inspiré Baudelaire qui s'essaya à la poésie en prose. C'est d'ailleurs dans la préface de Petits Poèmes en prose qu'il citera Bertrand et lui permettra de rejaillir dans la poésie française.

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