Étude de la peinture Casserole émaillée de Picasso

La Casserole émaillée (Picasso – 1945)

Point de vue

Extrait du catalogue Collection art moderne - La collection du Centre Pompidou, Musée national d’art moderne, sous la direction de Brigitte Leal, Paris, Centre Pompidou, 2007

Trois éléments, trois objets d’une grande banalité, composent cette puissante nature morte, datée du 16 février 1945 (cat. rais. 1, XIV, n° 71) : un pichet blanc, un bougeoir de laiton doré et sa bougie (qui figurent aussi dans plusieurs natures mortes de l’année précédente), et une casserole bleue, posés sur une table de bois. Picasso y insistait : seuls l’intéressaient les objets les plus ordinaires, débarrassés de toute particularité par l’usure des habitudes quotidiennes, comme décapés jusqu’à l’os pour mieux laisser venir l’envie de peindre. Il confiait ainsi à Françoise Gilot, en termes inhabituellement solennels : « L’objet le plus quotidien est un vaisseau, un véhicule de ma pensée. Ce que la parabole était pour le Christ » (F. Gilot, C. Lake, Vivre avec Picasso, Paris, Calmann-Lévy, 1965, p. 66).

Ce sont donc les seuls gestes du peintre, ces cernes noirs épais qui accentuent le contour des objets, ces couleurs denses qui les remplissent, qui imposent les formes et rendent le trio si intensément présent : le pichet tordu sur lui-même en forme de 8, le bougeoir et la bougie composant ensemble un petit personnage féminin surmonté d’un fichu noir, la casserole carrée revêtue d’un beau bleu faïence. Dans la notice qu’elle consacre à ce tableau ( Picasso et les choses, cat. exp., Paris, RMN, 1992, p. 288), Joan Sutherland Boggs signale encore l’intrusion, en mai 1945, de deux des objets figurés dans notre nature morte dans la grande toile intitulée Le Charnier (New York, MoMA) : Picasso y a alors intégré le pichet et la casserole, juste dessinés en haut à gauche de la composition, sans les remplir de la couleur robuste qui caractérise Nature morte à la casserole émaillée.

Cette "nature morte"

traduit les années sombres de guerre.

La bougie symbolise la mort.

Les autres éléments, peints sans fioritures, représentent les épreuves de la vie au temps de la France occupée.

J'aime beaucoup les différentes nuances de bleu. J'aime aussi les traits noirs qui délimitent les objets, un peu comme la ligne claire chez Hergé.

Quel artiste! Il arrive à nous donner froid dans le dos, on frissonne en pensant aux malheurs provoqués par la guerre: une carafe étranglée qui ne pourra pas étancher notre soif, une bougie qui projette une ombre noire, un poêlon qui ne pourra pas contenir de quoi apaiser notre faim et surtout l'emploi de couleurs froides ... même le jaune du bougeoir est froid ... !

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