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Pierre Bordieu La misère du Monde

Fiche : Pierre Bordieu La misère du Monde. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  25 Avril 2013  •  Fiche  •  1 083 Mots (5 Pages)  •  772 Vues

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Extrait de: Pierre BOURDIEU, (sous la direction de), La misère du Monde.

Paris, Éditions du Seuil, collection Points, 1993..

Si la relation d'enquête se distingue de la plupart des échanges de l'existence ordinaire en ce qu'elle se donne des fins de pure connaissance, elle reste, quoi qu'on fasse, une relation sociale qui exerce des effets (variables selon les différents paramètres qui peuvent l'affecter) sur les résultats obtenus. Sans doute l'interrogation scientifique exclut-elle par définition l'intention d'exercer une forme quelconque de violence symbolique capable d'affecter les réponses; il reste qu'on ne peut pas se fier, en ces matières, à la seule bonne volonté, parce que toutes sortes de distorsions sont inscrites dans la structure même de la relation d'enquête. Ces distorsions, il s'agit de les connaître et de les maîtriser; et cela dans l'accomplissement même d'une pratique qui peut être réfléchie et méthodique, sans être l'application d'une méthode ou la mise en œuvre d'une réflexion théorique.

Seule la réflexivité, qui est synonyme de méthode, mais une réflexivité réflexe, fondée sur un « métier », un «œil» sociologique, permet de percevoir et de contrôler sur-le-champ, dans la conduite même de l'entretien, les effets de la structure sociale dans laquelle il s'accomplit. Comment prétendre faire la science des présupposés, sans travailler à se donner une science de ses propres présupposés? Notamment en s'efforçant de faire un usage réflexif des acquis de la science sociale pour contrôler les effets de l'enquête elle-même et s'engager dans l'interrogation en maîtrisant les effets inévitables de l'interrogation.

Le rêve positiviste d'une parfaite innocence épistémologique masque en effet que la différence n'est pas entre la science qui opère une construction et celle qui ne le fait pas, mais entre celle qui le fait sans le savoir et celle qui, le sachant, s'efforce de connaître et de maîtriser aussi complètement que possible ses actes, inévitables, de construction et les effets qu'ils produisent tout aussi inévitablement.

Essayer de savoir ce que l'on fait, lorsqu'on instaure une relation d'entretien, c'est d'abord tenter de connaître les effets que l'on peut produire sans le savoir par cette sorte d'intrusion toujours un peu arbitraire qui est au principe de l'échange (notamment par la manière de se présenter et de présenter l'enquête, par les encouragements accordés ou refusés, etc.); c'est essayer de porter au jour la représentation que l'enquêté se fait de la situation, de l'enquête en général, de la relation parti-culière dans laquelle elle s'instaure, des fins qu'elle poursuit, et d'expliciter les raisons qui le poussent à accepter d'entrer dans l'échange. C'est en effet à condition de mesurer l'ampleur et la nature du décalage entre l'objet de l'enquête tel qu'il est perçu et interprété par l'enquêté, et l'objet que l'enquêteur lui assigne, que celui-ci peut essayer de réduire les distorsions qui en résultent, ou, du moins, de comprendre ce qui peut être dit et ce qui ne le peut pas, les censures qui empêchent de dire certaines choses et les incitations qui encouragent à en accentuer d'autres.

C'est l'enquêteur qui engage le jeu et institue la règle du jeu; c'est lui qui, le plus souvent, assigne à l'entretien, de manière unilatérale et sans négociation préalable, des objectifs et des usages parfois mal déterminés, au moins pour l'enquêté. Cette dissymétrie

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