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Le conseil d'Etat

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Par   •  28 Février 2013  •  1 923 Mots (8 Pages)  •  1 171 Vues

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CE, 30 OCT 2009, MME PERREUX: LE REVIREMENT JURISPRUDENTIEL TANT ATTENDU EST ARRIVÉ!

A l'occasion de l'affaire « Perreux », le Conseil d'Etat sonne le glas de la jurisprudence « Cohn-Bendit » (CE Ass., 22 décembre 1978, Ministre de l'Intérieur c/ Cohn-Bendit, n°11604) en reconnaissant enfin (!) à tout justiciable le droit de se prévaloir, à l'appui d'un recours dirigé contre un acte administratif réglementaire, des dispositions précises et inconditionnelles d'une directive, lorsque l'Etat n'a pas pris, dans les délais impartis par celle-ci, les mesures de transposition nécessaires.

Dans cette affaire, Madame PERREUX, magistrate mais également présidente du syndicat des magistrats, s'était portée candidate à un poste de chargée de formation à l'Ecole Nationale de la magistrature. Cette nomination lui a été refusée, l'arrêté du 29 août 2006 portant nomination à sa place d'une autre magistrate à compter du 1er septembre 2006.

Par une requête en date du 24 octobre 2006, Madame PERREUX demande au Conseil d'Etat l'annulation de cet arrêté, en invoquant le bénéfice des règles relatives au partage de la charge de la preuve fixées par l'article 10 de la directive n°2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 relative à l'égalité de traitement dans l'emploi, dont le délai de transposition expirait le 2 décembre 2003, soit antérieurement à l'arrêté litigieux.

Cette directive n'a été transposée que de manière générale, par l'article 4 de la loi n°2008-496 du 27 mai 2008 portant dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations.

Le Conseil d'Etat se saisit d'office du moyen portant sur l'absence de transposition de l'article 10 de la directive, et profite de cette occasion pour abandonner la jurisprudence « Cohn-Bendit » en reconnaissant l'effet direct des dispositions inconditionnelles et précises des directives passé le délai de transposition et en définissant des modalités spécifiques d'administration de la preuve lorsqu'il est allégué qu'une décision est empreinte de discrimination.

I- La reconnaissance tant attendue de l'effet direct des dispositions inconditionnelles et précises d'une directive passé le délai de transposition

A- L'état du droit antérieur et le contexte juridique ayant conduit au revirement

Le principe posé par le Conseil d'Etat dans la jurisprudence « Cohn-Bendit », était que « les directives ne sauraient être invoquées par les ressortissants de ces Etats à l'appui d'un recours dirigé contre un acte administratif individuel ».

Ainsi un justiciable ne pouvait-il, à l'encontre d'un recours contre une décision administrative individuelle, invoquer directement une disposition d'une directive, même si l'Etat avait été défaillant dans son obligation de transposition. La directive était en effet considérée comme n'ayant pas d'effet direct sur la situation d'une personne individuelle puisqu'elle posait des obligations s'appliquant aux seuls Etats.

Cette jurisprudence est restée constante, le Conseil d'Etat n'y ayant jamais renoncé. Néanmoins, il en a au fil du temps atténué la portée en reconnaissant la possibilité d'invoquer, par la voie de l'exception, la contrariété de dispositions de droit interne qui servent de fondement à l'acte individuel, à une directive suffisamment précise, y compris si l'incompatibilité résulte d'une loi ne comportant pas la disposition exigée par la directive (CE Ass., 30 octobre 1996, Cabinet Revert et Badelon, n°45126) et même si s'interpose une « règle nationale applicable », telle que la jurisprudence administrative (CE Ass, 6 février 1998, Tête, n°138777).

La juridiction administrative confortait, par le maintien de sa jurisprudence, sa réputation « d'irréductible gaulois »! En effet, la jurisprudence « Cohn-Bendit » apparaissait peu compatible avec les exigences de la jurisprudence de la Cour de Justice des Communautés Européennes qui a consacré « l'effet direct vertical ascendant » des directives (consacré par l'arrêt de la CJCE, 4 décembre 1974, Van Duyn, n°41/74, dans le prolongement de l'arrêt de la CJCE, 5 février 1963, Van Gend & Loos, n°26-62).

En effet, depuis 1974, la CJCE considérait que si le délai de transposition d'une directive en droit interne était expiré, l'Etat ne respectait pas ses engagements, et à titre de sanction, la CJCE reconnaissait le droit de tout justiciable d'invoquer contre l'Etat les dispositions suffisamment claires, précises et inconditionnelles d'une directive.

En France, le Conseil Constitutionnel a également rappelé que certaines directives pouvaient comporter des « dispositions inconditionnelles et précises », (Cons. Const. 10 juin 2004, n°2004-496, loi pour la confiance dans l'économie numérique, cons. 9), ainsi que la Cour de Cassation (Cass., Ch. Com., 7 juin 2006, n°03-15118).

B- Le revirement opéré par le Conseil d'Etat

Très certainement conscient de la frontière séparant sa jurisprudence de celle des juridictions voisines, le Conseil d'Etat a préparé son revirement.

Dans un arrêt d'assemblée du 8 février 2007(CE Ass., 8 février 2007, Arcelor-Atlantique, n° 287110), le Conseil d'Etat rappelait en effet que « eu égard aux dispositions de l'article 88-1 de la Constitution, selon lesquelles la République participe aux Communautés européennes et à l'Union européenne, constituées d'Etats qui ont choisi librement, en vertu des traités qui les ont instituées, d'exercer en commun certaines de leurs compétences, dont découle une obligation constitutionnelle de transposition des directives, le contrôle de constitutionnalité des actes réglementaires assurant directement cette transposition est appelé à s'exercer selon des modalités particulières dans le cas où sont transposées des dispositions précises et inconditionnelles ».

Cette décision semble annoncer le présent revirement, et il aura fallu attendre le cas de Madame PERREUX pour que le Conseil d'Etat puisse faire évoluer sa jurisprudence.

En effet, le principe énoncé dans la décision Arcelor-Atlantique est repris dans la décision PERREUX,

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