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La question "qui suis-je" mérite-t-elle une réponse exacte ?

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Par   •  13 Mai 2023  •  Dissertation  •  1 623 Mots (7 Pages)  •  346 Vues

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Mazarine MALICK

Entraînement à l’épreuve de l’essai

Lorsque l’on nous demande « qui l’on est », la réponse nous vient généralement spontanément. Nous nous définissons par un nom, un âge, une profession, certains goûts prononcés, diverses passions… quelques détails relevant, au mieux, de nos goûts ou de notre caractère mais offrant toujours une réponse bien superficielle à cette question destinée à éclairer notre en-dedans. En effet, si ces éléments futiles satisfont bien notre interlocuteur, qu’en est-il du « nous » à qui la question a été posée et qui sent bien qu’il ne se résume pas à son goût pour les pâtes ou aux informations de son curriculum vitae. Il semblerait que ce « qui », qui ne nous est pourtant pas étranger, soit bien compliqué à saisir, voire qu’une part considérable de nous-même nous échappe. Une part que l’on ne peut discerner et qui fait pourtant notre identité et notre unicité. Quelle difficulté d’affirmer que « je suis… », lorsque ce « je », dont je demeure convaincu intérieurement, échappe toutefois à ma certitude. Tel est le malaise évoqué par Marguerite Yourcenar dans ce texte issu des Souvenirs Pieux, faisant face au sentiment d’irréalité induit par la quête d’identité. Si nous pensons nous connaître, notre « identité profonde », semble toujours nous échapper (I). Du moins, si nous ne pouvons la saisir pleinement, peut-être est-ce à nous de la façonner (II). Que vaut la « quête de soi » si nous demeurons toujours pour nous-même, insaisissable ?

Je suis convaincue au fond, que ce « je » que j’emploie lorsque je m’exprime à la première personne, est bien moi. L’expérience que je fais de mon identité est profonde, intime. Tel est le postulat qu’évoque Arthur Schopenhauer dans Le monde comme volonté et comme représentation. Les fondements de notre identité sont internes et résident en notre « for intérieur ». Tout comme nous avons raisonnablement conscience que nous sommes nés, que nous vivons et que nous mourrons un jour, nous éprouvons au fond de nous un sentiment de permanence, la conviction que nous sommes, un « je » unique en dépit du temps qui passe, que nous sommes aujourd’hui le même que celui que nous fûmes et que celui que nous serons. N’est-ce pas d’ailleurs tout à fait ce à quoi nous renvoie le sentiment de la nostalgie : je suis toujours le « moi » que je fus auparavant car je ressens toujours aujourd’hui ce que tel ou tel évènement a pu me faire éprouver par le passé. Toutefois, il s’agit là d’un sentiment qu’éprouve mon cœur, et qui échappe donc à ma raison et à ma conscience. Tout ce que cette dernière me permet d’affirmer sur celui que je suis relève d’un superficiel qui ne peut être assimilé à mon « moi profond » : « l’homme se trouve dans le cœur, non dans la tête ». Ainsi puis-je affirmer que j’ai une identité, et de surcroît unique car comme l’affirme Goethe : « ce que je sais, tout le monde peut le savoir, mais mon cœur n’est qu’à moi ». Toutefois, c’est précisément du fait que mon « identité profonde » échappe à ma conscience que j’ai tant de mal à la définir et à saisir « qui je suis ».

On dit de l’enfance qu’elle est une partie du temps qui échappe au temps qui passe. Encore faut-il que notre mémoire ne nous fasse pas défaut. S’il y a bien un âge où nous nous rapprochons au plus de notre « moi profond », c’est bien aux prémices de notre vie. Toutefois, comme l’évoque Marguerite Yourcenar dans cet extrait de ses Souvenirs Pieux en nous livrant son défaut de mémoire, comment m’identifier à celui qui fut moi et dont je ne me souviens pas ? Comment savoir qui je suis si je ne sais qui je fus ? La mémoire et le souvenir, condition néanmoins essentielle de notre identité, ne s’avèrent néanmoins pas être des critères fiables permettant de dire « je suis ». Sans toutefois la remettre en doute car « que cet enfant soit moi je n’en puis douter sans douter de tout » (l.14), l’auteur prend un recul considérable, presque angoissant pour le lecteur comme pour elle, « je m’arrête, prise de vertige » (l.9), par rapport à l’évènement d’une naissance qui se veut être la sienne. Comme le témoigne l’emploi de la troisième personne et d’expressions presque triviales : « L’être que j’appelle moi » (l.1), « cet enfant de sexe féminin » (l.10), « ce bout de chair rose » (l.11), l’écrivain éprouve un certain malaise à s’identifier à ce nourrisson, qu’elle sait pourtant être elle. Pour pallier, du moins en partie, au « sentiment d’irréalité » (l.14) que ces questionnements induit, elle doit faire confiance aux traces matérielles : « des bouts de lettres ou de feuillets de calepins » (l.17), « des pièces authentiques » (l.19), et aux souvenirs d’autrui : « des bribes de souvenirs reçus de seconde ou de dixième main » (l.16). Il est dur d’identifier celui que l’on est maintenant si l’on ne peut jamais savoir qu’intuitivement qui est celui que l’on a été. Ainsi, si notre « moi profond » demeure insaisissable et que l’on ne peut offrir une réponse exacte à la question « qui suis-je », à quoi bon la quête de soi ? N’est-elle pas perdue d’avance ?

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