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Les médias

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Par   •  27 Mai 2015  •  Commentaire d'oeuvre  •  2 436 Mots (10 Pages)  •  701 Vues

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es mass media abreuvent leur public d’un abondant matériel visuel destiné à capter son attention. Les images servent à illustrer les nouvelles et les articles à la une, mais elles apparaissent également dans la publicité et dans les campagnes pour la santé, la sécurité ou les œuvres caritatives, où elles cherchent à persuader et/ou à infléchir les comportements et attitudes.

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Aux vues de ce large spectre, on pourrait croire que de nombreux travaux de sociologie ont exploré l’impact du matériel visuel sur la réception des messages par le public. Or les recherches empiriques concernant son influence sont rares dans le domaine des sciences sociales (Domke et al. 2002). Les études sur le sujet sont même marginalisées (Radley 2002). Cet article s’inscrit dans une tendance actuelle qui prête un intérêt grandissant au visuel et à son pouvoir. Il vise en particulier à exploiter et à revisiter la littérature existante sur le sujet. Parallèlement, il voudrait aussi soulever des questions concernant le rôle joué par le public dans l’impact des messages. Dans ce but, cet article, qui met l’accent sur le pouvoir émotif du matériel vis

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En effet, la distinction la plus frappante entre les effets produits par le textuel/verbal par opposition aux messages visuels relève de l’impact émotif. On considère que les images sont capables d’entraîner les gens dans une voie émotive, tandis que le matériel textuel ou verbal les maintient dans une voie de pensée plus rationnelle, plus logique et plus linéaire. Iyer et Oldmeadow par exemple (2006) ont découvert que les personnes qui avaient vu des images de l’enlèvement de Kenneth Bigley tirées des journaux nationaux ressentaient davantage de peur que ceux qui n’avaient lu que les articles dans ces journaux. Les images ne se limitent pas à susciter un sentiment de peur, elle peuvent aussi aider les gens à prendre conscience d’un problème. Boholm (1998) a observé que les documents visuels qui ont accompagné les reportages sur le dixième anniversaire de la catastrophe nucléaire de Tchernobyl dans cinq pays européens avaient provoqué une plus grande implication émotionnelle de la part du public et soulevé davantage d’inquiétudes d’ordre personnel que ne l’avaient fait les textes. Boholm rattache cela en partie au fait que les images possèdent « une immense capacité à rapprocher de l’expérience subjective des risques éloignés de notre expérience quotidienne » (p. 127), ce qui facilite l’identification à leur contenu.

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Le matériel visuel s’imprègne profondément dans la mémoire. Cette particularité est liée à l’intensité du matériel visuel et lui confère toute sa puissance. Les études psychologiques en cognition sociale ont glosé à l’envi sur les stratégies mentales grâce auxquelles les individus élaborent leur monde. Il ressort que les gens ont systématiquement des perceptions biaisées qui les amènent à surestimer les dangers « intenses » mais peu fréquents, et à sous-estimer les dangers moins frappants mais plus courants. L’« information » est considérée comme intense (vivid) dans la mesure où elle provoque une réaction émotionnelle, utilise des images qui interpellent et se situe dans une proximité temporelle, spatiale ou sensorielle.

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Si cet « effet d’intensité » (vividness effect) peut néanmoins manquer de force réelle (Taylor et Thompson 1982), ce n’est pas le cas de deux autres stratégies mentales. L’effet de saillance (salience effect) postule que, quand l’attention des gens est dirigée spécifiquement sur une partie de leur environnement, ils ont tendance à s’en souvenir et à lui conférer une place essentielle au moment de se faire ensuite une opinion. On peut rattacher cela à une heuristique de la disponibilité (Tversky et Kahneman 1974), une des pierres angulaires de la cognition sociale, qui avance qu’un événement est considéré comme fréquent ou probable dans la mesure où des occurrences de cet événement peuvent être facilement ramenées à la mémoire ; d’où l’idée selon laquelle la qualité émotive d’un matériel visuel alimente son intensité. Les images fortes laissent une trace riche et marquante dans l’esprit tandis que, moins impressionnantes, elles s’effaceraient. Cette intensité est donc à l’origine de la saillance des contenus qu’elle véhicule.

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Ces données empiriques viennent à l’appui de l’hypothèse de Boholm (1998) qui affirme que les images peuvent exercer un « pouvoir de positionnement » dans l’imagination du spectateur, résistant ainsi aux considérations qui s’opposeraient aux sentiments qu’elles produisent. Les images sont instantanément absorbées sans aucune médiation car les spectateurs ne sont généralement pas appelés à les analyser ou à les déconstruire comme c’est le cas quand il s’agit d’un message verbal. De nombreux débats ont lieu dans les médias pour essayer de résoudre des controverses (par exemple pour déterminer si le vaccin unique ror contre les oreillons, la rougeole et la rubéole peut être un facteur d’autisme). Or aucun débat analogue n’est possible dans le cadre des images. Ceci est lié à une autre particularité du visuel : à savoir, le fait qu’il permet de vérifier l’authenticité de l’histoire racontée (Graber 1996). Les photographies (fixes ou non) – les catégorie la plus marquante des images diffusées dans les médias d’information – attestent la « valeur de vérité » d’un événement : puisque que quelqu’un a vu de ses yeux ce que montre l’image, ceci suffit à prouver que l’événement a réellement et incontestablement eu lieu (Barthes 1977/1988). Cette caractéristique réduit d’autant les chances de débat sur les images.

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Cependant, bien qu’on puisse avancer que le débat est inhérent au textuel/verbal, rien n’empêche de mettre côte à côte des images et d’inviter les gens à « lire » par eux-mêmes les controverses qu’elles suscitent. Comparons, à titre d’exemple, les images représentant des gens en liesse dans les pays arabes après la chute des tours jumelles en 2001 et celles qui montrent des Occidentaux en état de choc. L’idée que, face au même fait visuel, des personnes puissent réagir de façon diamétralement opposée selon leur identité plaide en faveur du regard interprétatif exigé par les documents visuels et de la nature polysémique de ces derniers. Des individus appartenant à différents groupes aurons un comportement différent face aux mêmes images, en fonction de facteurs divers tels que l’empathie envers les victimes

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