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La Bougie, Francis Ponge

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Par   •  9 Janvier 2013  •  4 281 Mots (18 Pages)  •  2 431 Vues

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Introduction

[alinéa 1 : entrée en matière] Francis Ponge se lance dans une entreprise de dépoussiérage et ce parti pris des choses est réussi à l'entrée... Donner congé aux séminaristes troubadours adeptes du dizain et de l'alexandrin et rimailleurs de petites ballades ou bluettes à refrain, voilà comment s'énonce l'ambition de ce défricheur. Francis Ponge, comme tous les grands poètes, cherche une vérité qu'il sait pouvoir trouver. Pour cela, il faut savoir prendre des chemins égarés, comme on fait des mots croisés. Toute la poésie de Ponge repose sur cette incommodité intellectuelle, sur cette recherche d'une forme de voyance qui balance entre les concepts, les mots et une réalité perçue toute en images...

[alinéa 2 : définir le contenu du poème, le thème et son enjeu]

Et les mots surgissent, Ponge nous plonge dans un récit aux allures de contes pour enfants, une exploration du langage autour de représentations qui convoquent tous les sens. Ou plutôt dans la description d'un objet d'une banalité déconcertante, dont il va bien vite s'écarter. Car ce poème en prose est une symphonie de perceptions, de mouvements et sensations, d'images. La réalité entraperçue à la lueur d'une bougie, c'est un autre monde, celui de la littérature...

[alinéa 3 : annonce des grandes lignes du plan adopté pour le développement argumenté du commentaire]

Dans un premier temps, nous étudierons le caractère inaccoutumé de cette description, puis nous nous intéresserons à la représentation allégorique, qui déborde largement ce cadre...

I. Une description plutôt insolite.

A. Un objet : une fière allure ou un semblant de tenue ?

[alinéa dont la première ligne est en retrait par rapport aux autres, correspondant à la phrase d'annonce de ce premier paragraphe, de cette première partie du développement]

Comment dire la réalité... Même la plus dérisoire ? Comment décrire l'accessoire, même le plus commun ? La manière d'écrire de Ponge est, comme nous allons le voir, pour le moins insolite, inattendue, et en même temps pleine d'allusions et de traits d'humour.

Une bougie est une chandelle de cire ou de stéarine. A l'origine, vers le XIVème siècle, on fabriquait des bougies à l'aide de cire d'abeilles, du blanc de baleine (bougies diaphanes en raison de l'addition d'acide stéarique), ou plus tardivement de matières translucides comme la paraffine extraite du pétrole. Des fabrications plus rustiques existaient aussi, à l'aide du suif de mouton, de graisse de bœuf, de résine ou autres acides gras. La postérité de la bougie est étroitement liée à ces matières grasses à l'état solide et au principe de la saponification. Le mot « bougie » est issu du Kabyle « begayet ». Il s'agit d'un port situé sur le golfe de Bougie, près de Constantine en Algérie, au pied du djebel Gouraya. Béjaïa, qui se trouve dans la région de Kabylie, était connue à l'époque pro-consulaire sous le nom romain de Saldae. En l'an – 27 avant notre ère, l'empereur Auguste y a fondé une colonie Numide et fit construire Saldae, qualifiée plus tard de civitas splendidissima... Réputée dans toute l'Europe pour sa notation algébrique et pour la qualité de ses chandelles en cire d'abeille, la ville a donné son nom (par antonomase*) aux bougies. Au XVIème siècle, la corporation nantaise des huiliers, chandeliers et ciriers fournira l'aristocratie de notre pays en cierges à base de cire d'abeille, laissant au petit peuple l'éclairage au suif de vache... La « colonnette d'albâtre » redouble, implicitement, le thème de la noblesse de l'ustensile. Comme l'albâtre onyx, le marbre blanc ou autre roche blanche translucide, la cire d'abeille était sous l'Ancien Régime, une matière luxueuse, et fort onéreuse. Par ailleurs, le rost n'était jamais servi dans les banquets médiévaux, car la viande de bœuf, tout comme la graisse de porc, était considérée alors comme une nourriture de gueux*. Techniquement, une bougie est constituée d'un cylindre formé par une matière combustible dont le point de fusion est peu élevé et qui brûle grâce à une mèche de coton , tressée et noyée dans la masse cireuse. Au second alinéa de son poème en prose, l'auteur assimile par métaphore ce cylindre à une « colonnette d'albâtre » prolongée par « un pédoncule très noir ». Grâce à une métaphore botanique, la mèche de coton ou de chanvre, est assimilée à un « pédoncule », c'est-à-dire à un cordon, à la tige floconneuse d'une fleur ou d'un arbre portant le fruit. A moins qu'il ne s'agisse d'une allusion aux abaques des colonnes doriques ou torsées de l'Antiquité grecque. Le poète farceur file la métaphore : en effet, dès l'entame du poème, le thème de la bougie est annoncé par une métaphore végétale (« La nuit parfois ravive une plante singulière dont la lueur décompose les chambres meublées en massifs d'ombres »). Il est vrai que la silhouette d'une bougie présente la même allure générale qu'une bouture végétale : une plante verte est constituée d'une tige coiffée, dans sa sommité, d'un feuillage (la « feuille d'or » de cette « plante singulière »). Dès le début du poème, la bougie est associée à « la nuit », ce qui passe pour une évidence puisque sa flamme fournit un moyen d'éclairage habituel ou d'appoint. La nuit redonne de la vigueur à la bougie, lui donne tout son éclat : elle fait revivre cet ustensile. Comme si la nuit et la bougie s'exaltaient l'une l'autre. Ranimée par la lueur de la bougie, la chambre paraît comme remeublée (« dont la lueur décompose les chambres meublées en massifs d'ombres »). Le pluriel vaut sans doute pour une généralisation du propos. Ce qui encourage une implication du lecteur dans le récit ou dans la description. A la place des meubles attendus habituellement dans cette pièce, Ponge fait surgir des « massifs d'ombres ». Le rayonnement de cette luminosité chancelante produit des ombres, par l'interposition de masses opaques. Un jeu d'ombres et lumières dans un espace clos. Ces colorations foncées forment des massifs, des masses indistinctes, des blocs ramassés au beau milieu des murs blanchis de la pièce... Le lecteur peut penser également à des feuillages, des bosquets de plantes ornementales ou arbustes.

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