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Joseph Beuys Ce Qui Me Tient En éveil…

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Par   •  14 Octobre 2014  •  6 248 Mots (25 Pages)  •  954 Vues

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Joseph Beuys

Ce qui me tient en éveil…

Patrick Patonnier

« Il n'y a dans le visible que les ruines de l'esprit » Maurice Merleau-Ponty

Dès le début Joseph Beuys installe ses préoccupations au centre d'une question qu'il ne cessera de polir jusqu'à l'épuisement total de ses forces et l'extinction de celles-ci : l’homme fut pour lui au centre même de toute sa vie et son œuvre peut-être vu comme l'inventaire des divers procédés qu'il mit au point pour en découvrir toujours plus les fondements.

À une journaliste qui s'inquiétait de sa notoriété publique et de l'influence grandissante qu'elle prenait Beuys avait répondu : "je ne prétends pas montrer un exemple, mais simplement indiquer une direction" en ajoutant, "et dans cette direction-là, il n'y a pas d'erreur possible ... "

L'œuvre de Joseph Beuys est trop dense, son déploiement très complexe au sein du processus créatif autant que l'étendue des moyens que l'artiste utilisa (les installations, les happenings, les procédés audiovisuels, les conférences, la sculpture, le dessin, la peinture, l'activité politique au sein du mouvement des Gründs, parti écologiste allemand dont il fut l'un des fondateurs), ne permettent pas de situer clairement dans le cadre de ce travail. L'œuvre dans son ensemble. Il serait nécessaire pour cela de reprendre des notions d'histoire de l'art, de philosophie, d'anthropologie, d'utiliser les sources des grands courants religieux, sociaux et politiques qui servirent à alimenter sa réflexion. Et cela, d'autant que même pour les spécialistes de l'art contemporain elle demeure extrêmement difficile à cerner, tant du point de vue iconographique que dans ses différentes formes d'expression. L'œuvre d'un artiste et celle de Joseph Beuys en particulier, ne peuvent "tenir" qu'à la condition d'une certaine cohérence. Une harmonie que seul le cheminement de toute une vie peut offrir à celui qui s'y engage ...

Après sa mort, l'institution et la critique ont essayé de récupérer ce qu'elles pouvaient des morceaux laissés épars, sans lien réel entre eux, comme les restes d'une grande énigme, dont l'objet, n'aurait été finalement que d'inciter à réfléchir sur ses manques, ses hiatus, ses espoirs et ses défaites. Dessins à peine esquissés, sur le bord d'une table, entre une ébauche de sculpture et la prochaine étape d'une pensée toujours en quête d'un peu de lumière dans l'obscurité et la profondeur de son devenir.

Elle reste aujourd'hui encore, comme une énigme signifiante nous incitant à plus d'attention sur le présent en n'achevant jamais d'explorer ce passé sans lequel il n'y aurait nul avenir possible.

Qu'avons-nous appris qui peut nous dispenser d'entendre, au travers des siècles écoulés, toujours le même esprit qui nous pousse et nous guide sur le chemin de l'homme ? Car si Dieu ou quelque soit le nom qu'on veut bien lui donner est le créateur de cet univers, I' homme est encore celui qui depuis l'aube verticale trace inlassablement ce chemin vers lui-même.

La raison est un des outils les plus perfectionnés que l'homme ait mis au point pour se protéger de ses fantômes intérieurs et là où elle trouve sa pleine cohérence il y a toujours aussi un ancien dieu, une divinité oubliée pour la confronter à ses limites. Et si son sommeil engendre quelques fois des monstres, il ne faut jamais oublier d'où ces monstres peuvent surgir. Notre époque après avoir établi les bases d'un positivisme fortement hégémonique, découvre aujourd'hui que ce que nos ancêtres appelaient la magie repose en fait sur des lois naturelles que la science finit toujours heureusement, par mettre en équation. Mais comme les autres avant lui, notre siècle se trompe sans doute quand il interprète des signes dans une langue qui n'a plus rien à voir avec leurs significations profondes. Le travail de I' artiste, sa tâche quotidienne, consiste à mettre en relation des signes, des formes, des modes de représentation et de pensée qui ne devraient pas à priori se rencontrer. Contrairement aux scientifiques, sa quête repose sur I' erreur. On peut même dire que se tromper est son métier, et ce métier l'amène à croiser des lignes de fuites où la somme des erreurs du passé donne quelques un sens nouveau au terme « existence ».

L'art contemporain, dont la naissance peut être située autour des années 1910 avec l'apport de Pablo Ruiz-Picasso 1881-1973 (les demoiselles d'Avignon 1906-07) et de Marcel Duchamp 1887-1968 (roue de bicyclette 1913) en faisant voler en éclat les dernières données de la représentation, allait changer radicalement la relation de l'artiste et de l'homme avec le monde qui l'entoure, et la façon dont il pouvait jusque-là le traduire. Il me semble juste de dire qu'à partir de ce moment-là, l'image que l'on se faisait du monde fut de moins en moins basée sur des critères d'objectivités et d'assurance tirés de l'apprentissage de techniques diverses qu'à partir des seules limites intérieures de I ‘individu. Picasso avec le cubisme puis Duchamp avec le readymade avaient introduit de manière définitive, mais pour des raisons et des objectifs différents, la relativité dans l'ordre de la représentation artistique...

Les matériaux que Beuys utilisera tout au long de sa carrière sont toujours extrêmement pauvres, usagés, sans lien réel avec une quelconque esthétique factuelle. Les techniques utilisées sont tout à fait rudimentaires et à la portée de n'importe qui. Rien de difficile dans leur élaboration. Leur complexité peut quelques fois résider dans leur utilisation, leurs ajustements, mais le plus souvent naissent de nos préjugés ou de notre conditionnement structurel et idéologique. Un jour qu'il visitait une école d'art aux États-Unis en tant qu'invité d'honneur. Beuys devant la pléthore de machines très sophistiquées, d'ordinateurs et de tout un tas d'appareillages techniques "derniers cris", sortit son couteau de sa poche et, ramassa un morceau de bois par terre en les tendant aux étudiants ébahis leur lança : Est-ce que quelqu'un peut me fabriquer quelque chose avec ça s'il vous plaît ?

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