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Bernard Buffet, La Crucifixion

Commentaire d'oeuvre : Bernard Buffet, La Crucifixion. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  2 Mars 2022  •  Commentaire d'oeuvre  •  1 799 Mots (8 Pages)  •  365 Vues

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Bernard Buffet, La Passion du Christ : la Crucifixion, 1951, huile sur toile - 280 x 500 cm

Quand Bernard Buffet commence à peindre dans les années 1940, il est alors considéré comme l’égal de Picasso avant de disparaître des radars de l’histoire de l’art. De fait, les années 1945-1955 marquent l’ascension vers une gloire fulgurante avec l’invention d’un style qui lui propre, alors qu’il n’est âgé que d’une vingtaine d’année. Né à Paris en 1928, il excelle dans le dessin et les sciences naturelles, et entre précocement aux Beaux-Arts à 15-16 ans. Cependant, ses premières années de développement de style sont marquées par la guerre et l’Occupation mais aussi et surtout la mort de sa mère. Dès lors, il développe une « angoisse existentielle » qui trouve son expression dans ses œuvres. C’est notamment le cas de l’huile sur toile de La Passion du Christ : La Crucifixion qu’il peint en 1951 dans des dimensions colossales, soit 280 sur 500cm. Cette dernière s’inscrit dans un cycle religieux qui se composait de deux autres tableaux : la Flagellation et la Résurrection.

LE « STYLE BERNARD BUFFET » …

Celui-ci s’exprime avant tout via ses personnages caractéristiques marqués par un fort graphisme. De fait, ces figures sont cernées d’un noir profond qui les distingue du fond blanc strié au fusain, mais aussi traitées dans une sorte de synthétisme, un peu à l’instar de pantins comme le montre la posture des bras des trois crucifiés. En effet, les articulations sont dessinées assez sommairement et s’inscrivent dans une géométrie, tout à fait proche du cubisme, d’où le rapprochement érudit avec Picasso et le cubisme. Ce type de figure est déjà présente en 1947 dans le tableau Deux hommes nus dans une chambre. Jean Cocteau parle « d’unitype » pour les désigner. Ces derniers sont mis en exergue par cette absence de fond architecturé/narrativisé ainsi que par la réduction des accessoires : les corps sont dévêtus à l’exception des deux personnages qui flanquent le Christ. En cela, les figures de Buffet ont longtemps été interprétées en tant qu’académies, soit des études de corps. En outre, il faut noter une sorte de théâtralisation de ces personnages par une rigueur dans leur mise en place sur le champ pictural. Cela se traduit avant tout par cet effet de frise de personnages portée, en partie, par l’isocéphalie des trois crucifiés ; mais aussi par cette répartition assez équilibrée des personnages dans une sorte de « symétrie » par rapport à l’axe médian vertical qu’est le corps du Christ, reconnu par sa couronne d’épines. Il y faut y voir là, la conséquence du grand format rectangulaire qui pousse le peintre à occuper son champ par des personnages grands et peu nombreux, marqués par des éléments verticalisants : les croix, les corps, qui font écho à ce format. Par ailleurs, cette rigueur géométrique s’exprime aussi dans l’exploitation du centre géométrique, formé par les diagonales,  de la composition : l’accent est mis sur le Christ et son corps. La symétrie se fait par rapport à cet axe médian vertical, mais aussi par l’axe médian horizontal qui distingue finalement le sujet même de la composition, à savoir la Crucifixion, des personnages spectateurs, assis et agenouillés, de la scène. Cette symétrie s’exprime aussi par des variations de postures qui se font écho : les deux agenouillés sont sur les côtés, le personnage masculin debout à droite fait écho à la femme assise à gauche, les trois personnages au sol répondent aux trois crucifiés. Il faut noter aussi l’exploitation de la diagonal qui part du coin inférieur gauche au coin supérieur droit avec un alignement des têtes. En outre, on note une construction pyramidale avec le sommet placé sur la Croix. Finalement, la rigueur géométrique sert le sujet de la composition. Notons aussi, que Buffet s’inscrit dans son temps avec cette accentuation et théâtralisation des figures, en plein débat entre abstraction et figuration, exprime un désir de retour à l’humain en ce temps d’après-guerre. Les postures sont très expressives et mettent en exergue le pathos, comme l’illustre les couleurs ternes et les contacts visuels entre les personnages centraux. Nous avons finalement, une sorte d’exemplarité des affects avec le personnage qui désigne le Christ et les regards qu’il attire. Cette œuvre est donc intériorisée : le spectateur est totalement hors de la composition, en témoigne l’absence de personnage admoniteur. L’accent est mis sur la planéité : pas de volumes, ni d’ombre. C’est une poésie de la matière.

UN PEINTRE DE GRAND GENRE ENTRE ABSTRACTION ET FIGURATION…

Tout au long de sa carrière, y compris dès son entrée aux Beaux-Arts, Buffet n’aura de cesse de se définir en tant que peintre. Ce n’est sans compter le fait qu’il s’attaque, ici, à la peinture de grand genre qu’est la peinture à sujet religieux. Il s’agit d’un thème médiéval qui se voit assez traité par les jeunes peintres au lendemain de la guerre. Il faut noter que par sa formation, et par son habitude de se former devant les œuvres au Louvre, Buffet regarde les anciens et s’en inspire très clairement. Ici, le modèle notable est le fameux Retable d’Issenheim de Grünewald, daté du XVIe siècle, où nous retrouvons le saint Jean-Baptiste qui a ce même geste de désignation du Christ crucifié. Il s’inscrit finalement dans une tradition picturale. Pour autant, il reste un peintre de son temps et pioche dans l’art contemporain comme le cubisme de Picasso, mais aussi dans le contexte même. C’est ce qu’illustre l’utilisation de vêtements de son temps tout à fait diachronique par rapport au sujet de la composition. Il transpose le sujet à un contexte contemporain. Mais aussi la présence de verticales qui montrent qu’il a aussi regardé l’art abstrait. De même, cette pauvreté chromatique est tout à fait la direct conséquence de la guerre et de la pauvreté ambiante. En outre, l’accent n’est finalement pas mis sur le sujet en tant que tel puisque les blessures sont peu mises en avant, de même que les reliques comme la couronne d’épines ou encore la Croix fondue derrière le corps du Christ, contrairement à Grünewald qui dépeint un corps supplicié. Il y a une modernisation de l’iconographie traditionnelle qui, finalement ici, devient prétexte au développement du style de Bernard Buffet. De fait, l’accent se porte sur les figures graphiques qui se détache d’un environnement quasi abstrait. Il y a donc dans son art de ses débuts, encore cette tension entre abstraction et figuration, tout à fait contemporaine. Par ce style singulier, Buffet est qualifié d’expressionniste misérabiliste, à l’instar de Gruber. En cela, il est très aimé de son public, mais méprisé en partie par les élites qui condamnent un caractère trop « prolixe ».En outre, cette réalisation intervient à l’occasion de l’exposition La Passion du Christ et s’inscrit dans un cycle pictural de même dimensions et présentant ce même « style Bernard Buffet ». De fait, dès le début de sa carrière Bernard Buffet organise des expositions annuelles à la Galerie Garnier sur des thèmes variés dont celui-ci. Ce thème, peut-être analysé à lumière de l’angoisse existentielle qui le suivait depuis l’âge de 17 ans. Il faut noter que ce thème de la Passion du Christ est encore présent en 1961, lorsqu’il produit un cycle destiné à décorer la chapelle du Château l’Arc, où il s’ancre davantage dans le versant figuratif.

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