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Suis-je le seul juge de mon devoir ?

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Par   •  1 Mai 2021  •  Dissertation  •  2 528 Mots (11 Pages)  •  907 Vues

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Le mot « devoir » peut prendre différents sens : il peut désigner un devoir écrit demandé à un élève, mais il peut être aussi une obligation particulière et concrète, ce à quoi l’on est tenu, par respect d’un règlement, d’une loi, de la raison, la morale, les responsabilités … Par exemple, voter, c’est accomplir son devoir de citoyen. Mais le devoir revêt un troisième sens et peut désigner l’ensemble des règles générales qui guident la conscience morale. C’est cette troisième définition que nous retiendrons, à savoir le devoir au sens de devoir moral que je m’impose.

C’est pourquoi la distinction entre le devoir et l’obligation juridique est importante car la loi nous oblige à faire certaines choses comme par exemple payer nos impôts, mais ne nous oblige pas à donner à une organisation caritative. Nous voyons ainsi que l’action accomplie par devoir nécessite plus de volonté et implique plus de liberté que dans le cas où la loi oblige.

Cependant, il reste tout de même une part d’obligation dans le devoir : lorsque nous accomplissons une tâche par devoir, c’est souvent parce que nous nous sentons redevables. D’ailleurs le mot « devoir » vient du latin « debere » qui signifie « être redevable de quelque chose à quelqu’un ».

De plus, être jugesignifie être plus ou moins apte à apprécier les choses dans un certain domaine grâce à des compétences ou une expérience.Ainsi, pouvoir être juge de son devoir renvoie à une notion de justice et d’équilibre qui sous-tend notre capacité à évaluer notre devoir moral, et donc à savoir identifier le bien et le mal, ce qui implique dans un premier temps de savoir ce que nous devons faire : existe-t-il un critère infaillible qui permet de faire par exemple la différence entre le bien et le mal ? Et l’homme à partir de ce critère a-t-il besoin d’une autre instance pour juger son devoir ou en est-il capable seul ?

Afin d’apporter des éléments de réponses à ces questions, nous examinerons dans un premier temps la théorie du déontologisme, au travers des approches de Rousseau d’une part, et de Kant d’autre part, théories qui basent le jugement de la moralité d’une action sur l’intention. Nous nuancerons ensuite ces approches avec Freud. En effet, être juge de son devoir implique une autonomie, une liberté, en toute conscience, or, la complexité de la personnalité selon Freud, divisée en 3 sphères génératrices de tensions nous conduit à douter de la capacité de l’homme à être seul juge de son devoir. Enfin, nous poursuivrons en déplaçant les critères de jugement de la moralité du devoir non sur l’intention mais sur les impacts concrets de l’action (ou de l’absence d’action) en examinant la théorie du conséquentialisme au travers des travaux de Mill.

1. Pour commencer, être juge de mon devoir, implique d’avoir la connaissance de ce que j’ai à accomplir conformément à un référentiel, à des critères.

Selon le déontologisme, le caractère moral d’une action est déterminé par l’intention des acteurs, ce qui implique nécessairement le rapport à une loi (fondée dans l’intuition morale, la nature humaine, la raison ou la révélation divine). Si l’on se place du point de vue de l’intention seulement pour juger du caractère moral du devoir, alors l’homme pourrait être seul juge de son devoir.

Si l’on prend l’exemple de Jean-Jacques Rousseau, dans son « Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes», il affirme qu’il existe en tout homme un sentiment naturel qu’il nomme « la pitié » portant chacun à détester faire du mal à autrui. Cette conception repose sur une théorie de la nature humaine conçue comme essentiellement bonne, le sentiment du devoir venant d’une répulsion innée pour le mal. Selon Rousseau, la pitié joue un rôle fondamental car il s’agit d’une vertu naturelle et universelle dont découlent les autres vertus. Il la définit comme « un sentiment naturel, qui modérant dans chaque individu l’activité de l’amour de soi-même, concourt à la conservation mutuelle de toute l’espèce ». De plus, Rousseau explique que la pitié peut se traduire par la maxime suivante : « fais ton bien avec le moindre mal d’autrui qu’il est possible ». Cette maxime de la pitié signifie que la morale naturelle, c’est-à-dire préexistant à la société, conduit l’homme à se soucier de son propre bien par l’amour de soi en faisant le moins de mal à autrui par la pitié. Pour Rousseau, la pitié se révèle plus spontanée et plus efficace que la raison, laquelle se montre artificielle et d’autant plus dure. Ainsi, selon cette théorie, l’homme semble équipé pour être seul juge de son devoir, car il est naturellement affecté par la souffrance de ses semblables. C'est sur ce fond sentimental, bien plus que sur la rationalité, que peut s'établir le devoir moral de l'individu ainsi que la survie de l'espèce car chaque individu porte en lui cette sensibilité qui l’équipe ainsi pour discerner son devoir.

Pour poursuivre sur l’approche du déontologisme, examinons maintenant ce que nous dit Emmanuel Kant dans les « Fondements de la métaphysique des mœurs ». Le point de départ de Kant est ce qu’il appelle « la bonne volonté » qui renvoie à une volonté « bonne en elle-même », indépendamment de l’expérience sensible et qui est une volonté d’agir par devoir. Ainsi, pour Kant et Rousseau, le caractère moral de l’action est établi à partir de l’intention et non des effets que l’on en attend, l’autre point commun réside dans l’équipement de l’homme pour être juge de son devoir. En effet, pour Rousseau, la sensibilité intrinsèque permet le discernement, pour Kant par contre, c’est la raison qui permet à l’homme de discerner ce qu’il a à faire, en-dehors de toute considération intéressée. En effet Kant écrit : « la raison commande par elle-même, et indépendamment de tous les faits donnés, ce qui doit avoir lieu ». La raison exige donc catégoriquement, c'est-à-dire sans conditions. Ainsi selon Kant, une action accomplie par devoir tire sa valeur morale non pas du but qui doit être atteint, mais de la maxime d’après laquelle elle est décidée. Pour être morale, l’action accomplie par devoir doit suivre une loi basée sur l’universalité. Pour faire mon devoir, je dois donc systématiquement m’interroger sur l’universalité de la maxime qui sous-tend mon action. C’est ce que Kant nomme « les impératifs catégoriques » qui posent une action comme nécessaire et inconditionnelle, indépendamment de la fin à atteindre. Ces impératifs donnent des lois, quelque soit l’inclination du sujet : « Agis uniquement d’après la maxime qui fait que tu peux vouloir en même temps qu’elle devienne une loi universelle ». Selon Kant, la base de la morale est le concept de la liberté, de la capacité de se donner à soi-même sa propre loi selon le principe d’autonomie. Ainsi, la morale ne pourrait pas exister dans un état de dépendance, lorsque nous obéissons aux exigences d’autrui. Selon Kant, l’homme semble bien seul juge de son devoir, puisqu’il est seul à pouvoir répondre à la question « que dois-je faire ? » ou « que dois-je vouloir » en mettant en pratique des devoirs relevant de la moralité et donc de la liberté.

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