LaDissertation.com - Dissertations, fiches de lectures, exemples du BAC
Recherche

L’imprévue était-il imprévisible?

Dissertation : L’imprévue était-il imprévisible?. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  27 Novembre 2017  •  Dissertation  •  4 561 Mots (19 Pages)  •  978 Vues

Page 1 sur 19

VIDOT                                                                                                        TS1

MATHIAS                                

                                Philosophie :!l’imprévue était-il imprévisible ?

        L’imprévu est le caractère d'une chose ou d'une personne qui peut être ou ne pas être, ou d'un événement qui peut ou non se produire. En ce sens, il est le strict opposé de la nécessité. De fait, nous avons bien le sentiment, parfois douloureux, de l’imprévu des êtres et des faits, nous faisons l'épreuve d'un monde aléatoire, soumis au hasard. Dans ce contexte, la possibilité d'une appréhension rationnelle de ce qui nous entoure semble extrêmement limitée. Mais cet imprévu est-il bien réel ? Ne naît-il pas d'une conception inadéquate de la réalité ? Un événement en soi nécessaire est imprévu que dans la mesure où l'imagination viendrait troubler notre approche de celui-ci. L’imprévu relèverait bien de l'imagination en ce sens qu'il serait imaginaire, irréel. Mais si l’imprévu existe réellement, si il ne tient pas seulement à une appréhension illusoire de la réalité par l'esprit, cela signifie-t-il pour autant que l'homme est impuissant, ballotté d'un événement à l'autre sans aucune marge de manœuvre ? N'y a-t-il pas un savoir possible lié à l’imprévu qui nous autoriserait à dire qu'il relève effectivement de l'imagination ? Si l'on cesse de penser l'imagination comme une puissance trompeuse, comme un obstacle à une saisie rationnelle de l'être et qu'on la caractérise comme un pouvoir d'anticipation, comme une capacité d'envisager le possible, alors, il s'agit de déterminer la nature d'un tel savoir et de mettre en évidence l'enjeu éthique de la question. L'imprévu c’est ce que l’on n’a pas prévu, mais que l’on aurait pu prévoir et peut avoir deux origines différentes ; soit une absence de connaissance et alors, un peu plus de connaissance aurait fait disparaître l'imprévu. Disons que le hasard serait un simple effet de notre ignorance. Ou bien une impossibilité de prévoir l'état d'un système futur à partir de son état présent, cette impossibilité fait que l'imprévu est toujours imprévisible puisque la prévision est impossible. Alors que l’imprévisible c’est ce qui ne peut être prévu, et ce dont on ne peut prévoir les réactions. On peut donc ce demander si l’on  a besoin de recul pour prédire un événement, ou au contraire, si il est possible de prévoir un avenir.

 

        Ordinairement, on considère un événement futur comme possible : il est contingent, susceptible d'être ou de ne pas être. Mais, si l’imprévu apparaît bien comme réel, pouvons-nous pour autant, en avoir une connaissance quelconque ? Échappe-t-il irrémédiablement à l'empire de la raison ? Du fait de la nature même de la science, l’imprévu, toujours singulier, lui échappe-t-il en totalité ? La seule approche de l’imprévu serait donc empirique. Mais, si l'on peut admettre le caractère réel de l’imprévu, doit-on renoncer à en avoir une connaissance rationnelle ? Un tel renoncement repose peut-être sur une analyse encore insuffisante de l’imprévu. Est-il le pur indéterminé, l'irrationnel par excellence ?  

Le problème est donc de savoir comment les prédicats peuvent être dans le sujet sans que cela n'annule leur imprévu. Si la vérité de raison, qui relève d'une nécessité absolue est commandée par le principe d'identité, la vérité  de fait, qui relève d'une nécessité hypothétique est commandée par le principe du meilleur. Dieu a librement choisi l'ordre des événements et leur nature, il a choisi le meilleur des mondes parmi les mondes possibles. Pour pouvoir penser en même temps contingence et  rationalité, il faut comprendre en quel sens l'on peut dire que Dieu a choisi librement le meilleur des mondes. On aboutit finalement à une rationalisation de l’imprévu , laquelle ne relève donc plus d'une connaissance imaginative, mais de la raison. Néanmoins, le caractère interminable de l'analyse des vérités ne tient pas à notre point de vue fini, limité, mais est fondé sur la nature même des choses. C'est parce qu'un tel événement fait partie de séries distinctes, infinies elles aussi, que l'analyse est infinie, pour nous comme pour Dieu. Pour conclure cette analyse, nous pouvons dire que l’imprévu ne relève pas de la seule imagination puisqu'elle existe véritablement, et  qu'elle peut être expliquée rationnellement.

Au delà de cet idéal que constitue l'idée d'une science de l’imprévu, n'existe-t-il aucune appréhension possible de ce qui est imprévu ? Comment l'homme pourrait-il agir, faire des projets, sans développer une aptitude particulière à s'adapter à ce qui ne peut être résolu sur le plan purement rationnel ? L'imagination est peut être le nom de cette capacité humaine que nous recherchons ici.

Si l'on cesse de considérer l'imagination comme un pis-aller par rapport à la raison, voire comme une puissance trompeuse, et qu'on l'envisage comme une puissance créatrice, inventive, nous pourrons peut-être envisager différemment la question qui nous est posée. Ainsi, reconnaître une valeur positive à l'imagination permettrait parallèlement de concevoir l’imprévu comme l'espace indéterminé grâce auquel peut s'exprimer la liberté humaine. La notion de prudence, telle qu'elle est conceptualisée par Aristote dans L'Éthique à Nicomaque nous permettra peut-être de faire le lieu entre imprévu et imagination et d'articuler rationnellement ces deux concepts. C'est au livre VI qu'Aristote explicite cette notion et c'est également sur cet aspect qu'insiste Aubenque dans La Prudence chez Aristote. Dans cet ouvrage, il met en évidence la solidarité entre la théorie de la prudence et une ontologie de l’imprévu.  L'action humaine ne prend toute sa signification que dans un monde inachevé . Dans une telle sphère, l’imprévu est réel et tient à l'impuissance de la forme à déterminer entièrement la matière. Mais la prudence elle-même ne peut être comprise si l'on n'aperçoit pas le rôle prééminent de l'imagination qu'elle mobilise entièrement. Une illustration particulièrement fine de cette relation est proposée par Détienne et Vernant dans Les Ruses de l'intelligence, la métis des grecs. Il s'agit d'inventer des ruses, d'anticiper le comportement de l'adversaire pour parvenir à le prendre dans nos filets. L'imagination est ici essentielle à un double titre. Elle permet d'anticiper, de se projeter dans le futur, mais joue aussi un rôle décisif dans la constitution de l'expérience et dans la possibilité de mobiliser nos souvenirs. Grâce à ces deux aspects, le héros grec peut être prêt au moment opportun, et réussir dans son projet grâce à cette anticipation, malgré l’imprévu du monde. Imaginer, c'est, à partir d'une expérience, inventer des combinaisons nouvelles, faire des rapprochements et des analogies pour s'adapter à la situation particulière dans laquelle on se trouve. Il y a donc un savoir lié à l’imprévu, un savoir conjectural fondé sur l'imagination comme capacité d'invention adossée à une expérience acquise, à un « savoir vécu » comme le dit Aubenque. En ce sens, l’imprévu relève bien de l'imagination en tant que clé de voûte de la prudence.

...

Télécharger au format  txt (26.6 Kb)   pdf (169 Kb)   docx (18.2 Kb)  
Voir 18 pages de plus »
Uniquement disponible sur LaDissertation.com