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Le cerveau pense-t-il ?

Dissertation : Le cerveau pense-t-il ?. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  2 Mars 2019  •  Dissertation  •  1 636 Mots (7 Pages)  •  642 Vues

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B. Grimonprez

Dissertation : Le cerveau pense-t-il?

L'I.R.M. (imagerie par résonance magnétique) nous permet désormais d’observer le cerveau en action. Chaque fois qu'une idée, un souvenir, un sentiment, etc. se produisent, une zone cérébrale s'active. Et il est devenu courant, banal même, d'affirmer que tout ce que nous sentons, ressentons, pensons est le fruit de l'activité de notre « matière grise ». Vous tombez amoureux ? Vous vous fâchez ? Vous croyez en Dieu ? Vous découvrez la solution à un problème de mathématiques ? Les neurosciences en trouveront la cause dans les mécanismes cérébraux, assimilés à ceux d'un superordinateur. Cependant, l'extraordinaire complexité du cerveau montre que celui-ci n'est pas un organe comme les autres. Un organe (le mot organon signifie « outil » en grec) se définit par sa fonction (le poumon sert à respirer ; l'estomac à digérer ; le cœur à faire circuler le sang ; etc.), mais quelle est celle du cerveau ? On dira communément qu'il sert à « penser », c’est-à-dire à « produire de la pensée » ? Mais en quoi consiste la pensée ? S'agit-il du stockage et du traitement d’informations comme le fait un ordinateur? Or on a remarqué depuis longtemps que le psychisme (ce que naguère encore on appelait l’« esprit ») semble constamment « déborder » le monde organique, à tel point que les dualistes ont pu le croire distinct du corps. Suffit-il de comprendre les mécanismes cérébraux pour rendre compte de ce qu’est la pensée? Le psychisme se réduit-il à de la matière organisée ? Le cerveau pense-t-il ?

C’est devenu une évidence pour nos contemporains : la pensée est le produit du cerveau. Depuis le XIX° s., la science n'a cessé d'insister sur la naturalité de l'homme. Loin d'être, comme le raconte la Bible, une créature centrale et privilégiée, absolument distincte des animaux, l'homme apparaît désormais comme un « rejeton » tardif de l'évolution (« Homo sapiens » date d'une centaine de milliers d'années). L'espèce humaine ne serait donc qu'une parmi les millions d'autres. Selon la formule de Spinoza, « L'homme n'est pas un empire dans un empire ». Autrement dit : il ne fait pas exception au sein de l'implacable déterminisme de la Nature. Ainsi, il y aurait un rapport nécessaire de causalité entre la structure du cerveau et les activités psychiques. En d'autres termes, les faits mentaux ne seraient, en dernière analyse, que des faits physiques complexes.

Et si un lien de cause à effet peut être établi entre le cerveau et la pensée, c'est donc qu'une « science de l'esprit » est possible. La « phrénologie » du médecin allemand Franz Josef Gall (1758-1828) chercha ainsi à montrer le lien entre les aptitudes intellectuelles d'un individu et les saillies et creux de son crâne (cf. la célèbre « bosse des maths »). Mais ceci ne resta longtemps qu'une hypothèse. Il fallut attendre 1861 pour que le français Paul Broca (1824-1880) prouve expérimentalement la corrélation entre la lésion d'une zone du cerveau (qui deviendra l' « aire de Broca ») et la perte d’une aptitude intellectuelle (l'aphasie). Enfin, depuis une soixantaine d'années, les neurosciences s'imposent, cherchant à expliquer le fonctionnement du cerveau et du système nerveux grâce au modèle « computationnel » : elles l'étudient comme s'il s'agissait d'un ordinateur très puissant.

La cause semblerait donc entendue. Le monisme matérialiste paraît dire le dernier mot sur toute réalité. Du médecin La Mettrie (1709-1751) qui, dans L'homme-machine, soutenait que la pensée se réduit à une « propriété » de « la matière organisée », au neurobiologiste Jean-Pierre Changeux (né en 1936), qui intitule significativement un de ses ouvrages L'homme neuronale, la même thèse est constamment martelée : la pensée s'explique comme un simple effet de la matière. Il n'est alors plus besoin d’imaginer une mystérieuse entité immatérielle, l’« âme ». Comme le dit avec humour Gilbert Ryle (1900-1976), l’âme est devenue une sorte de « fantôme dans la machine » !

Et pourtant, suffit-il d'explorer la fonction psychique jusqu'à ses plus petits composants matériels (les neurones) pour « expliquer » la pensée?

Par hypothèse, les neurosciences réduisent la pensée au calcul. Or on peut faire remarquer que cette réduction risque précisément de laisser l'essentiel de côté : la finesse, la vivacité, l'intuition, l'humour, ce que précisément on appelle « l’esprit ». C'est d'ailleurs ce qu'exprime très bien la langue anglaise quand elle distingue les mots mind (l’esprit = la fonction intellectuelle) et wit (l’esprit = le trait d'humour). « Avoir de l'esprit », cela ne se réduit pas au simple fonctionnement d'une machine, aussi complexe soit-elle. Ce qui caractérise l' « esprit » est justement ce décalage par rapport au monde organique.

En outre, on peut interroger la pertinence de la relation causale pour rendre compte du rapport entre le cerveau et la pensée (le cerveau étant considéré comme la cause et la pensée comme l'effet). Cette relation a certes fait ses preuves dans le monde physique. Comme le postule le déterminisme de Laplace, si une intelligence infinie connaissait à un moment donné

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