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Le bonheur est-il une affaire personnelle ?

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Par   •  20 Mai 2021  •  Dissertation  •  2 302 Mots (10 Pages)  •  1 327 Vues

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« Le bonheur est-il une affaire personnelle ? »

Position adoptée : Le bonheur n’est pas le résultat d’un choix personnel, pas plus qu’il n’est le résultat de processus impersonnels. Il se dessine et nous dessine dans les marges du pouvoir que nous garantit la joie de vivre. Mais seule la culture de cette joie marginale, à travers les émotions esthétiques, les rencontres altruistes, les dialogues sincères et les témoignages exemplaires permet de personnaliser notre démarche en dessinant une personnalité singulière.

Remarque : Personnel s’oppose ici à impersonnel et non à collectif ou public. Une relation peut être collective, elle peut être publique et nous concerner personnellement ! Une affaire de devient « personnelle » (« j’en fais une affaire personnelle ! ») qu’à la faveur d’une suspension (époké) de la ritualisation de l’affect, de la codification de la relation, de la verbalisation du transport et de la temporalisation de l’initiative.

        I/ Le bonheur est une affaire exclusivement personnelle. (Il n’appartient qu’à moi de construire mon bonheur ou mon malheur).

        A/ Sans une personnalisation de la démarche qui met en œuvre un engagement de soi, les exercices stoïciens ou épicuriens restent lettre morte. Il n’appartient donc qu’à moi et à moi seul de m’exercer afin de parvenir au bonheur. Argument stoïcien et épicurien (où l’on développera les exercices spécifiques à ces écoles et l’engagement personnel qu’ils requièrent).

        B/ De plus, je forge ma personnalité par les bonnes habitudes en m’exerçant à trouver le juste milieu en situation. Nul ne peut faire cet exercice d’ajustement à ma place. Argument d’Aristote.

         C/ Plus encore,  en érigeant  le bonheur en objectif commun dépersonnalisé à travers des institutions impersonnelles (les administrations) qui sont censés produire celui-ci, on risque un despotisme paternaliste. Nul n’est mieux placer que moi pour savoir ce qui m’est essentiel et ce qui me convient dans ma quête du bonheur. L’inverse, ouvre sur un pouvoir fondé sur une soumission librement consentie au nom du bonheur. Argument Kantien et républicain.

Synthèse : Le bonheur est donc une affaire d’exercices et de disciplines qui permettent à ma raison d’éviter l’excès de mes désirs. Aussi sa quête ne peut être que personnelle, tant dans la motivation, le désir d’être heureux, que dans la mise en œuvre des moyens pour y parvenir. Qu’il s’agisse de modérer, d’éradiquer ou de réguler nos désirs, cela présuppose que ces désirs nous sont propres et donc qu’il n’appartient qu’à nous et à nous seuls de les faire évoluer. Le danger consiste justement à attendre des autres et de l’Etat notre bonheur. Cela ouvre sur la soumission librement consentie décrite par La Boétie dans son ouvrage De la servitude volontaire. Le ressort de la domination médiatique ne repose-t-il pas sur cette promesse de bonheur sans effort, ni exercice sur soi ?

Transition : Cependant ces exercices et cette discipline personnelle présupposent justement une « personne » dont les facultés ne se développent qu’en communauté. Aristote le fait remarquer, l’homme est un animal politique (zoon politikon). Il ne peut développer ses facultés qu’en communauté. De plus, le développement et la forme de ma sensibilité,  de mon empathie, de  mon entendement et de ma raison me sont donnés dans une culture que je n’ai pas choisie et, par un autre que moi. C’est que ce désir, que je dois maîtriser pour parvenir au bonheur, se constitue à distance de moi et me constitue en retour. L’homme appelle ainsi liberté, l’ignorance des causes qui le conduisent à agir et il vit dans l’illusion d’être un sujet souverain, disait Spinoza. Or les causes du désir et les relations qui structurent et dessinent ma personne sont à chercher hors de celle-ci : dans la relation à la nature, à l’autre, à la parole et au temps. Ces relations sont éminemment sociétales.

        II/ Mais cette personnalisation de la quête du bonheur présuppose des conditions impersonnels à son existence.

        A/ La santé :

Sans acquisition de techniques corporelles qui présupposent la santé et l’indépendance matérielle à l’égard des besoins comment pourrais-je personnaliser la quête de bonheur ? Si l’autre est nécessaire à ce que je devienne moi-même, il est tout aussi nécessaire pour aller à la rencontre de l’autre d’être bien dans sa peau, c’est-à-dire d’avoir un rapport à notre chair et à ce que nous éprouvons à travers celle-ci, préservé de la tourmente des besoins naturels et des besoins artificiels. Il est difficile de personnaliser sa quête du bonheur dans une société de subsistance mais aussi dans une société de consommation où l’individu est soumis à la pression des besoins naturels et des besoins artificiels. Sans l’autre et son amour, aucune transmission ne peut avoir lieu et aucune acquisition ne saurait me personnaliser. Il faut ainsi l’amour d’un maitre, l’amour de la maîtrise et l’amour du maitre pour que nous dessinions une personnalité à travers des exercices. Platon dans Le Banquet le fait remarquer : sans le désir de connaitre et le désir de transmettre, la dépersonnalisation de l’enseignement conduit vers un savoir qui ne transforme en rien celui qui l’acquiert. En l’absence d’amour, toute conversion du désir est vouée à l’échec, or il ne dépend pas de moi d’aimer ou de ne pas aimer. Boris Cyrulnik montrera ainsi (De chair et d’âme) que les enfants en situation d’isolement sensoriel et d’absence d’amour oeuvré présentent des séquelles neurologiques observables à l’IRM. Notre bonheur passe par l’amour que l’autre nous porte et que nous portons à l’autre. Mais sans une ritualisation impersonnelle, l’amour peur devenir destructeur et reconduire l’autre dans la tyrannie du besoin.

         B/ La paix :

Sans amitié, l’examen de soi reste lacunaire et la conscience du bonheur reste illusoire. Aristote se plait à souligner cet amour, œuvré dans l’amitié, comme condition d’une découverte de soi et d’une conscience objective de ce que nous vivons. Or l’amitié ne se décrète pas, pas plus que la quête de vérité sans laquelle l’amitié n’est pas durable. Mais l’amitié requiert des conditions impersonnelles sans lesquels les amis ne seraient que des clients. En effet, sans l’impersonnalité des lois et des institutions comment les conditions d’une égalité pourraient être réunies afin que l’amitié puisse se déclarer. Les amis se considèrent comme des égaux face aux lois qu’ils partagent et qui structurent un monde commun.

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