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Médias et opinions dans les grandes crises politiques

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Par   •  1 Octobre 2019  •  Cours  •  2 048 Mots (9 Pages)  •  464 Vues

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Média et opinion publique dans les grandes crises politiques en France

A l'image de L'Aurore qui publie le 13 janvier 1898 le célèbre ''J'accuse'' d’Émile Zola, la presse dévoile les scandales, forme l'opinion et nourrit les grands débats. Il s'agit d'un média indispensable à l'exercice de la démocratie. Par médias, on entend un ensemble de dispositifs de diffusion de l'information : à la presse écrite viennent s'ajouter au cours du XXe siècle la radio, le cinéma, la télévision et enfin internet. Les médias contribuent à la formation d'une opinion publique. Cette dernière caractérisée comme l'ensemble des convictions,des valeurs, des jugements et des croyances plus ou moins partagées par la population se renforce au fil de trois Républiques. Les relations entre médias et opinion publique ont considérablement évolué au cours du XXe siècle. Ces relations apparaissent au grand jour lors des grandes crises politiques, c'est à dire lors de périodes de tension politique et de mobilisation publique au cours de laquelle le système de gouvernement est l’objet d’une remise en cause.

Comment évoluent les relations entre opinion publique et médias au fil du XXe siècle ? 

Nous évaluerons le rôle de la presse au commencement de la Troisième République (1871-1914) en insistant particulièrement sur l'Affaire Dreyfus (1894-1906). Ensuite nous montrerons qu'entre 1914 et 1968, les médias se diversifient tout en restant sous l'étroite tutelle de l’État. Nous finirons par nous demander si la libéralisation des médias et la communication politique ont engendré une démocratie d'opinion.

I. La presse au cœur des crises de la Troisième République (1870-1940)

A. Innovations technologiques et démocratisation

  • A l'orée du XXe siècle, quotidiens, hebdomadaires et mensuels sont dans toutes les mains : la presse est devenue un média de masse. Cette situation s'explique, en partie, par des innovations technologiques :
  • Le coût de production des imprimés ne cesse de baisser du fait de la généralisation de l'impression. Le tirage papier s'en trouve multiplié par 3 entre 1899 et 1914.  
  • L'information circule de façon simultanée : la distance n'est plus un obstacle. L'invention du télégraphe électrique permet de communiquer en quelques minutes sur des dizaines de milliers de kilomètres.
  • L'achèvement du réseau ferroviaire sur tout le territoire permet d'acheminer la presse sur tout le territoire.
  • A ces facteurs technologiques, se mêlent des évolutions plus profondes de la société française :
  • La généralisation de l'instruction : les lois scolaires de Jules Ferry, instaurant l'école laïque, gratuite et obligatoire jusqu'à l'âge de 13 ans, en 1880-1881, font reculer l’illettrisme à 5% de la population française.
  • La loi du 29 juillet 1881 consacre la liberté de la presse. Les Républicains veulent que la presse participe au débat démocratique. Seule la diffamation est interdite.

B. L'âge d'or de la presse populaire et d'opinion

  • A l'orée du XXe siècle, la Presse triomphe comme média de masse
  • 322 quotidiens sont publiés pour un total de 10 millions d'exemplaires par jour, parmi les quotidiens les plus populaires, Le petit journal et Le petit Parisien
  • Soucieux de plaire au plus grand nombre, ces quotidiens déclinent invariablement : des faits divers,, de brefs éditoriaux politiques et quelques reportages, des chroniques sportives, la vie des célébrités, de grands romans découpés en feuilletons.
  • S'affirme dans le même temps une presse d'opinion, moins diffusée mais influente, reflétant la diversité des sensibilités politiques
  • A gauche, les socialistes marxistes lisent L'Humanité, journal créé en 1904 par Jean Jaurès pour défendre des valeurs de justice sociale et de paix. Ce sont les mêmes militants socialistes qui souvent sont abonnés à la presse syndicale, qui les informe sur leur droit et les mobilise lors des conflits sociaux.
  • Les radicaux lisent L'Aurore.
  • Le lectorat conservateur est abonné au Figaro, le plus ancien titre de la presse française.
  • A l'extrême droite, une presse nationaliste est extrêmement active. Citons L'Action française de Charles Maurras.

Ainsi, le journalisme se professionnalise et devient l'instrument privilégié de la communication politique et sociale.

C. L'Affaire Dreyfus

  • En quelques décennies, la presse se place en position d'arbitre des débats politiques : elle fait le lien entre le citoyen, le gouvernement et les forces partisanes. Lors de l'affaire Dreyfus (1894-1906), la presse s'empare du dossier, se fait l'écho des divisions des Français.
  • Dans un premier temps, la presse nationaliste et antisémite force l'Armée à condamner Alfred Dreyfus. Elle pèse sur le verdict par un usage de la diffamation. Le 29 octobre 1894, La Libre Parole, publie le premier article à charge contre le capitaine Alfred Dreyfus, alors qu'il n'est encore que suspecté d'espionnage. Pendant deux mois, par mimétisme, des centaines de quotidiens s'acharnent à prouver et illustrer sa culpabilité en Une, sans s'interroger sur les irrégularités du procès. Dreyfus est déclaré coupable et condamné à la prison à perpétuité. Son appel est rejeté. 
  • Deux journaux vont faire vaciller l’État par le scandale : Le Figaro puis L'Aurore. Les preuves de l'innocence de Dreyfus s'accumulent. Ni l'Armée, ni le gouvernement ou le Président de la République Félix Faure n'acceptent de réviser ce procès. Émile Zola publie trois articles dans Le Figaro, concluant le premier par cette phrase : « La vérité est en marche, et rien ne l’arrêtera ». Une véritable guerre médiatique s'enflamme : articles et caricatures se répondent. Zola surenchérit le 13 janvier 1898 en Une de L'Aurore, par une lettre ouverte au Président de la République, ''J'accuse'', dénonçant les irrégularités du procès de Dreyfus. Une campagne de presse en faveur de la révision du procès de Dreyfus fait plier la Cour de cassation. Pour ou contre Dreyfus, 100 000 articles sont publiés entre 1894 et 1906. En 1906 le général Dreyfus est réhabilité.

II. Les médias à l'épreuve de la censure dans une France en guerre (1914-1968)

A. La consécration de l'audiovisuel

  • A partir des années 1920, la radio, les actualités cinématographiques, puis la télévision concurrencent vivement la presse écrite
  • Instrument de transmission des armées, la radio se diffuse dans les foyers à partir des années 20. La première radio privée, Radiola, émet depuis Paris en 1922. Si seuls 10 % des foyers ont accès à un poste de radio en 1932, 60 % sont équipés en 1940. Avec la seconde guerre mondiale, se joue une guerre des ondes : la BBC permet à la France libre d'envoyer, chaque jour, des messages codés à la Résistance intérieure. La radio devient le média dominant dans les années 1950-1960. Sa petite taille, sa maniabilité et son coût modeste favorisent sa diffusion (plus de 10 millions de postes en 1958).
  • La télévision apparaît en France en 1947. Le premier journal télévisé ne voit le jour qu'en 1949. La télévision se répand lentement sur le territoire : 37 000 postes en 1953, 1,3 millions en 1960, 11 millions en 1970. En 1964, De Gaulle crée l'ORTF (Office de radiodiffusion-télévision) pour donner officiellement plus d'autonomie à l'audiovisuel. Progressivement, la télévision devient la première source d'information des Français grâce à l'image (16 h par semaine devant l'écran, en 1973). 
  • En contrepartie, la presse écrite perd une partie de son lectorat. Certains se maintiennent Libération, ou naissent , comme Le Monde. Elle passe de 6 à 3,4 millions d'exemplaires vendus entre 1946 et 1952.

B. Des médias sous contrôle

  • La presse est censurée et instrumentalisée pour la propagande gouvernementale en temps de guerre
  • Pendant la Grande Guerre (1914-1918), toute information militaire, tout commentaire défavorable à l'Union sacrée gouvernementale passe sous la coupe de la censure. Une partie de la presse participe au bourrage de crâne, exalte le patriotisme, dénigre l'ennemi et légitime la violence.
  • Pendant la seconde guerre mondiale (1939-1945), la radio est contrôlée par une régie publique. En 1942, c'est l'ensemble des médias (presse et radio) qui sont placés sous l'autorité unique des services de propagande nazis et subventionnés pour prôner la collaboration. A la Libération, les ordonnances de l'été 1944 rétablissent la liberté de presse.

C. De Gaulle et l'audiovisuel

De Gaulle a su se servir des médias pour faire face à trois grandes crises politiques. Dans chacun de ces épisodes, De Gaulle se pose en figure de sauveur :

  • Le 18 juin 1940, il lance son appel à la résistance sur la radio anglaise BBC.
  • Le 19 mai 1958, il se dit prêt à assumer le gouvernement de la France dans un discours télévisé.
  • Le 30 mai 1968, après un mois de révolte étudiante, il s'adresse aux Français à la radio, dissout l'Assemblée nationale et parvient à retrouver la majorité dans les urnes.

III. Médias, politique et argent : l'avènement d'une démocratie d'opinion ?

A. La crise de mai 68 : l'ORTF discrédité

La crise de mai 1968 montre les limites de ce contrôle des médias par le pouvoir politique. 

  • Dès les premiers heurts entre forces de l'ordre et étudiants, le 3 mai 1968, tracts et affiches dénoncent le contrôle par le gouvernement de l'audiovisuel et sa régie l'ORTF.
  • Cette censure apparaît au grand jour le 25 mai 68. Des journalistes français de l'ORTF se mettent en grève afin d'obtenir un nouveau statut garantissant leur autonomie par rapport au pouvoir. Deux jours plus tard 3 journalistes de France Inter démissionnent, adressant une lettre au directeur général de l'ORTF dans laquelle ils estimaient ''impossible d'exercer à l'actualité radiographique le métier de journaliste conformément aux règles et aux principes moraux de cette profession''.

B. La libéralisation et la marchandisation des médias

  • La crise de mai 1968 ouvre la voie à une diversification et à une libéralisation des médias audiovisuels.
  • Dès 1974, Valéry Giscard d'Estaing supprime l'ORTF ainsi que le ministère de l'Information et accorde l'autonomie aux trois chaînes de télévision et à Radio France. 
  • Vers la fin des années 1970, les "radios libres" se multiplient dans la clandestinité : certaines sont animées par des associations ou des groupes politiques et se distinguent par leur liberté de ton. Elles sont finalement légalisées par la gauche en 1981.
  • L'évolution est similaire pour la télévision. La loi du 29 juillet 1982 déclare la communication audiovisuelle libre. Les premières chaînes privées apparaissent : Canal + en 1984, enfin TF1 en 1987. La concurrence devient féroce entre les chaînes qui surveillent fiévreusement leur audimat, duquel dépendent ensuite leurs recettes publicitaires et donc leur rentabilité

C. Internet, les sondages et la communication

  • Au début des années 1990, Internet fait son apparition dans les foyers français. Entre 2000 et 2011, le nombre d'utilisateurs passe de 8,5 à 45 millions
  • Le Web offre une grande variété d'espaces numériques permettant la formation d'une opinion, que ce soit des sites d'informations, des sites de médias traditionnels (radio, télévision, journaux), des blogs, des réseaux sociaux. Les médias traditionnels utilisent l'univers numérique pour diversifier leurs offres : podcast d'émissions de radio, télévision à la demande, site complémentaire de la version papier d'un journal, voire même journal uniquement en version numérique. 
  • Internet élargit l'espace public en permettant aux internautes de participer au-delà des frontières aux débats politiques et sociaux. Internet est un vecteur du débat démocratique. Le Web permet de nouvelles formes d'expression plus libres, plus interactives pour les usagers qui deviennent ainsi des producteurs d'informations. En effet, les informations et les images des amateurs deviennent, de plus en plus, des sources pour les médias traditionnels. L'usage croissant d'Internet dans la vie politique (stratégie de campagne internet en 2007, compte twitter de personnalités politiques) montre qu'Internet est devenu un média indispensable mais il nécessite une forte vigilance de la part des citoyens.
  • La puissance des médias pousse les politiques à maîtriser l'outil médiatique en s'entourant de spécialistes de la communication et à adapter leur message en fonction des sondages. On parle de démocratie d'opinion. Exploités par les politiques pour servir leur image, les médias sombrent, parfois, alors dans la communication plus que dans l'information. Cette situation provoque une forte défiance de l'opinion vis-à-vis des médias, accusés de servir les intérêts des politiques.

Conclusion

Les médias dans la République : un rôle essentiel mais éprouvant.

A la fin du XIXe siècle, le développement de la presse joue un rôle décisif dans la formation d'une opinion publique. C'est la presse qui fait de l'affaire Dreyfus (1894-1899) une crise politique majeure. D'une guerre à l'autre, l’État restreint la liberté d'opinion.  C'est ce contrôle si étroit exercé par l’État que dénoncent les contestataires de mai 1968. Radios, télévision puis internet deviennent progressivement des espaces de libre parole, dont le contrôle par les communicants pourraient constituer une menace sur le régime démocratique représentatif.

 

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