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Les cultures politique en Europe au XXe siècle

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Par   •  9 Décembre 2018  •  Cours  •  12 428 Mots (50 Pages)  •  534 Vues

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Les cultures politiques dans l’Europe du XIXe siècle

Cours n°11 – Les femmes dans la cité

        L’égalité des droits civils et civiques entre les hommes et les femmes dans une large partie du monde est un phénomène du dernier tiers du XXe siècle. Pour ne retenir que le cas de la France, l’égalité juridique entre hommes et femmes est réalisée entre 1974 (présidence de Valéry Giscard d’Estaing) et 1981 (présidence de François Mitterrand); cette évolution juridique va de pair avec une révolution sexuelle et culturelle : la contraception est légalisée par la loi Neuwirth en 1967; un premier ministère de la Condition féminine est confié à Françoise Giroud en 1974; la réforme introduisant le divorce par consentement mutuel date de 1975; l’avortement est légalisé par la loi Veil en 1976; le remboursement de l’interruption volontaire de grossesse par la Sécurité sociale est mis en place en 1981.

        Il s’agit là d’un événement historique inouï, sans précédent dans l’histoire de l’humanité, d’une véritable révolution dans l’ordre juridique, politique, social, économique, démographique, culturel et mental. Jamais, à aucun moment de l’histoire dans aucun pays, avant le XXe siècle, les femmes n’avaient joui des mêmes droits que les hommes; dans les sociétés traditionnelles, toujours, sous des formes très diverses, elles avaient été traitées en mineures, sous la dépendance des hommes, leurs pères, leurs époux ou leurs frères.

        Il s’agit là également d’un enjeu capital du présent. Non seulement il existe des pays où les droits des femmes restent limités, où elles ne peuvent pas voter, gérer leurs biens, choisir librement leur conjoint ou conduire une automobile, mais des questions fondamentales restent posées : l’inégalité salariale constatée entre hommes et femmes; l’inégalité dans l’accès aux postes de responsabilité; la protection de la femme seule ou abandonnée et de ses enfants; les violences faites aux femmes. C’est un enjeu contemporain important de la citoyenneté et de la société.

        Pour l’historien, et particulièrement pour l’historien des cultures politiques dans l’Europe du XIXe siècle, la question de la place des femmes dans la cité ne pouvait rester dans l’ombre. « Toute histoire est histoire contemporaine » (Benedetto Croce) : il faut penser l’histoire à partir du présent ; il faut poser à l’histoire les questions du présent. Les révolutions des droits des femmes dans le dernier tiers du XXe siècle imposent ainsi de penser autrement l’histoire des siècles antérieurs et particulièrement du XIXe siècle; de connaître la condition féminine dans le passé, de se poser de nouvelle questions; de lire les sources selon d’autres perspectives et en fonction d’interrogations nouvelles. Très clairement, l’histoire des femmes telle qu’elle existe aujourd’hui est la résultante de cette révolution dans la condition féminine dont il vient d’être question : une situation nouvelle a accéléré le renouvellement de l’historiographie.

        Avant les années 1960, à de très rares exceptions près, l’histoire des femmes était abordée sous le registre de l’histoire des moeurs et de la vie quotidienne, ou pire encore à travers l’histoire des reines ou des amours des rois et des grands hommes; ce n’était pas, académiquement et universitairement, la « grande histoire ». Tout change avec la montée en puissance des revendications féminines en Occident. Un livre majeur joue un rôle pionnier, en France mais aussi en Amérique où il est rapidement traduit : c’est Le deuxième sexe (1949) de Simone de Beauvoir (1908-1986). À mi-chemin entre philosophie et sociologie, il explore la condition des femmes et avance analyses, explications et revendications; pour les historiens, il énonce une thèse majeure, apparemment paradoxale, devenue célèbre : « On ne naît pas femme, on le devient ». C’est affirmer, avec force, que la construction des identités féminines relève moins de la nature que de la culture, de la société et de l’histoire. C’est la thèse qui fonde ce qu’on appelle aujourd’hui l’histoire du genre (gender history).

        L’histoire des femmes a en effet traversé deux étapes. Des années soixante aux années quatre-vingt du XXe siècle, elle a d’abord surtout été une histoire militante, liée au mouvement des femmes lui-même (en France, le Mouvement de libération des femmes, MLF; Le Torchon brûle...). Cette historiographie, qu’on peut qualifier de féministe (women’s studies), s’efforce d’asseoir historiquement les revendications du présent. Elle dénonce toutes les formes de l’asservissement des femmes; elle exalte de grandes figures revendicatrices de l’histoire ou de la préhistoire du «féminisme» (le mot ne s’impose que dans les années 1880) : des « héroïnes » telles que, pour la France de la Révolution et du XIXe siècle, Olympe de Gouges, Théroigne de Méricourt, Rose Lacombe, les saint-simoniennes, George Sand, Flora Tristan, Jeanne Deroin, Eugénie Niboyet, Pauline Roland, Louise Michel, Séverine, Hubertine Auclert, Maria Deraismes, ou encore Marguerite Durand (1864-1936), la fondatrice du journal quotidien La Fronde (1897-1903), dont la Bibliothèque d’histoire des femmes porte encore le nom (79 rue Nationale, XIIIe). Une synthèse de cette première saison de l’histoire des femmes est offerte dans les cinq volumes de L’Histoire des femmes (1991-1992) dirigée par Georges Duby et Michelle Perrot.

        Une seconde étape de l’histoire des femmes peut se placer sous l’appellation d’histoire du genre (gender history). Elle s’affirme en France au tournant des années 1980 et 1990. Son objet est la construction des identités sexuées, tant féminines que masculines (car il y a une histoire de la virilité), au sein de la société dans un temps et dans un lieu donné; elle intéresse l’analyse des rôles sociaux masculins et féminins, de leurs évolutions et de leurs transformations. Elle introduit à une réflexion plus ample sur la dimension « genrée » de l’histoire, à laquelle l’histoire des cultures politiques ne peut demeurer étrangère.

        Car l’histoire des cultures politiques dans l’Europe du XIXe siècle, parce qu’elle est originairement fondée sur l’exclusion politique des femmes, puis parce qu’elle fait progressivement place aux femmes dans la sphère politique, doit s’efforcer de penser la place des femmes dans la cité, qu’elle soit niée, tolérée, revendiquée ou confirmée en droit : c’est une dimension aujourd’hui indispensable d’une réflexion sur l’histoire politique du siècle de l’antiféminisme et du féminisme. Trois temps seront successivement abordés :

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