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Plan Detaille sur Delfica de Nerval

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Par   •  6 Octobre 2016  •  Commentaire de texte  •  3 716 Mots (15 Pages)  •  6 763 Vues

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LA 20 Nerval, « Delfica »

I : Un mythe hybride : le lyrisme

1) Lieux

- Les lieux : l’espace de l’action est confus. On note un effort de désorganisation de l’espace par un travail de rapiéçage de différentes légendes et par le procédé d’énumération. Les différents lieux se ressemblent par la présence du divin et la notion de sacré. Delphes est présente au début dans le titre (« Delfica » en est une forme latinisée) : lieu grec infernal et oraculaire où se trouvaient Daphné (qui y était prêtresse et où elle devint laurier), un célèbre temple d’Apollon et la Pythie. Tivoli, anciennement Tibur, où Nerval a écrit ce poème (il avait écrit à la fin de la première publication « Tivoli, 1843 »), est un autre lieu de prédiction infernal où l’on pouvait voir une sibylle (la sibylle tiburtine) et un temple latin qui lui était associé. Pompéi en Italie fut visité par Nerval qui fut marqué par le temple d’Apollon et les citrons que l’on y mange. Rome vient immédiatement à l’esprit quand on parle de « l’Arc de Constantin » du vers 13 et on y trouve quantité de lieux sacrés et de temples. Mais à partir du vers 7, la mention d’une grotte et d’un dragon complique la situation : le Python de Delphes ? la grotte de Mélusine femme-serpent ?.

- Les végétaux : une longue énumération de végétaux ne nous aide pas davantage. Le « laurier » appartient bien à Apollon (qui maîtrise les plantes, voir texte 2), à la pythie (qui en tient un rameau) et à Daphné. Le « sycomore » est en revanche un arbre d’Egypte. « Le myrte » appartient à Vénus et « l’olivier » à Minerve. « les saules » du vers 3 sont dédiés à Hécate déesse de la Lune et des Enfers. Chez Nerval les végétaux s’opposent au monde de la pierre (C.F. l’opposition entre le JE et le TU sur ce point dans « El Desdichado »). Ici ils sont successivement évoqués comme points d’écoute possibles de la romance et apparaissent comme des décors mobiles et interchangeables par rapport à la chanson qui, elle, « toujours recommence » (« je possède la maîtrise des plantes / Hélas pour moi, puisqu’aucune herbe ne guérit l’amour » dit Apollon dans Les métamorphoses d’Ovide (texte 2) dont s’inspire Nerval). Tel Apollon cherchant le cœur de Daphné sous l’écorce du laurier (texte 2 v. 46-47), le poète parcourt le monde à la recherche de la femme aimée sous de nouvelles écorces.

2) Personnages

- Un TU indéterminé : le vers 1 semble sans ambiguïté, le poète apostrophe « Dafné » (orthographiée comme « Delfica » à l’italienne) et s’adresse à elle à plusieurs reprises grâce au pronom de deuxième personne (« connais-tu [ ?] », « reconnais-tu [ ?] », « tes dents », « tu pleures »), ce qui suggère une présence réelle. Mais s’agit-il de la nymphe ? de la prêtresse de Delphes ? de la femme insensible à l’amour d’Apollon ? ou de l’arbre en lequel elle a été transformée ?. Et puis la variété des lieux évoqués et des arbres énumérés vient superposer d’autres figures féminines à celle de Dafné ce qui enrichit la femme apostrophée : la Sibylle de Cume (présente dans l’épigraphe de la première édition du poème), plus infernale ? la Sibylle de Tibur, plus romaine, « au visage latin » ? On remarque qu’aucune identité nette ne se détache du poème malgré le patronyme. Chez Nerval, les figures féminines sont des fonctions qu’il assimile à son propre mythe et assemble dans un mouvement dialectique du SOI et de la CULTURE. Il opère une une fusion syncrétique de plusieurs femmes qui recomposent l’image de la femme à laquelle s’adresse le poète. Nous touchons là au tabou et à l’intime : l’expérience se diversifie par accumulation d’images autobiographiques ou mythologiques qui font référence plus ou moins explicitement à l’union amoureuse (« grotte fatale », « hôtes imprudents », « le dragon vaincu », « la semence »).

- Un JE éffacé : il n’y a aucun pronom de première personne dans le poème. Pourtant le poème est lyrique, c’est un lyrisme sans JE. Ce JE absent est doté de nombreux souvenirs : c’est un voyageur, il est allé dans de nombreux lieux. Il se caractérise par sa mélancolie, son désenchantement et sa nostalgie : champ lexical du passé et du souvenir (« ancienne romance », « anciens jours », « antique semence »). Malgré l’usage de la modalité interrogative (2 questions dans les 2 premiers quatrains, qui sont bâtis sur le même schéma syntaxique, mais avec des divergences (conjonction « ou »puis conjonction « et ») et de la modalité exclamative (vers 9), le JE se borne au constat, il se fait spectateur. Ce moi a donc des caractéristiques romantiques mais son lyrisme n’est pas posé, il se limite à une voix. Mais comme au fil du poème le TU recule puis disparaît, c’est finalement cette voix prophétique qui demeure et donne au poème son unité.

3) Le temps

- Un univers de reconnaissance : l’usage de l’article défini (« [le] sycomore », « les lauriers blancs », « l’olivier », « le myrte », « les saules », « le TEMPLE », « les citrons amers », « la grotte », « [le] dragon », « l’antique semence », « la sibylle ») montre que les objets évoqués dans le poème sont si connus du JE et du TU qu’il n’y pas besoin de les préciser sauf quand il s’agit d’universaux (« la terre », « le temps » qui semblent ici reprendre « ces dieux »). La majuscule à « TEMPLE » est une autre preuve que le poète et l’amante partagent les mêmes connaissances, qu’ils évoquent par allusions. Le passage de « connais-tu » à « reconnais-tu » montre bien également que nous sommes dans un processus de mémoire où la « romance » joue le rôle d’un stimulus pour faire revivre le passé. C’est seulement à la fin du poème que les articles définis renvoient soit à un référent précis, un monuments attesté, sans qu’il soit absolument garanti que « le sévère portique » soit « l’arc de Constantin ». Le poète offre donc une histoire intime mais sous le mode de l’universel. Ce qui nous pousse à étudier l’actualisation à plusieurs époques de la même fable.

- Une expérience transtemporelle : le temps est aboli. En effet, les différentes valeurs des présents, des futurs proches et des passés composés interdisent une lecture chronologique. Le thème de l’éternel retour est bien présent, le chant est comme un déroulement infini (« toujours recommence ») dans le

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