LaDissertation.com - Dissertations, fiches de lectures, exemples du BAC
Recherche

Pierre et Jean, Maupassant

Dissertation : Pierre et Jean, Maupassant. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  8 Février 2021  •  Dissertation  •  2 309 Mots (10 Pages)  •  3 862 Vues

Page 1 sur 10

                                                                                        Français

Dissertation

Pierre et Jean

Guy de Maupassant

Peut-on dire de Pierre et Jean qu’il réussisse à donner « l’illusion complète du vrai » comme on peut le lire dans la préface ?

À partir de 1830, des écrivains français à l’image de Stendhal et surtout H. de Balzac sont les précurseurs du mouvement littéraire réaliste qui tente de décrire le plus fidèlement la réalité, en réaction au romantisme prônant l’excès et l’exagération des sentiments. De nombreux auteurs suivent ce mouvement à l’instar de Guy de Maupassant qui devient un auteur incontournable. Il écrit en effet trois cents contes, de très nombreuses nouvelles et cinq romans dont Pierre et Jean publié en 1888. Bien que ce récit soit un roman, il reste assez bref, c’est la raison pour laquelle son éditeur souhaite qu’il y ajoute un essai intitulé « le roman » devant faire office de préface. Cette dans cette préface que Maupassant se permet d’énumérer ses propres règles du roman réaliste qui, selon lui doivent permettre de donner « l’illusion complète du vrai ».

Mais le roman de Pierre et Jean respecte-t-il réellement toutes les règles que Maupassant a désormais fixées dans sa préface ?

Après la lecture d’une telle mise au point, on s’attend à découvrir un « roman objectif » répondant point par point aux théories avancées par le même auteur quelques pages auparavant. Et pourtant, si « Pierre et Jean » nous paraît dans un premier temps être effectivement un roman réaliste fidèle à la thèse de Maupassant, la suite ne manque pas de nous révéler quelques incohérences que l’auteur qualifiera lui-même, à quelques jours de la sortie de l’oeuvre, de « contradictions ».

On remarque, dans un premier temps, que Maupassant s’efforce de donner « l’illusion complète du vrai » : par la construction de l’histoire et son cadre spatio-temporel, par la description des personnages et enfin par certains aspects de sa narration.

L’histoire se déroule au Havre à la même époque que l’auteur. Ce cadre spatial permet en effet à Maupassant de donner une impression de vrai en faisant appel aux souvenirs de son enfance. Il choisit ainsi de nous faire partager au travers de lieux précis et bien réels (à l’exception d’Etouville) comme le café Tortoni, le bassin du commerce, la rue de Paris, le cap de la Hève… les paysages et les ambiances de sa Normandie natale, avec parfois une petite touche de poésie à la manière d’un Flaubert ou d’un impressionniste qui peint sa propre vision de la réalité : « la mer plate, tendue comme une étoffe bleue, immense, luisante, aux reflets d’or et de feu, s’élevait là-bas, dans la direction indiquée, un nuage noirâtre sur le ciel rose. Et on apercevait, au-dessous, le navire qui semblait tout petit de si loin. Vers le sud on voyait d’autres fumées, nombreuses, venant toutes vers la jetée du Havre dont on distinguait à peine la ligne blanche et le phare, droit comme une corne sur le bout » (Chap 1, p.34-35).

Comme il l’affirme dans sa préface, Maupassant « [prend] […] ses personnages à une certaine période de leur existence et les conduit, par des transitions naturelles, jusqu’à la période suivante. Il [montre] de cette façon […] comment les esprits se modifient sous l’influence des circonstances environnantes, […] comment se développent les sentiments et les passions, comment on s’aime, comment on se hait, comment on se combat dans tous les milieux sociaux, comment luttent les intérêts bourgeois, les intérêts d’argent, les intérêts de famille... ». La construction du roman, ainsi que les relations entre les personnages et notamment entre Pierre et Jean, semblent dans un premier temps rester très fidèles à ces règles. Pour accentuer la crédibilité de son histoire il ne tombe pas dans le piège « d’une succession d’événements exceptionnels » mais construit son roman à partir « d’un mouvement adroit de petits faits constants ». Ce récit repose finalement sur une histoire ordinaire d’héritage, d’adultère et de famille « d’où se dégage le sens définitif de l’œuvre » par le seul talent de l’illusionniste qu’est Maupassant.

Chaque personnage a son propre passé, son caractère, ses objectifs et ses problèmes. Cette caractérisation accentuée par le discours direct et qui met en avant les défauts de chacun n’élève ainsi aucun protagoniste au rang de « héros » ou de « gentils » ; rôles qui sont la plupart du temps les fondements des contes fantastiques. La cupidité et l’alcoolisme du père Roland, l’infidélité de Louise Roland et la jalousie de Pierre, personnage principal, relèvent d’une vision pessimiste de l’auteur du genre humain en général et de la bourgeoisie en particulier. Ce roman est en effet une véritable satire de la médiocrité de la petite bourgeoisie conservatrice et hypocrite qui place l’argent au-dessus de toute morale. C’est le mensonge et la jalousie qui scinde cette famille en deux, et malgré son infidélité et la découverte du secret par Pierre, Madame Roland poursuit son comportement hypocrite auprès d’un mari tellement hanté par la bêtise qu’il ne se doute de rien. Et comme pour renforcer cette impression de réalité, Maupassant nous a réservé quelques descriptions naturalistes : il décrit effectivement l’agonie d’un poisson lors de la pêche en utilisant les groupes nominaux « palpitation d’agonie », « saine puanteur » ou encore « écailles gluantes » (chap 1). Finalement, bien que Maupassant peigne ici la bourgeoisie de façon très péjorative et nous fasse largement part de sa réalité, il réussit parfaitement à nous offrir cette « illusion complète du vrai ».

Dans le premier chapitre du roman, le narrateur, omniscient, ne prend le parti d’aucun personnage et connaît l’histoire de chacun d’entre eux. Contrairement à un point de vue interne, le lecteur a ainsi une impression d’objectivité de la narration. N’étant pas à l’intérieur d’un personnage, il n’est alors jamais influencé par ses émotions, ses pensées ou son état psychologique.

Cependant, cette objectivité pourrait nous sembler parfois perturbée par les pensées de l’auteur lui-même qui, comme nous l’avons vu plus haut, se permet de critiquer la société et le genre humain ou même de décrire le monde à l’image d’un poète ou d’un véritable impressionniste qui souhaite « forcer le lecteur à penser ». Maupassant ne dit-il pas dans sa préface : « Quel enfantillage, d’ailleurs, de croire à la réalité puisque nous portons chacun la nôtre dans notre pensée et dans nos organes », « chacun de nous se fait donc simplement une illusion du monde, illusion poétique, sentimentale, joyeuse, mélancolique, sale ou lugubre suivant sa nature. Et l’écrivain n’a d’autre mission que de reproduire fidèlement cette illusion avec tous les procédés d’art qu’il a appris et dont il peut disposer ». C’est ainsi qu’au-delà des descriptions de paysages et des défauts humains mentionnés plus haut, l’auteur tient toujours à nous faire partager sa réalité : il se moque par exemple, au travers des actes et des dialogues de ses personnages, des conventions de la société à l’image du mariage qu’il a l’habitude de dénoncer et qu’il surnomme dans un autre récit : « l’accouplement légal ». Ici, contrairement aux coutumes, c’est Mme Rosémilly qui demande Jean en mariage lors d’une scène aussi insolite que ridicule. Ces interprétations très personnelles de l’auteur s’inscrivent donc dans ce qui caractérise le roman réaliste.

...

Télécharger au format  txt (14.5 Kb)   pdf (71.5 Kb)   docx (15.4 Kb)  
Voir 9 pages de plus »
Uniquement disponible sur LaDissertation.com