MONTAIGNE" Les cannibales"

MONTAIGNE « DES CANNIBALES »ESSAIS-1580

INTRODUCTION

A la fin du 16èmè siècle, en pleine guerre de religions, Michel Eyquem de Montaigne (1533-1592), se retire dans sa librairie pour méditer sur son temps, de cet échange avec les auteurs antiques naissent « LES ESSAIS », œuvre centré sur la question majeure : Que sais-je ?

Sa réponse ne déroge pas de celle de Socrate mais débouche sur une réflexion personnelle sur l’altérité et en particulier sur le regard posé par les Européens sur le nouveau monde.

C’est en humaniste par la prise en compte de l’autre qu’il aborde ce sujet  et la forme de l’essai lui permet de remettre en question les éventuels préjugés de son lecteur.

Analysez comment Montaigne s’intéresse à l’autre, sauvage ou lecteur ?

1. Termes désignant le nouveau monde

• Intérêt et curiosité bienveillante pour les habitants du nouveau monde
• Comme Térence, dramaturge latin du 2ème siècle : « je suis homme et rien de ce qui est humain ne m’est étranger. »
• Utilisation de démonstratifs : « cette nation» »ces contrées-là » qui manifestent l’éloignement et mettent en relief « les nouvelles terres »
• Elargissement progressif du champ de vision par une gradation, du singulier « cette nation » au pluriel « nouvelles terres » pour finir par l’universel « au monde »

1. Interrogation sur la culture

• Les cannibales sont-ils moins hommes parce qu’ils ne sont pas de culture européene ?
• Métaphore de la mire de la vérité : Nous jugeons selon un modèle relatif (la mire) qui restreint notre champ de vision à nos seuls usages.
• Thème culturel en concurrence avec celui de la nature par la redéfinition des termes sauvages (silvaticus – fait pour la forêt) et barbares (non grec qui ne comprend pas le langage).

1. Conversation avec le lecteur

• Instauration d’un colloque avec le lecteur, conversation libre « pour revenir à mes propos », invitation d’interlocuteurs absents « à ce que l’on m’a rapporté », association de l’auteur et du lecteur « nous »
• Dialogue sur un mode d’égalité et efficacité pédagogique

Montrez qu’il porte un regard critique sur les Européens

1. Remise en cause de la toute puissance européenne

• Thèse défendue : « Il n’y a rien de barbare et de sauvage dans cette nation sinon que chacun appelle barbarie ce qui n’est pas de son usage. »
• Refus d’établir une hiérarchie entre indiens et européens.
• Contradiction humaniste par la mise en doute de sa propre culture.
• Montaigne balaie les certitudes et ouvre l’ère du doute

1. Duel entre nature et culture

• Champ lexical : culture-art-inventions / grande et puissante mère nature
• Signes : police-guerre-propriété / fruits- uberté naturelle- guerre noble et généreuse- pleine possession des biens
• Jugement : artifice-corrompu-altéré-détournés/ vraies et utiles vertus-pureté-beauté et richesses-vives-vigoureuses
• Le mode de vie du bien et de la raison est celui de l’état de nature.

1. Le mythe de l’âge d’or (Hésiode poète grec 8ème av.JC)

• Aux origines l’homme vivait dans un état paradisiaque puis régression de l’humanité avec les progrès techniques.
• La référence à cet âge d’or sous-tend toute l’évocation du monde amérindien.
• Nature généreuse : « la saveur et la délicatesse » »fruits sans culture »
• Règne de la vertu : « guerre noble et généreuse « 
• Abondance : » uberté naturelle sans travail et sans peine »
• Concorde entre les êtres : «s’appellent frères, enfants,vieillards père de tous »
• Pas de propriété et de lois : »laisse aux héritiers la pleine possession des biens »
• Remise en cause du langage
•  Antanaclase répétition du mot sauvage avec un sens différent : »ils sont sauvages de même que nous appellons sauvages les fruits »
• Opposition des formes verbales qui instaure le doute : « chacun appelle barbarie ce qui n’est pas de son usage »
• Remise en cause des conceptions du lecteur en revenant au sens premier des mots
• L’Essai passe les mots et les idées à la pesée et ouvre vers une nouvelle philosophie : le septicisme (douter de tout)

Quels sont les procédés de persuasion ?

Si Montaigne entend dialoguer avec son lecteur il veut aussi convaincre et persuader par un déploiement rhétorique

1. Une démonstration ferme

• Dans les trois premières phrases, utilisation de la forme paradoxale, provocatrice pour son temps et réfute le préjugé européen.
• La suite du premier paragraphe développe l’opposition culture et nature
• Second paragraphe par le tableau des cannibales soutient la supériorité de la nature sur la culture ; Oxymore : « une merveilleuse honte »
• Exposition de cette thèse (sujet sensible) par une démarche déductive soutenue par une opposition dialectique entre nature et culture. Le colloque se fait débat

1. Vigueur de l’affirmation.

• Modalisateurs soulignent le ton de la certitude : »comme de vrai »toujours »
• Utilisation de l’emphase :

• Tours présentatifs : « ce sont eux »  « ce n’est pas »
• Lexique généralisant : « rien, chacun, partout »
• Adverbes intensifs : « tant, toute noble, toute pure, pas d’autres que
• Rythme binaire renforce l’antithèse : « sans travail et sans peines, vives et vigoureuses, noble et généreuse »

Tous ces procédés confèrent au martèlement du discours et renforce la conviction.

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