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Lecture linéaire Gnathon

Cours : Lecture linéaire Gnathon. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  23 Novembre 2022  •  Cours  •  1 525 Mots (7 Pages)  •  363 Vues

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Littérature d’idées du XVIème au XVIIIème

Parcours : Peindre les hommes, examiner la nature

Lecture linéaire 3 : Œuvre intégrale : Jean de La Bruyère, Les Caractères, Livre XI, remarque 121, le portrait de Gnathon

Ligne

Texte

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Gnathon ne vit que pour soi, et tous les hommes ensemble sont à son égard comme s’ils n’étaient point : non content de remplir à une table la première place, il occupe à lui seul celle de deux autres ; il oublie que le repas est pour lui et pour toute la compagnie, il se rend maître du plat, et fait son propre[1] de chaque service ; il ne s’attache à aucun des mets, qu’il n’ait achever d’essayer de tous, il voudrait les savourer tous tout à la fois : il ne se sert à table que de ses mains, il manie les viandes, les remanie, démembre, déchire, et en use de manière qu’il faut que les conviés, s’ils veulent manger, mangent ses restes : il ne leur épargne aucune de ces malpropretés dégoutantes, capables d’ôter l’appétit aux plus affamés ; le jus et les sauces lui dégouttent[2] du menton et de la barbe ; s’il enlève un ragoût de dessus un plat, il le repend en chemin dans un autre plat et sur la nappe, on le suit à la trace ; il mange haut et avec grand bruit, il roule les yeux en mangeant, la table est pour lui un râtelier[3] ; il écure[4] ses dents, et il continue à manger. Il se fait quelque part où il se trouve, une manière d’établissement[5], et ne souffre pas d’être plus pressé au sermon[6] ou au théâtre que dans sa chambre ; il n'y a dans un carrosse que les places du fond[7] qui lui conviennent, dans tout autre, si on veut l’en croire, il pâlit et tombe de faiblesse ; s’il fait un voyage avec plusieurs, il les prévient[8] dans les hôtelleries, et il sait toujours se conserver dans la meilleure chambre et le meilleur lit ; il tourne tout à son usage, ses valets, ceux d’autrui courent dans le même temps pour son service ; tout ce qu’il trouve sous sa main lui est propre, hardes[9], équipage ; il embarasse tout le monde, ne se contraint pour personne, ne plaint personne, ne connaît de maux que les siens, que sa réplétion[10] et sa bile[11] ; ne pleure point la mort des autres, n’appréhende que la sienne, qu’il rachèterait volontiers de l’extinction du genre humain.


Les mouvements du texte :

Mouvement 1

Lignes 1 à 14 de « Gnathon » à « continue à manger » : Présentation et illustration d’un caractère

Mouvement 2

Lignes 14 à 21 de « il se fait » à « équipage » : une personnalité détestable en société

Mouvement 3

Lignes 21 à 25 de « Il embrasse » à « genre humain » : Un grand mépris pour autrui

Ce portrait de Gnathon est celui d’un personnage odieux et égocentrique manquant de toutes les règles de bienséance qui caractérisent le gentilhomme (idéal social aristocratique) du XVIIe

Lignes

Interprétation

Mouvement 1

L 1 à 2

- « Gnathon » : nom propre, en grec ancien « mâchoire » synecdoque ? dimension métaphorique / Personnage réduit à sa fonction masticatoire, ce qui en fait un glouton

- « ne vit que pour soi » : restriction « ne… que » + pronom personnel « soi » : souligne l’égocentrisme, l’amour propre excessif du personnage dès la première phrase

- Opposition entre Gnathon (singulier) et « tous les hommes (pluriel) = antithèse, il nie aux autres leur existence même « comme s’ils n’étaient point »

- Pas le portrait d’un individu en particulier mais d’une facette peu glorieuse de l’homme (un caractère)

L 2 à 14

- Champ lexical du repas dans tout le mouvement (table, repas, plat, service, mets, viandes, manger, restes, appétit, affamés, jus, sauces, etc.) = insiste sur la gloutonnerie du personnage

- Champ lexical militaire : compagnie, maître, démembre, déchire, etc. = caricatural, il paraît que Gnathon part en campagne militaire lorsqu’il mange

L 2

 « non content de » (expression) = ne se contente pas de ce qu’il a

L 3

« Il oublie (…) compagnie : on souligne ici l’égocentrisme du personnage qui ne pense qu’a satisfaire son énorme apétit

L 4

« Il se rend maître du plat (…) chaque service » : idée de gloutonnerie, Gnathon monopolise le plat sans partage

L 5 à 6

Répétition hyperbolique de l’adjectif indéfini qui insiste encore sur sa gloutonnerie

L 6 à 7

« il ne se sert (…) qu’il faut que » : répétition du pronom personnel « il » + énumération de verbes + mots de la famille des mains = personnage omniprésent, manipulant les mets de toutes les manières possibles, et de manière disgracieuse, montrant sa voracité et sa vulgarité

L 8 à 10

« les conviés, s’ils veulent manger (…) aux plus affamés » : syntaxe (nom : malpropreté + adj dégoutante = insiste sur l’aspect répugnant du personnage / pléonasme / « ôter l’appétit aux plus affamés » hyperbole qui insiste encore sur le dégoût qu’il inspire à la société qu’il inspire

L 10 à 12

« les jus (…) à la trace » : peinture d’une scène qui marque encore le manque de bienséance du personnage qui inonde la table de son manque de savoir-vivre et de son absence de propreté

L 12 à 14

« il mange (…) manger » La peinture de la scène continue avec ses indélicatesses sonores « il mange haut et avec grand bruit » ; « la table est pour lui un râtelier » Ici la métaphore compare son comportement à celui d’un animal (contraire à l’attitude d’un gentilhomme) de + le verbe « récure » indique encore une attitude maquant d’élégance en présence de conviés, il apparaît comme un rustre

Mouvement 2

L 14 à 17

- « Il se fait (…) autre » : il se croit partout chez lui, marque d’un manque de respect ; manque d’ouverture d’esprit du personnage (messe, théâtre) qui ne supporte pas qu’on lui impose ce type d’activités (souffre = supporter)

- « il n’y a (…) faiblesse » : égocentrisme du personnage en société qui pense à son confort avant tout / aspect menteur, théâtral du personnage = personnage artificiel et méprisable

L 17 à 19

« s’il fait (…) meilleur lit » : attitude médiocre et calculatrice de Gnathon qui se montre encore une fois égocentrique et inconvenant pour gagner en confort personnel

L 19 à 21

- « il tourne (…) équipage » : pronom indéfini qui montre que son égocentrisme n’a pas de limite

- personnage qui s’approprie le bien d’autrui, qui semble davantage se préoccuper de l’avoir que de l’être

- accumulation de pronoms possessifs qui témoignent encore de cette préoccupation majeure du personnage, ses possessions (son / ses / son / sa)  

Gnathon ne s’attache qu’au matériel (et non au spirituel). Il est réduit à des actions primaires (manger et dormir) = contraire au raffinement mondain. Par l’enchaînement de descriptions de situations on observe le caractère odieux de ce personnage, il transgresse les codes et La Bruyère peint ici l’anti-portrait de l’honnête homme (humble, courtois, cultivé mais sans excès qui sait se rendre agréable à son entourage et se fait dicret

Mouvement 3

L 21 à 22

- « Il embarrasse (...) personne » nom invariable « tout le monde » prouve que son attitude ses gênante de façon unanime

- répétition du pronom indéfini « personne » qui insiste encore sur l’égocentrisme de Gnathon qui n’offre aucune considération à quiconque

L 22 à 24

« ne connaît (…) du genre humain » :

- « ne connaît de maux que les siens » : formule restrictive « ne que » indique qu’il ne se soucie uniquement de ses propres douleurs

- énumération de ses préoccupations : « ses maux, sa réplétion, sa bile » (ses douleurs, la satisfaction de son appétit, ses humeurs) = préoccupations organiques et égocentrées

- « ne pleure (…) genre humain » l’égocentrisme du personnage est ici poussé à l’extrême car il se montre insensible à la pire destinée humaine des autres, la mort.

- hyperbole : « qu’il rachèterait (…) humain » : Ici l’hyperbole donne encore davantage d’importance à son égocentrisme en prétendant qu’il serait prêt à sacrifier l’humanité pour préserver sa propre vie

Conclusion : Ce passage est un portrait en action et le personnage se ridiculise. Gnathon est le type même de l’égoïste. La caricature est destinée à frapper le lecteur. Mais il ne s’agit pas uniquement de la peinture d’un goinfre et d’un malotru ? Comme tout auteur classique, La Bruyère se fixe comme objectif de dépeindre pour corriger. Le moraliste dresse le portrait d’un anti-honnête homme, qui ne respecte aucunement les règles sociales. Le fond est comique mais Gnathon est un personnage dangereux comme en témoigne la dernière phrase du texte

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