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Le malade imaginaire acte III scène 12

Commentaire de texte : Le malade imaginaire acte III scène 12. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  26 Juin 2022  •  Commentaire de texte  •  3 726 Mots (15 Pages)  •  727 Vues

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Représentée pour la première fois en 1673, Le Malade imaginaire est une comédie-ballet de Molière qui réserve plusieurs surprises aux spectateurs. La comédie s’ouvre en effet sur un prologue chanté et comporte des intermèdes musicaux avec des danses. Le dramaturge nous raconte l’histoire d’Argan, un homme qui se croit toujours malade, voue une admiration excessive aux médecins et suit aveuglément leurs ordonnances. Remarié à Béline, une jeune femme vénale qui ne s’intéresse qu’à son argent, Argan la croit tout aussi naïvement, au détriment de ses deux filles (nées d’un premier mariage). Cependant Toinette, la fidèle servante de la famille, ne l’entend pas de cette oreille. Elle parvient à faire naître une forme de méfiance dans l’esprit d’Argan et le convainc de se prêter à un stratagème qu’elle a imaginé : faire croire à Béline qu’il est mort pour éprouver ses sentiments. Nous verrons donc comment cette scène de théâtre dans le théâtre permet de faire éclater la vérité au grand jour. On peut distinguer trois mouvements dans l’extrait :

• Toinette imite d’abord la tragédie (du début de la scène jusqu’à la ligne 11).

• Béline se démasque alors (de la ligne 12 jusqu’à la ligne 25).

• La scène se conclut par la surprise finale du “réveil” d’Argan (de la ligne 25 jusqu’à la fin).

Premier mouvement : Toinette imite la tragédie

La scène 18 de l’acte III est marquée par l’entrée en scène de Béline. Comme l’indique la didascalie initiale, Argan est « étendu dans sa chaise ». Le stratagème est donc fin prêt : le maître de maison fait le mort tandis que sa servante prétend s’affliger de ce décès. C’est ainsi par les exclamations de Toinette que Béline est accueillie : « Ah ! mon Dieu ! Ah ! malheur ! quel étrange accident ! » l.1-2. L’interjection « Ah » est répétée deux fois et on ne compte pas moins de six points d’exclamation dans cette réplique ! Toinette exploite le registre tragique pour jouer son rôle car elle a recours à une ponctuation très expressive et elle exprime une grande souffrance. Comme les héros tragiques, elle se tourne vers une puissance divine avec l’apostrophe « mon Dieu ! » et semble accuser le sort lorsqu’elle s’écrie : « malheur ! ». Plus encore, la première réplique de Toinette imite le style tragique car c’est un alexandrin (12 syllabes), vers traditionnellement employé dans les tragédies classiques du XVIIème siècle. L’interprétation de Toinette est donc bien digne d’une tragédienne. On pourrait voir ici une satire de la tragédie classique dressée par Molière : il se moque du style de ses contemporains (Racine et Corneille par exemple). La didascalie qui introduit cette réplique, « feignant de ne pas voir Béline » l.1, rappelle qu’il ne s’agit que d’un stratagème. Le verbe « feindre » souligne que cette immense douleur n’est que simulée et son complément d’objet indirect (« ne pas voir Béline ») précise le public visé par cette performance : c’est l’épouse d’Argan qu’il s’agit de tromper. L’interrogative brève de Béline (« Qu’est- ce, Toinette?» l.3) est immédiatement suivie d’une courte exclamative de la servante («Ah! Madame ! » l.4) : les stichomythies (répliques très courtes qui se succèdent rapidement) donnent de la vivacité à l’échange et une forme d’intensité dramatique : tandis que les spectateurs attendent avidement la réaction de Béline, le rythme des répliques s’accélère. La question de Béline, « Mon mari est mort ? » l.7, reprend les mots exacts de Toinette en ne changeant que le déterminant possessif (« Votre » devient « Mon »). Cette répétition a un effet comique qui est renforcé par le caractère inattendu de la réplique. La réaction de Béline face à la mort de son mari ne témoigne en effet d’aucune émotion particulière : ni surprise, ni chagrin, la nouvelle ne semble pas l’affecter le moins du monde. Toinette continue sur sa lancée avec un pathétique « Hélas » l.8 qui rappelle le registre tragique. Elle emploie cependant un pléonasme dans la même réplique qui a, lui, un effet comique : « Le pauvre défunt est trépassé »l.8. L’adjectif « défunt » a le même sens que le participe passé « trépassé » puisqu’ils sont tous les deux des synonymes de « mort ». Toinette déclare donc en substance : le pauvre mort est mort. Molière met en place un jeu d’échos entre les deux femmes en exploitant à nouveau le comique de répétition aux répliques suivantes. Cette fois, c’est l’adverbe « assurément » qui est prononcé tour à tour par Toinette puis Béline (l.9-10). Molière joue en partie sur le quiproquo ici : on pourrait en effet penser que Béline ne veut pas croire à cette terrible nouvelle. En réalité, elle veut être absolument certaine que son mari est bien décédé car il s’agit d’une excellente nouvelle pour elle : le dramaturge ménage ici

ses effets et diffère la surprise de sa réplique suivante. Toinette se lance dans une tentative d’explication : « personne ne sait encore cet accident-là ; et je me suis trouvée ici toute seule. Il vient de passer entre mes bras. Tenez, le voilà tout de son long dans cette chaise. » l.10-11. Elle précise les circonstances du décès qu’elle n’ose toujours pas véritablement nommer. Elle emploie deux euphémismes pour éviter d’évoquer directement la mort : le substantif « accident » et la périphrase verbale « vient de passer ». Elle présente ce décès comme un évènement très récent car cette construction verbale (vient de + infinitif) indique un passé proche. Elle désigne au public la dépouille d’Argan avec le présentatif « voilà » : on retrouve ici la dimension visuelle du spectacle théâtral qui montre les actions aux spectateurs.

[Transition] Toinette exploite donc les codes du registre tragique dans sa performance pour convaincre Béline qu’Argan est bien mort. Son exagération est comique pour les spectateurs qui connaissent la situation et Molière multiplie les procédés pour les faire rire : il a recours au comique de répétition et il exploite le décalage entre la réaction des deux femmes.

Deuxième mouvement : Béline se démasque

La réplique de Béline « Le ciel en soit loué ! » l.12 parait alors totalement incongrue et crée une rupture dans l’échange. L’exclamation souligne ici sa joie et non sa tristesse. Au lieu de maudire les Dieux pour leur cruauté comme dans les tragédies, elle remercie au contraire « le ciel » d’avoir fait disparaître son époux

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