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Explication de la scène 9 de l’acte II du jeu de l’amour et du hasard de Marivaux.

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Par   •  14 Novembre 2022  •  Commentaire de texte  •  2 851 Mots (12 Pages)  •  2 349 Vues

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Explication de la scène 9 de l’acte II du jeu de l’amour et du hasard de Marivaux.

Introduction

Situation : C’est dans la scène 9 que se produit le second entretien entre Silvia-Lisette et Dorante - Bourguignon . À ce moment de l’action, la surprise de l’amour passée, les deux personnages ont pris conscience de la force de leurs sentiments mais aussi de l’impossibilité pour eux de réaliser leurs désirs par un mariage qui serait une mésalliance. Dans cette scène, une réplique de Dorante explicite le dilemme : « Pour moi, il faut que je parte ou que la tête me tourne. » Les deux scènes précédentes ont présenté Silvia partagée entre l’attirance qu’elle éprouve pour Dorante et les considérations sociales qui lui interdisent de s’abandonner à ce penchant. C’est dans cet état d’esprit que le spectateur retrouve Silvia au début de cette scène.

Annonce de la problématique et du plan : Dans cette scène, on voit Silvia tenter de faire taire ses sentiments en essayant de parler le langage de la raison tandis que Dorante, lui amorce l’entretien sur le registre sentimental, reléguant au second plan les problèmes poses par la différence de statut social. Comment s’opère pour chacun la prise de conscience, une fois passée la surprise de l’amour qui est le sujet de toutes les pièces de Marivaux ? Nous étudierons d’abord la posture de chacun des personnages face à l’amour,  puis nous verrons que cet amour se trahit explicitement en dépit des réserves de chacun, enfin nous verrons que tout le plaisir de cette scène réside pour le spectateur dans le fait que les personnages résistent et ne veulent pas admettre la vérité de leur coeur

I La posture de chaque personnage

  1. La sincérité de Dorante

Il y a chez Dorante coïncidence entre son désir et l’expression de ce désir. Il ne cherche pas à cacher, ni à lui-même ni à Silvia ses sentiments qu’il exprimera d’ailleurs clairement à plusieurs reprises au cours de la scène, mais il voudrait amener Silvia à parler des siens.

Ainsi l’étude de l’énonciation montre bien qu’il est à la recherche d’un véritable dialogue avec elle, à la différence de Silvia qui demeure sur la défensive et la réserve. Il suffit de relever dans chacune de ses répliques les occurrences du pronom personnel de deuxième personne : « te parler », « comme tu voudras », « ni toi non plus, comme tu me dis, je t’en prie », « crois-moi », « j’achève ta pensée, je ne te perds point de vue ». Le nombre de questions ouvertes, qui semblent demander l’adhésion spontanée de Silvia  participent à la persuasion de la femme aimée: « « que peux-tu me reprocher ? », « qu’ai-je donc de si affreux ? »  « il est donc bien vrai que tu me hais, ni ne m’aime, ni ne m’aimera » On remarque la manière subtile d’argumenter : en se servant du crescendo « haïr, aimer, aimer au futur » il insinue dans l’esprit de Silvia le progrès de l’amour qui passe de la haine à la possibilité d’aimer, à l’amour avec certitude. En lui posant des questions, il la somme d’y répondre et influence par des questions rhétoriques la forme de la réponse. (Silvia ne peut convenablement répondre à la question « qu’ai-je donc d’affreux ? tout) On peut aussi relever toutes les phrases suspensives « quand même j’aurais ton cœur » « l’état où je me trouve » : ces phrases suspensives ont le mérite de laisser à l’interlocuteur le soin d’achever la pensée suggérée. Ainsi une pensée trop audacieuse se prémunit-elle des conséquences fâcheuses d’une déclaration ouverte et explicite tout en ménageant dans l’esprit d’autrui les suites logiques du discours. Celui qui achève la pensée, est responsable en quelque sorte de la formulation et en devient complice. Ces pauses ont en outre l’avantage de laisser s’exprimer le corps de l’acteur, à même d’extérioriser son trouble et de le communiquer à l’auditoire. L’éloquence du corps achève donc celle du discours par ses propres ressources, bien plus convaincantes si le jeune homme est bien fait. Enfin, on remarque les précautions oratoires qui valent comme autant d’aveux et déclarations de conquête : « je ne me propose pas de te rendre sensible. »On peut également souligner l’emploi du pronom personnel de première personne du pluriel « nous » qui les réunit sinon dans les faits au moins symboliquement : « parlons comme nous pourrons », « nous gêner », « nous voir ».

Cette sincérité de Dorante et ce besoin de convaincre l’autre repose sur une temporalité raccourcie.  Dorante ne vit que dans l’instant, dans l’émoi et la confusion des sentiments, et la certitude qu’il ne peut jouir que de l’instant tant la durée est contraire à son amour, d’où un sentiment d’urgence qui l’empêche de différer et de retenir son éloquence : « tu m’ôtes peut-être tout le repos de ma vie » « Ah ma Lisette que je souffre » « laisse moi du moins le plaisir de te voir ».

  1. Silvia, un discours  contradictoire

Le cas de Silvia est bien différent. Elle est en effet le siège de contradictions indépassables et cela parce qu’elle a une autre conscience du temps. Le texte nous la montre sans arrêt préoccupée par l’avenir « est-ce que ton maître s’en va ? », contrainte par la peur du regret « le souvenir de tout ceci me fera bien rire un jour », et cela parce qu’elle essaye en permanence de faire taire le désir en elle, de le différer, de s’en soustraire. C’est ce qu’elle avoue : « J’ai besoin à tout moment d’oublier que je l’écoute. »

C’est que Silvia est un personnage bien plus intellectuel, bien plus raisonnable. Le terme de raison est employé dans la première réplique un peu plus longue que les précédentes, ce qui suggère le pouvoir de faire des détours, de prendre du recul, de la distance par l’usage du discours : « voilà mes dispositions, ma raison ne m’en permet point d’autre, et je devrais me dispenser de te le dire » Sivia tente en effet de faire parler sa raison, c’est elle qui explique et justifie une attitude qu’elle veut distante. Toutefois, cette distance ne lui semble pas naturelle ou instinctive, comme le suggère l’emploi de ce mot : « dispenser de te le dire ». Le fait d’avouer qu’elle fait usage de sa raison apparaît comme une faute et comme un aveu de faiblesse. Sa « raison » lui dicte de ne pas se comporter en égale avec celui qu’elle nomme à dessein Bourguignon, à plusieurs reprises ( « Bourguignon ne nous tutoyons plus je te prie » « tiens Bourguignon une bonne fois pour toutes… » ou « Ainsi, finissons, Bourguignon. » L’usage répété de ce pronom aux accents populaires doit rappeler non seulement l’incongruité d’une telle relation mais aussi la distance qui existe, infranchissable d’elle à lui. Du reste, le refus du tutoiement va dans le même sens, tout comme l’allusion au maître du pseudo-Bourguignon « est-ce que ton maître s’en va » ? Silvia ne cesse ainsi de rappeler les barrières sociales, et le rang du valet, pour mieux se fortifier dans ses positions.

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