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Comment l'utiopie permet-elle à la fois une critique de l'Autre et une défense de soi?

Commentaire de texte : Comment l'utiopie permet-elle à la fois une critique de l'Autre et une défense de soi?. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  14 Juin 2017  •  Commentaire de texte  •  1 937 Mots (8 Pages)  •  939 Vues

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à Comment l’utopie permet-elle à la fois une critique de l’Autre et une défense de soi ?

En plein cœur du XVIIIe siècle, l’utopie est plus que jamais à la mode car c’est un moyen indirect de contourner la censure. Rousseau décrit ici une société idéale dans les montagnes de Neuchâtel (canton suisse) inspirée par une visite qu’il effectua, en ces lieux, dans sa jeunesse (aux environs de 1721). Au moment où il la dépeint dans sa Lettre à d’Alembert sur les spectacles, en 1758, en réponse à d’Alembert, cette société a évolué : la part de fiction permet donc de définir ce récit comme utopique : Rousseau peint en effet une société qui n’existe plus. Ce peuple est constitué de Neuchâtelois présentés comme parfaits: ils savent à peu près tout faire et fournissent, pour certains, l’Europe en mobilier luxueux. Ils peuvent être considérés comme un modèle pour les hommes des Lumières, autant qu’un peuple parfait, opposé en cela à la réalité. Le texte correspond donc à la fonction classique de l’utopie : présenter un miroir inversé de notre monde. L’utopie ne répond pas ici, seulement à une simple critique. Elle permet à Jean-Jacques Rousseau (1712-1778) de formuler une violente charge polémique contre d’Alembert et de régler ses comptes avec ses anciens amis encyclopédistes. D’Alembert avait effectivement dénigré la cité de Genève (dont Rousseau est originaire) dans l’article « Genève » de l’Encyclopédie, parce que celle-ci, au nom d’austères mœurs puritaines (protestantisme : calvinisme), avait interdit les représentations théâtrales dans son enceinte. Même si la Genève protestante constitue un haut lieu de tolérance (par opposition au catholicisme doctrinaire français), Les Philosophes (d’Alembert, Diderot, Voltaire) n’apprécient guère l’interdiction du théâtre. En effet, le théâtre est le vecteur des idées des Lumières (voir œuvres de Voltaire : Mahomet, et plus tard Beaumarchais, Le Mariage de Figaro). Genevois lui-même, J.J. Rousseau ne peut admettre que, sous prétexte de Lumières on discrédite le peuple dont il est originaire. Il présente un peuple suisse aux antipodes de l’arriération mentale supposée par d’Alembert, Diderot, Holbach (il surnommera plus tard les Philosophes « la clique holbachique » lorsqu’ils le persécuteront pour ses positions extrêmes). Rousseau va jusqu’à présenter ce peuple suisse, dénigré par d’Alembert, comme l’incarnation de l’idéal des philosophes des Lumières ! Cet éloge est d’autant plus intéressant qu’il constitue, en filigrane, la défense de l’œuvre de Rousseau. Chaque paragraphe de ce texte compose la double occasion d’envoyer un trait : au monde français (monde ancien, monde des Lumières) et de défendre son œuvre personnelle. Ceci nous permettra de mesurer également la place marginale de Rousseau au sein de l’intelligentsia de son temps. Nous répondrons ainsi à la question suivante : comment l’utopie permet –elle à la fois une critique de l’autre et une défense de soi ? I. Idéal II. Critique des Français et des Lumières et défense de soi

I. Idéal d’une société : une utopie classique ?

 

  Société présentée comme extraordinaire du fait de son caractère unique: Rousseau insiste sur l’aspect exceptionnel de cet endroit : « un spectacle assez agréable et peut-être unique sur la terre » (l.1-2), « Et, ce qui paraît incroyable » (l.19-20), « un mélange de finesse et de simplicité qu’on croirait presque incompatibles, et que je n’ai plus observé nulle part »…Il est conscient du fait qu’on lui pourra lui reprocher le caractère « incroyable » (non susceptible d’être cru) de cette société. Pourtant, il affirme l’avoir visité dans sa jeunesse (l.1, l.33, l.39). • Il s’agit donc d’une société qui a réellement existé, donc pas exactement d’une utopie comme genre littéraire, mais d’une « utopie » réelle d’après les affirmations réitérées de l’auteur.

Peuple isolé : Incertitude du lieu (renvoie à l’aspect fantasmatique des utopies) l.1 « aux environs de Neuchâtel » Endroit retiré : « une montagne entière » (l.2) société autonome : les produits du bien des paysans est pour eux (l. 7), ils ne doivent pas d’impôt à un seigneur (l.6) : « francs (=libres) de taille, d’impôts, de subdélégués, de corvées » : l.6. ils ne paient pas d’impôt. Ils construisent eux-mêmes leurs maisons (l.11-12). société idéale : rationalité des constructions (à rapprocher d’Utopia, Thomas More : les cités sont situées à une journée de route les unes des autres) : « Une montagne entière couverte d’habitations dont chacune fait le centre des terres qui en dépendent ; (…) ces maisons, à distances aussi égales que les fortunes des propriétaires …». de cette organisation rationnelle éclot un monde parfait, qui offre à ses habitants : « le recueillement de la retraite et les douceurs de la société » (l.4-5) : la possibilité d’être seul et en groupe, d’être recueilli et entouré. Peuple de Lumières : « Ils ont des livres utiles et sont passablement instruits ; ils raisonnent sensément de toutes choses, et de plusieurs avec esprit. » (2ème §) à alliance de l’esprit pratique et analytique. Non seulement ces individus sont polyvalents : « menuisier, serrurier, vitrieur, tourneur » (l.13) » mais en outre, aucun ne l’est par profession : en effet, ils sont tous paysans. « Tous les sont pour eux-mêmes, aucun ne l’est pour autrui » à parallélisme de construction qui insiste sur l’effet singulier, insolite de cette polyvalence. Ils font des siphons, des aimants, des lunettes, des pompes, des baromètres, des chambres noires (…) Vous prendriez le poêle d’un paysan pour un atelier de mécanique et pour • Cette polyvalence exceptionnelle pourrait suggérer une utopie, au sens restrictif d’idéal impossible à atteindre. Or cette polyvalence compose très exactement l’idéal social de l’homme des Lumières. Ex : Voltaire exige la polyvalence pour l’homme de lettres, qui doit

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