Le mal, Arthur Rimbaud
Fiche : Le mal, Arthur Rimbaud. Recherche parmi 302 000+ dissertationsPar louis.rb1 • 23 Juin 2025 • Fiche • 1 451 Mots (6 Pages) • 18 Vues
Le mal , Arthur Rimbaud
Tandis que les crachats rouges de la mitraille
Siflent tout le jour par l’infini du ciel bleu ;
Qu’écarlates ou verts, près du Roi qui les raille,
Croulent les bataillons en masse dans le feu ;
Tandis qu’une folie épouvantable broie
Et fait de cent milliers d’hommes un tas fumant ;
– Pauvres morts ! dans l’été, dans l’herbe, dans ta joie,
Nature ! ô toi qui fis ces hommes saintement !…
– Il est un Dieu, qui rit aux nappes damassées
Des autels, à l’encens, aux grands calices d’or ;
Qui dans le bercement des hosannah s’endort,
Et se réveille, quand des mères, ramassées
Dans l’angoisse , et pleurant sous leur vieux bonnet noir,
Lui donnent un gros sou lié dans leur mouchoir !
Le premier mouvement,(v. 1 à 8), expose l’horreur de la guerre.
Le subordonnant « tandis que » (v. 1) associé au présent (« siflent », v. 2) et au complément de
temps « tout le jour » (v. 2) marque une continuité de l’action décrite. Il s’agit d’une violence
ininterrompue comme l’indique l’expression « les crachats rouges de la mitraille » (v. 1).
Le terme « crachats », péjoratif et répugnant, signale la laideur – esthétique et morale – des tirs qui
souillent le paysage. La couleur rouge, sanglante, déchire « l’infini du ciel bleu » (v. 2). ici, Rimbaud met
déjà en opposition l’horreur de la guerre et la beauté paisible du ciel. L’absurdité de la guerre est déjà
dénoncée.
La phrase se poursuit (« qu’ » au vers 3 reprend « tandis que ») en présentant les deux armées qui
s’affrontent : « Qu’écarlates ou verts […] / Croulent les bataillons » (v. 3-4).
Les uniformes écarlates sont ceux des soldats français ; les Prussiens sont en vert. Ici, comme dans un
tableau qui montrerait la scène de loin, ils ne sont plus que des taches de couleur qui se mêlent « en
masse » (v. 4) et s’effondrent « dans le feu » (v. 4).
Le présent du verbe « croulent » marque l’aspect continu et répété de ce massacre que personne ne
vient interrompre.
Au contraire, les monarques n’accordent aucune valeur à la vie de leurs soldats : l’expression « près du
Roi qui les raille » (v. 3), au singulier, vaut pour chaque armée ; le « Roi » avec majuscule a une valeur
universelle et représente aussi bien le monarque prussien que le monarque français. L’un ne vaut pas
mieux que l’autre : le verbe « railler », qui rime ici avec « mitraille » (v. 1), exprime le mépris et
l’indifférence des monarques pour ces bataillons qui s’effondrent, toujours dans a métrique on observe
une rime entre « bleu» et « feu » ce qui renforce l’opposition entre la guerre et la nature
La proposition circonstancielle de temps se poursuit, avec le subordonnant « tandis que » (v. 5). On
franchit toutefois un degré dans la violence et l’horreur, avec des termes qui dépeignent un véritable
charnier : « broie » (v. 5), « un tas fumant » (v. 6).
La « folie épouvantable » (v. 5) est celle des « Rois » et de leurs ambitions meurtrières.
L’idée d’un massacre de masse, déjà exprimée au vers 4, se retrouve au vers 6 : « fait de cent milliers
d’hommes un tas fumant » cette hyperbole expose l’horreur et la violence sans limite de la guerre
Le pluriel, « cent milliers d’hommes », s’oppose au singulier de « un tas fumant » pour exprimer
la réduction à néant de toutes ces vies.
Le terme « tas », disgracieux, prolonge l’idée du verbe « broie » : les corps sont indistincts ; c’est un
charnier.
La voix du poète se fait soudain entendre, après le tiret du vers 7 : « Pauvres morts ! ».
Cette exclamation fait entendre la compassion et la révolte.
Rimbaud se tourne alors vers la « Nature », personnifiée et déifiée par la majuscule et par le
tutoiement : « dans l’été, dans l’herbe, dans ta joie » (v. 7). La Nature représente la vie et la beauté.
Or la rime de « joie » avec « broie » (v. 5) souligne le paradoxe entre la mort que sèment les « Rois »
au milieu de toute cette vie qu’offre la nature.
La nature est mise en valeur en tête de vers (v. 8), et invoquée comme une déesse créatrice : « ô toi qui
fis ces hommes saintement !… ».
En face du Dieu chrétien, Rimbaud place donc, de manière provocatrice, une divinité féminine,
païenne, créatrice et « sainte ». Il annonce ainsi la critique de la religion qui fait l’objet des tercets
Second mouvement, (v. 9 à 14) Dénonciation d’une Eglise impitoyable et cupide
Les tercets exposent la proposition principale : celle qui porte donc, en théorie, le message
...