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La socialisation limite-t-elle le changement social?

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Par   •  25 Mai 2017  •  Dissertation  •  5 058 Mots (21 Pages)  •  1 889 Vues

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La socialisation limite-t-elle le changement social ?

Parce qu’elle pose la question de l’articulation entre individu et société, entre des visions plus ou moins statiques des lois du social et des visions permettant l’appréhension du mouvement, la question du lien entre socialisation et changement social se situe au cœur de la sociologie. Dubet & Martucelli (dans « Théories de la socialisation et définitions sociologiques de l’école ») ont différencié les grandes écoles de pensée sociologique en fonction de la réponde donnée à la question de la socialisation.

Chacun des deux termes de la question peut être appréhendé de diverses manières. Pour la socialisation, nous retenons la définition duale de Dubet & Martucelli : « La socialisation désigne le double mouvement par lequel une société se dote d'acteurs capables d'assurer son intégration, et d'individus, de sujets, susceptibles de produire une action autonome ». L’idée de l’autonomie de l’individu est donc centrale. Nous différencierons dans notre analyse deux grandes conceptions de l’individu (et, partant, de sa socialisation) selon l’accent plus ou moins grand mis sur son degré d’autonomie.

Ce double mouvement, cette dualité acteur – sujet, vient se croiser avec les multiples appréhensions sociologiques du concept de changement social. Une définition souvent retenue est celle de G. Rocher : « le changement social est « toute transformation observable dans le temps, qui affecte, d'une manière qui ne soit pas que provisoire ou éphémère, la structure ou le fonctionnement de l'organisation sociale d'une collectivité donnée et modifie le cours de son histoire ». Cela comprend donc à la fois des éléments de structure sociale (tels que l’urbanisation ou les changements de la structure de la population active), et des éléments de fonctionnement de l’organisation sociale (tels que les valeurs fondamentales comme l’individualisme, la nature de la socialisation, du contrôle social et du lien social, les règles de vie sociale etc.) Nous allons différencier dans notre analyse deux types d’écoles de pensée sociologique, selon la place accordée au changement social dans leurs visions.

Ainsi, nous allons montrer comment ces conceptions différentes d’individu et de la société appellent deux réponses différentes à la question. Dans une première partie, nous allons argumenter en faveur de la réponse « Oui » : d’une part, nous allons montrer la puissance et la rémanence de la socialisation primaire, et donc sa position d’obstacle (ou de résistance) au changement. D’autre part, nous allons mettre en exergue la vision fonctionnaliste de la socialisation, qui tend à stabiliser et à reproduire la société. La deuxième partie vient contredire les prémisses de cette sociologie, en apportant des arguments en faveur de la thèse du « Non » : non seulement la socialisation ne limite pas le changement social, elle peut même le favoriser ou le provoquer. Dans une première sous-partie, nous montrons comment des sociologies plus récentes pensent la socialisation comme étant continue et plurielle, en contredisant ainsi les conceptions unidimensionnelles de « la » socialisation unique et son rôle d’obstacle au changement. Dans un deuxième temps, nous montrons comment ces conceptions plurielles s’inscrivent dans une plus vaste vision du changement social comme étant, lui aussi, permanent et multiforme.  

  1. Oui : les sociologies fonctionnalistes voient la socialisation comme inculcation et le changement comme « fait social » opposé à la stabilité

Cette vision de la socialisation présente la socialisation comme un processus d’intériorisation des normes et valeurs communes, dans le but d’assurer la cohésion et la stabilité de la société.

  1. La socialisation primaire est puissante et rémanente

Les pratiques socialisatrices des premières années de la vie d’un enfant ont une redoutable force formatrice, très difficile, sinon impossible, à désintégrer. La socialisation ainsi vue suppose une passivité quasi-totale du socialisé, et le processus équivaut à une inculcation (consciente ou non) des valeurs de la société. Cette passivité non-critique se prolonge au-delà de l’enfance, dans l’école et la socialisation secondaire, en somme : de la présence de l’individu comme acteur social, qui restent fortement déterminés par ces cadres initiaux.

Une passivité essentielle

Les explications de cette puissance formatrice et rémanence des premières expériences tiennent à la grande plasticité mentale et affective de l’enfant, qui est particulièrement influençable, les expériences premières ont une forte prise sur lui, et il a besoin de cette influence de l’entourage pour ne pas (ou plus) être animal (N. Elias). Les influences sont imposées par les adultes qui l’entourent (les « Autrui significatifs » dans les termes de Berger & Luckmann) à l’enfant en état de totale dépendance:

Comme l’enfant ne dispose pas du moindre choix concernant ses Autrui significatifs, son intériorisation de leur réalité particulière est quasi-inévitable. L’enfant n’intériorise pas le monde de ses autrui significatifs comme un monde possible parmi d’autres. Il l’intériorise comme le monde, le seul existant et concevable, le monde tout court. (P. Berger & T. Luckmann, « La construction sociale de la réalité »).

Durkheim décrit la façon d’éduquer « comme l’hypnose » : devant un état de totale passivité de l’enfant, où le refus d’obéir est inconcevable, le maître s’affirme avec autorité et avec la certitude de l’absence totale de résistance. Mais à leur tour, les éducateurs sont confrontés aux limites de leur activité et de leur lucidité, à leur propre passivité : « Il est vain de croire que nous pouvons élever nos enfants comme nous voulons. Il y a des coutumes auxquelles nous sommes tenus de nous conformer », rappelle Durkheim aux éducateurs, sous peine de produire des adultes incapable de vivre au milieu de leurs contemporains. La société et ses normes pèsent de tout leur poids sur les individus, qui s’y conforment et éduquent les enfants à s’y conformer.

Un processus latent

La socialisation peut prendre des formes manifestes ou latentes. La socialisation manifeste peut être assimilée à un processus volontaire et explicite visant à structurer la personnalité d’autrui (inculcation) – alors que la socialisation latente (l’imprégnation) correspond davantage à un processus où l’enfant intériorise les normes et les valeurs de la société dans laquelle il vit, sans qu’il y ait d’apprentissage spécifique ni réelle conscience de participer à ce processus. Nous allons analyser dans cette section cette dernière forme de socialisation, pour revenir dans la section suivante sur l’inculcation et les objectifs conscients du  processus éducatif.

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