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Pierre Bourdieu, L'opinion Publique N'existe Pas

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Par   •  14 Avril 2014  •  2 180 Mots (9 Pages)  •  2 087 Vues

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Pierre Bourdieu, L’opinion publique n’existe pas.

Introduction.

Depuis l’antiquité, tous les gouvernements ont cherché à recueillir des informations chiffrées. Les premiers questionnaires étaient des instruments de domination politique. Les enquêtes modernes n’apparaissent qu’au XXème siècle et ne se généralisent que dans l’entre-deux-guerres grâce à des techniques statistiques permettant la représentativité des échantillons.

Comme le montre Loïc Blondiaux dans La fabrique de l’opinion, les premières études d’opinion sont apparues aux Etats-Unis dans les années 1930 : il s’agissait d’études de marché. Puis, il y a progressivement eu un rapprochement entre marketing et politique. En 1936, le journaliste G.H Gallup fonde l’American Institute of Public Opinion, le premier à réaliser des études d’opinion politique. Les élections américaines de 1938 permettent la diffusion des enquêtes d’opinion avec la confrontation entre les résultats du Litterary digest qui donne London gagnant et de Gallup qui donne Roosevelt gagnant. Ces élections donnent une importante légitimité aux enquêtes pas sondage.

En France, les enquêtes d’opinons apparaissent par l’intermédiaire de Jean Stoetzel, fondateur de l’IFOP dans la fin des années 1930. Le premier sondage d’opinion politique en France est donc réalisé par l’IFOP à propos des accords de Munich. Depuis l’introduction de l’IFOP en France, les sondages n’ont fait que se développer et comme le constate Alain Garrigou dans L’ivresse des sondages, le nombre de sondages publiés de 1980 à 2000 a doublé.

L’enquête par sondage implique quatre grands présupposés. Il faut d’abord qu’il y ait une implication des enquêtés, c’est-à-dire postuler que les enquêtés sont intéressés par le sujet de l’enquête. Ensuite, il faut postuler pour la compétence des enquêtés, c’est-à-dire sur leur compétence à répondre aux questions posées, sachant que les compétences sociales sont inégalement distribuées. Il y a également le postulat de pertinence : il faut que les individus donnent des réponses pertinentes. Finalement, il y a le postulat de représentativité : l’échantillon choisi doit être représentatif de la population étudiée.

En janvier 1972, à Arras, Pierre Bourdieu expose sa critique d’un concept qui s’est largement démocratisé mais qui reste néanmoins extrêmement flou : celui de l’opinion publique. Dans cet exposé, qui sera par la suite publié dans Les temps modernes en 1973 puis repris dans Question de sociologie, Pierre Bourdieu analyse le fonctionnement des sondages et démontre que ceux-ci remplissent une fonction sociale bien précise. L’opinion publique ne serait qu’une invention, qu’un « artefact » entre les mains du politique afin de mieux donner l’illusion d’une unité des opinions. Il va procéder à la déconstruction des grands postulats sur lesquels repose les sondages et le concept d’opinion publique.

Contrairement à ce qu’on peut nous laisser croire, l’opinion publique ne serait nullement l’expression directe des citoyens mais une construction aux mains des élites politiques afin de mieux orienter le débat politique et conforter leur position de domination.

I. Les sondages : des instruments aux mains des élites politiques afin d’imposer des problématiques.

De nombreux biais peuvent discréditer les résultats d’un sondage. On peut en effet critiquer la représentativité des échantillons mais, on peut surtout critiquer le fait que les questions soient biaisées. La réponse est souvent induite à travers la façon dont la question est posée. Les problématiques souvent biaisées proposées par les instituts de sondages sont, en réalité, le résultat d’une demande, celle du « personnel politique ». Lorsque Bourdieu analyse une grande enquête nationale sur l’opinion des Français à propos du système d’enseignement, il en conclu que les problématiques qui s’imposent aux instituts de sondages sont liées directement à la conjoncture sociale : après 1968, où la question de l’éducation a été remise brusquement au centre des revendications sociales, les questions concernant l’enseignement ont crues de manière exponentielle, passant ainsi d’une vingtaine à plus de deux cent. Ainsi, la question de l’enseignement n’est posée par un institut de sondage que lorsque celle-ci constitue un enjeu politique.

L’analyse plus spécifique des questions posées dans les questionnaires démontre clairement que leur grande majorité est liée à des préoccupations des élites politiques. Les questions imposées par les instituts de sondages semblent en effet éloignées des véritables préoccupations des gens. Les questions centrales, concernant la réformes des programmes, préoccupation majeure des parents d’élèves n’ont été que très rarement posées. Le sondage d’opinion serait donc, selon Bourdieu, un « instrument d’action politique » dont l’objectif principal est de créer l’illusion qu’il existe une opinion publique et à imposer l’idée d’une opinion moyenne. L’opinion publique n’est qu’une construction artificielle aux mains des élites politiques afin de diriger le débat public, et non pas directement le produit d’une demande sociale.

L’analyse Bourdieusienne rentre directement dans le schéma marxiste qui est la sien : l’idée qu’il existerait une superstructure, la politique, qui masquerait l’infrastructure, lieux où se trouvent les véritables enjeux, ceux de la condition socio-économique. Le but du politique est de masquer les contradictions, le « rapport de force » qui règne au sein de la société. L’idée directrice de Bourdieu c’est que l’opinion publique serait un instrument aux mains du politique afin de légitimer sa domination. Il s’agit de créer l’illusion de l’existence d’une « opinion publique unanime » afin de légitimer les rapports de force de la politique d’un gouvernement. Cet « effet de consensus » a pour but de pérenniser la stabilité des dirigeants politiques en place.

II. Produire un « effet de consensus ».

Selon, Bourdieu, les sondages reposent sur trois grands postulats. Tout l’enjeux de sa démonstration sera de montrer l’invalidité de tels postulats pour contester la pertinence des sondages d’opinions et l’existence de l’opinion publique.

« Tout le monde doit avoir une opinion ».

Dans un premier temps,

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