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Le " printemps arabe "

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Par   •  28 Janvier 2013  •  8 435 Mots (34 Pages)  •  1 140 Vues

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Le "printemps arabe" à l’épreuve des revendications amazighes au Maroc. Analyse des enjeux territoriaux et politiques des discours sur l’identité.

Résumés

Français

Cet article propose de déconstruire le terme "printemps arabe", adopté systématiquement dans les médias et dans les écrits scientifiques pour désigner le mouvement de contestation tel qu’il est apparu du Yémen au Maroc depuis la fin de l’année 2010. Dans le cas marocain, l’utilisation de ce terme occulte les logiques identitaires des revendications, alors qu’elles constituent un précieux indicateur des évolutions politiques en cours. En proposant une définition plurielle de l’identité marocaine et un découpage régional reconnaissant les spécificités culturelles, les militants amazighs provoquent un débat public sur les modalités de l’unité nationale. Les termes qu’emploient les médias et les experts vont à l’encontre de leurs revendications car ils relaient les mythes fondateurs de l’unité nationale que sont la référence à l’Orient arabo-musulman et à un modèle d’Etat-Nation centralisateur hérité du Protectorat français. Ce faisant, ils contribuent à pérenniser un imaginaire stéréotypé de l'identité marocaine. Cet article se base sur l’analyse des discours, explicites et implicites, tenus durant les mouvements de protestation au Maroc sur les identités, par quelques journaux marocains et internationaux et par des militants amazighs. Il se penche sur les enjeux territoriaux et politiques de ces discours.

Mots-clés :

Maroc, identité nationale, amazighité, ethnicisme, imaginaire géographique, multiculturalisme, printemps arabe, régionalisation.

Plan

Revendications amazighes et logiques identitaires du printemps marocain

Une minorité majoritaire: de la marginalisation à la revendication

Logiques identitaires du printemps marocain

La mise en question d’un système de gestion politique et territoriale de l’identité univoque et centralisateur

La puissance de stéréotypes anciens et de modèles importés

Pluralisme versus unitarisme, multiculturalisme versus jacobinisme et ethnicisme

L’amazighité dans la nouvelle Constitution et le projet de nouvelle régionalisation: les enjeux politiques d’une reconnaissance ambigüe

Le "printemps arabe" ou la reproduction d’imaginaires géographiques stéréotypés

Une réduction sémantique idéologique qui recouvre des enjeux géopolitiques

Quels mots justes pour dire la complexité identitaire et sociale ?

Conclusion

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Texte intégral

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1"Printemps arabe", "révoltes arabes", "monde arabe en ébullition", "soubresauts qui secouent le monde arabo-musulman": autant d’expressions utilisées par les médias pour qualifier les mouvements de contestation qui ont lieu dans plusieurs pays d’Afrique du Nord, du Proche-Orient et de la Péninsule arabique depuis la fin de l’année 2010. Le cas du Maroc et du mouvement de contestation tel qu’il y est apparu au grand jour à partir de la journée d’action du 20 février 2011, qui revendique des réformes au nom de la justice sociale, de la liberté et de la dignité, a suscité un faible intérêt de la part des médias internationaux (Tourabi et Zaki, 2011, p. 98). Il est analysé par la presse et par certains chercheurs à la lumière de ce qui se joue en Tunisie ou en Egypte, et est ainsi présenté comme une exception, une évolution constitutionnelle plus qu’une révolution. Une telle approche comparatiste a tendance, pour le cas marocain, à cultiver l’image –réductrice- de la spécificité et du changement (Bennafla, 2011, p. 10) et, plus généralement, à proposer des prismes de lecture simplificateurs. Le mouvement est analysé principalement à travers ses logiques économiques et politiques, comme la conséquence de la crise financière mondiale -l’effondrement brutal des économies arabes non rentières lié à la crise ayant fait exploser le pacte social tacite développement contre autoritarisme (Daguzan, 2010)- et comme un réveil de la société civile dans des systèmes politiques dont le point commun serait l’autoritarisme et l’immobilisme. Des politologues, sociologues et géographes se sont efforcés de donner une image plus nuancée du mouvement, en l’envisageant sur le long terme -dans la continuité des analyses proposées bien avant le début du "printemps arabe"- et en prenant en compte des situations nationales spécifiques. Dans le cas du Maroc, ils montrent l’existence, depuis le début des années 2000, de mouvements de protestation dans les petites et moyennes villes, portant des revendications d’ordre socio-économique (Bennafla, 2011, p. 15-16). Ils soulignent l’émergence d’une société civile qui, notamment à travers le mouvement associatif (Ben Néfissa, 2011), joue un rôle croissant depuis le début des années 1990. Cependant, de la même façon que les médias, ces experts ont mis l’accent sur les mécanismes économiques et politiques, qui nous paraissent certes fondamentaux pour décrypter les événements mais insuffisants pour comprendre la complexité des enjeux du printemps marocain.

Peu ont relevé la part des logiques identitaires. La question des "communautés" a certes ressurgi ces derniers mois dans les analyses concernant aussi bien le Maghreb que le Machrek, mais elle a été posée principalement sous l’angle des minorités religieuses et des affrontements entre communautés religieuses, par exemple entre chrétiens coptes et musulmans sunnites en Egypte. Une faible attention a été accordée aux revendications des minorités culturelles, dans le cas du Maghreb aux revendications "berbéristes" (la demande de reconnaissance constitutionnelle de la culture et de la langue amazighes). Néanmoins, quelques chercheurs se sont appliqués à montrer qu’elles constituent un précieux "indice de la pluralité politique et culturelle dans les sociétés maghrébines" (Stora, 2011 p. 144). Elles témoigneraient de la volonté populaire d’une reconnaissance

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