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La Theorie Classique Du Chomage

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Par   •  23 Février 2014  •  5 635 Mots (23 Pages)  •  1 091 Vues

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Théorie classique du chômage

La théorie classique du chômage est inséparable de la théorie de l'équilibre

Plan

1. Courants et précurseurs

2. Le modèle pur de l'équilibre

3. Actualité du modèle

4. Exposé du modèle

5. Équilibre partiel d'un marché

6. Équilibre général des marchés

7. Les conditions du modèle

8. Le chômage classique

1. Courants et précurseurs

Si la Grande-Bretagne a vu émerger le cœur de la doctrine classique avec Adam Smith et École de Ricardo, la France a eu des prédécesseurs en Pierre Le Pesant de Boisguillebert et Robert Cantillon. Elle a eu un continuateur en Jean-Baptiste Say, auteur de la Loi des Débouchés. Tous insistent sur la notion de circuit économique. Ils montrent, à juste titre, l'interdépendance des activités économiques. Seule la liberté du commerce, à l'intérieur comme à l'extérieur du royaume, permet de profiter des mécanismes multiplicateurs d'activité. Pourtant l'École Classique comportait des courants distincts:

Le courant pessimiste constate une trop forte progression de la population (Malthus) par rapport à la fertilité immédiate des terres cultivées. La mise en culture de terres moins fertiles provoque une hausse du prix du blé et des biens de première nécessité (salaire réel). Les propriétaires des terres les plus fertiles perçoivent une rente foncière accrue (Ricardo). Le profit des fermiers et des industriels est minoré par la rente versée aux propriétaires (baisse du taux de profit). Cette réduction de l'incitation à investir risque de conduire à un état stationnaire.

Le courant optimiste prône la totale liberté du commerce pour pallier à tous les obstacles transitoires. L'esprit d'entreprise et la foi dans le progrès technologique font de chaque problème l'indicateur d'une opportunité. Tout goulot d'étranglement provoquera les initiatives conduisant à sa résorption. Le libre commerce des grains provoquera la baisse de la rente foncière, la restauration du salaire réel et du profit moyen. Seuls les obstacles créés par l’État ou les Corporations peuvent provoquer des crises de sous-production. Aucune crise générale de surproduction n'est possible (J-B Say). L'embauche et la fabrication en vue de l'offre d'un produit créent le revenu, le pouvoir d'achat et la demande pour un autre produit (loi des débouchés). Si un produit semble être en surabondance, c'est parce que la fabrication d'un autre produit est bridée par des règlements corporatifs, des monopoles royaux ou des technologies désuètes. Le système d'interdépendances risque de se bloquer à la moindre entrave locale.

2. Le modèle pur de l'équilibre

La différence entre les courants est bien une question de point de vue. Ils ne mettent pas l'accent sur les mêmes aspects de la réalité de leur époque. Verre à moitié plein. Verre à moitié vide. Ils diffèrent par leur imagination et leur audace dans les transformations préconisées. Ils n'ont pas la même foi dans l'intelligence ou l'initiative. Mais tous se réfèrent au modèle du marché équilibré.

La loi de l'offre et de la demande est leur credo commun. Elle se déroule sur le principe des enchères publiques. A chaque type de marchandise, y compris le travail, correspond un marché virtuel particulier. Qu'il soit national ou mondial, le marché est comme une immense salle aux enchères. S'y rencontrent offreurs et demandeurs d'un type de marchandise. C'est là que se comparent quantités offertes et quantités demandées. De leur comparaison découle le prix courant de la marchandise. D'une certaine manière, l'Histoire leur a donné raison. Ils seraient probablement surpris par l'actuelle mondialisation et la confrontation électronique des offres et des demandes. Peut être même, leur modèle de détermination des prix est-il plus réaliste aujourd'hui qu'au XIXème siècle? Mais leur modèle n'est pas seulement descriptif. Il est normatif. Selon eux, en l'absence d'entraves structurelles et d'accidents conjoncturels, le marché détermine un prix qui assure l'équilibre.

Pour les Classiques, les phénomènes purement monétaires n'ont pas grande importance. Ils ne prétendent pas les nier. Ils considèrent qu'une mauvaise circulation de la monnaie peut engendrer des difficultés. Mais cela renforce leur principe du "laisser-faire, laisser-passer". Libre initiative des entrepreneurs. Libre circulation des marchandises. Libre circulation des hommes. Libre circulation des capitaux.

Dans sa "Théorie sur le haut prix des lingots" (1811), David Ricardo présente une théorie quantitative de la monnaie. Les prix d'une quantité donnée de marchandises augmentent en fonction de l'augmentation de la quantité de monnaie ou de l'accélération de sa vitesse de circulation. Les autorités monétaires doivent donc éviter d'émettre trop de monnaie pour ne pas provoquer la hausse générale des prix. La loi des débouchés de Jean-Baptiste Say postule la neutralité de la monnaie dans l'équilibre des marchés.

Il faut replacer la théorie classique dans son contexte historique. En réaction au conservatisme religieux (condamnation du prêt à intérêt), royal (monopoles, tenure féodale) et corporatif (règles de production, cloisonnement des métiers) les classiques prônent la liberté d'entreprise. Toute rigidité est une entrave. Pour eux, la source des obstacles ne se trouve pas dans la nature humaine mais dans les réglementations héritées de l'histoire. C'est pourquoi leur modèle de l'équilibre est un modèle pur, un idéal-type à la Weber. Mais il représente un projet qu'ils se proposent de réaliser.

Leur argumentation doit se comprendre comme un plaidoyer pour l'avenir. Il s'agit de libérer les capacités imaginatives et productives contenues par les sociétés traditionnelles. Dans la mesure où nous parlons d'une théorie datée du début du XIXème siècle, nous n'aurons pas l'injustice de leur reprocher l'absence des contraintes écologiques ou le développement de la bulle financière qui n'apparurent qu'à la fin du XXème siècle. Nous devons admettre que leur vision a été prophétique.

Il était possible de révolutionner les conditions économiques et sociales des pays qui sortaient du féodalisme agricole.

3. Actualité du modèle

La théorie classique, encore très littéraire, a été fortement mathématisée par les successeurs. Cette modélisation donne une plus grande élégance aux démonstrations. Mais cette formalisation comporte un risque. Elle peut dresser la liste des hypothèses implicites de la théorie. Elle contribue alors à montrer la virtualité du modèle. Ce qui correspond au projet des classiques.

Mais la formalisation peut ne pas s'accompagner de ces précautions. Elle peut provoquer une confusion entre les propriétés formelles du modèle et celles de la réalité. On entre alors dans une mystification idéologique. Les auteurs disent rarement que le modèle est tourné vers l'avenir, comme un projet. Les modèle prétendent souvent refléter la réalité du moment. Beaucoup de discours économiques jonglent hardiment avec ces deux points de vue (projet, reflet). Au moins serait-il bien de les faire alterner sciemment. C'est le rôle que l'on pourrait assigner à une Théorie de la Valeur, distincte d'une Théorie des Prix (Keynes).

Considérons les courbes continues et dérivables représentant des fonctions de production pour l'entreprise et des niveaux de satisfaction pour le consommateur. Leur élégance a un intérêt pédagogique évident. Mais nous risquons de prendre la forme et la position relative des courbes pour une description fidèle et exhaustive du réel. Quand la formalisation est tournée vers la simplicité, elle ne peut prétendre "reproduire" la réalité. Il n'y a pas une telle continuité ni une telle dérivabilité dans la réalité quotidienne des entreprises et des consommateurs.

D'une certaine manière, les auteurs classiques faisaient le pari que les intérêts individuels pouvaient trouver à se concilier sans intervention autoritaire. Ils refusaient d'obéir à des règles, prétendument éternelles, découlant d'une scolastique moyenâgeuse. Ils voulaient prendre en main leur destin selon leur libre arbitre. Ce pari, plus que jamais, reste à gagner, après un siècle de totalitarismes. Cela ne veut pas dire qu'ils voyaient, dans l'égoïsme le plus étroit et le plus aveugle, la main invisible guidant le plus grand nombre vers la richesse.

Le modèle d'équilibre doit être apprécié pour:

sa vertu exploratoire. Il a montré sa richesse par les développements mathématiques qui ont suivi.

sa vertu prophétique.

La croissance économique constatée dépasse probablement leurs espoirs les plus secrets.

Sa vertu pédagogique.

Les étudiants de première année apprennent les mécanismes de l'offre et de la demande. Ils découvrent successivement les marchés des biens, des services, du travail et des capitaux. Ils assimilent ainsi les multiples interdépendances qui font la complexité de la vie économique, sociale et politique. Cette simplification, optimisée pour l'apprentissage, n'est pas un reflet de la réalité. En attendant mieux, elle peut être considérée comme une profitable propédeutique.

Sa vertu épistémologique.

Les premiers auteurs classiques voulaient construire un autre système économique. Ils ont réussi. Mais la valeur épistémologique de leur discours est bien émoussée. Les succès exploratoire, prophétique et pédagogique ne peuvent empêcher une grave obsolescence de leur représentation. Pour la production de connaissances nouvelles, le modèle de l'équilibre a épuisé sa vertu. Dans les sciences physiques celui-ci n'a cessé d'être remis en cause. Le scandale a débuté avec la découverte du problème des trois corps par H. Poincaré. Les fonctions continues et non dérivables (Peano) ont retourné le fer dans la plaie des scientistes. Actuellement, les théories du chaos, les fractales et les théories non linéaires ont renouvelé le paradigme scientifique.

Sa vertu pratique.

Construit pour permettre une réflexion en chambre, le modèle classique ne présente guère de ressources pour les praticiens. Ni pour la survie du producteur, ni pour la satisfaction du consommateur. Pour des raisons polémiques, les économistes néoclassiques ont prétendu éliminer la théorie de la valeur. Pour des raisons de généralité, ils ont escamoté la valeur d'usage. Ils ont présenté les prix comme des sources nécessaires et suffisantes d'information. C'était passer du projet d'avenir à la mystification sur le présent. Il semble pourtant que le système économique manque sérieusement de boussole. Curieusement, les entreprises réinventent l'Analyse de la Valeur et le Dialogue Technique.

4. Exposé du modèle

Pour la théorie classique, le jeu de l'offre et de la demande sur chaque marché détermine le prix du bien considéré. Ce prix est un prix d'équilibre, par définition.

Si les conditions initiales ne sont pas celles de l'équilibre, le jeu de l'offre et de la demande instaurera l'équilibre. C'est cela la loi de l'offre et de la demande.

Le marché est un lieu virtuel où se rencontrent des vendeurs potentiels (offre) et des acheteurs potentiels (demande) de biens ou de services, voire de monnaie ou de capitaux dans les modèles plus complexes. En vertu du circuit économique, les transactions impliquent que toute offre de biens est une demande réciproque de monnaie. De même, toute demande de biens est une offre de monnaie.

Le modèle du marché ne considère que la demande solvable, celle qui est accompagnée du pouvoir d'achat de la monnaie. Elle ne s'adresse qu'à ceux qui disposent d'un revenu. Ce n'est pas une théorie anthropologique des besoins. Symétriquement, le modèle du marché ne concerne que les marchandises, c'est-à-dire les seuls produits ou services vendus. Ce n'est pas une étude technologique ou écologique des activités transformatrices. La théorie économique classique n'est pas un point de vue économique sur la réalité sociale globale. Elle découpe une partie de la réalité:

le marché équilibré.

Ce point de vue est compréhensible pour les fondateurs (Smith, Ricardo). Ils veulent montrer que le marché est capable de se développer dans les restes de la société féodale. Ils pensent que la marché a sa dynamique propre, différente de celle des corporations et des relations féodales. Il est, rétrospectivement, impossible de leur donner tort. Dans la version optimiste et la version pessimiste, les classiques discutaient entre eux des perspectives de développement du marché dans l'ensemble de la société. Serait-il capable d'englober toute la population? Serait-il capable de fournir à tous un emploi, un revenu et une existence sociale? On sait que Malthus en doutait

fortement. Son discours n'avait rien de mystificateur.

Dans sa formulation, la loi du marché obéit à un principe d'exclusion. Elle ne concerne pas toute la société. Nous ne pouvons pas exposer la loi de l'offre et de la demande sans étudier, simultanément, la question de son élargissement à l'ensemble de la société. Nous essayerons de définir des mouvements d'inclusion et des mouvements d'exclusion. Sinon, nous passons du discours prophétique des Classiques (Ricardo) au discours idéologique des néoclassiques (Pareto).

C'est ce point qui motive la présence de cette discussion sur le Réseau d'Activités à Distance. Nous verrons, avec la théorie keynésienne du chômage, que l’État a joué un rôle dans la sortie de la crise de 1929. Reste à savoir s'il peut jouer le même rôle aujourd'hui. Sinon, il faut prévoir un troisième secteur, associatif ou solidaire.

C'est aussi pourquoi les économistes ne peuvent prétendre épuiser, ni même déterminer en dernière instance, l'ensemble des faits sociaux, politiques et culturels. D'ailleurs ses fondateurs (Smith, Bentham) ont simultanément produit des ouvrages de droit, de morale ou de linguistique avant la lettre. Preuve que, pour eux, l'économique n'épuisait ni même ne déterminait l'ensemble du politique, du culturel et du social.

Revenons à la théorie classique. Les prix d'équilibre assurent l'écoulement des marchandises, la satisfaction de la demande solvable, la pleine utilisation des capacités productives et le plein emploi du travail disponible dans l'économie de marché. Mais l'économie de marché n'épuise pas la réalité de la société qui sert de référent ultime au discours.

Nous insistons sur cette définition simultanée du prix, de l'équilibre et du domaine couvert par le marché. Elle relève de la tautologie. Cette tautologie n'est pas fautive, dans le projet des classiques. Mais l'oublier serait dangereux pour nous. Et la masquer serait intellectuellement malhonnête.

Un modèle scientifique est comme un roman. Il produit le micro-monde qu'il prétend décrire. A aucun moment l'auteur ou le lecteur ne peut ajouter de personnage, d'attribut ou de règle pour résoudre l'énigme. C'est ce qu'exprime si bien Umberto Eco dans "Lector in fabula".

Ainsi, par construction du modèle, chaque équilibre local, partiel et de court terme, contribue à un équilibre général du système économique. C'est ce que dit le modèle d'intelligibilité où tout repose sur l'équilibre des forces. Mais celui-ci n'épuise pas le contenu de la société ou de l'univers.

Pour simplifier (but pédagogique), nous supposerons que le marché ne connaisse que trois marchandises: les biens, le travail et la monnaie. Ces marchandises sont échangées par trois catégories d'agents économiques: les ménages, les entreprises et l’État.

Les entreprises produisent et offrent les biens. Elles demandent du travail.

Les ménages produisent les travailleurs et offrent leur travail. Ils demandent des biens.

L’État (Banque Centrale) produit et offre la monnaie pour son équivalence générale.

La présence de l’État dans le modèle permet aussi de discuter l'opportunité de l'impôt et de sa redistribution. Ménages et entreprises demandent la monnaie pour réaliser leurs transactions marchandes. Le troc peut exister dans la société. Mais, par définition, il n'est pas considéré dans le modèle du marché. On ne considère pas plus les cadeaux dans la famille que la circulation des produits semi-finis dans les entreprises ou des documents administratifs dans l'appareil d’État. C'est volontairement que nous parlerons de marchandises pour signifier les biens produits ET échangés. Elles ne sont qu'un sous-ensemble des biens produits ou disponibles.

Chaque marchandise voit son prix déterminé sur un marché:

Prix de vente des biens (vendus).

Taux de salaire du travail (embauché).

Pouvoir d'achat de la monnaie (utilisée) ou prix des marchandises.

L'équilibre de chaque marché contribue à l'équilibre général.

D'un point de vue pédagogique, le marché des biens est relativement central.

Mieux les biens sont vendus, plus les offreurs chercheront à en produire. Pour cela, ils demanderont d'autres biens (matières premières, outils) et plus de travail. Le prix du marché d'aujourd'hui, détermine les anticipations pour demain. L'augmentation des transactions provoque une plus forte demande de monnaie. L'augmentation des revenus permet une meilleure rentrée fiscale. Une politique d'éducation et d'infrastructure lève de nouveaux obstacles au développement de la production des échanges marchands. Ce sont les phases d'expansion. Moins les biens sont vendus, moins les offreurs chercheront à produire. Ils révisent leurs anticipations à la baisse. En réduisant leur production et leur offre, ils licencient. La réduction des revenus provoque une réduction de la demande de biens et un ralentissement des rentrées fiscales. Le phénomène est donc cumulatif à la baisse. Ce sont les phases de récession.

Pour les classiques, ces fluctuations sont limitées et restent très proches du plein emploi. S'il en est autrement, ce sont les rigidités féodales, royales et corporatives qui en sont la cause. Keynes critiquera cette vision simpliste. Néanmoins, il apparaît déjà que le profit des entreprises est au centre des mouvements d'expansion ou de récession de l'économie de marché. Tout au moins dans le cadre sémantique du modèle.

Il apparaît aussi que nous ne pouvons parler d'expansion et de récession qu'en situant l'économie de marché dans un cadre social, plus vaste, qui l'englobe. Nous tenterons une théorie de l'inclusion et de l'exclusion. Bien qu'exclus du marché du travail, c'est à ce cadre sociétal qu'appartiennent les chercheurs d'emploi et les créateurs d'activités du RAD. C'est pourquoi il est si important de comprendre la respiration du marché dans son cadre social. Nous cherchons les moyens de faciliter l'interpénétration des sphères marchande et non marchande de la société. Cela nous paraît plus utile, mais probablement plus difficile, que de se contenter de dénoncer les indubitables horreurs économiques.

5. Équilibre partiel d'un marché

Sur chaque marché, des offreurs et des demandeurs négocient l'échange d'une marchandise particulière. Supposons (vertu pédagogique) qu'il s'agisse d'un bien de consommation.

Tous les offreurs n'ont pas le même coût de production. Tous les demandeurs n'ont pas le même besoin ni les mêmes disponibilités monétaires. En fonction de ses coûts (valeur travail), chaque offreur propose une certaine quantité de produits à un certain prix. En fonction de son utilité, chaque demandeur propose d'acheter une certaine quantité de produits à un certain prix.

Comme aux enchères, un prix courant va s'établir. Il reflète la composition particulière du marché, ce jour là. Par définition, ce prix va satisfaire les acheteurs et les vendeurs. C'est un prix qui découle du rapport particulier de l'offre et de la demande. Notez bien que je ne décris pas une réalité concrète particulière. Je ne fais nullement appel à vos connaissances pratiques ni à votre bon sens. Sémantiquement parlant, je suis en train de mettre, dans votre tête, la représentation que École Classique a produit au tournant des XVIIIème et XIXème siècles.

Quand le prix d'équilibre est affiché par le commissaire-priseur, il devient le prix du marché:

Les acheteurs qui proposaient un prix égal ou supérieur au prix d'équilibre emportent toutes les marchandises qu'ils demandaient.

Les vendeurs qui proposaient un prix égal ou inférieur au prix d'équilibre écoulent toutes les marchandises produites ou offertes (destockage éventuel).

Les demandeurs qui proposaient un prix plus faible constatent que leur besoin n'est pas solvable. A partir de cet instant, ils ne relèvent plus de la théorie économique classique. Ils sont exclus du modèle. Circulez. Voyez les sociologues ou les anthropologues.

Les offreurs qui demandaient un prix supérieur découvrent que leur technique de production est obsolète. Ils sortent de l'économie de marché. Voyez le musée des technologies d'antan.

Sémantiquement parlant: La flexibilité des prix assure l'équilibre de chaque marché, par définition des mots prix, équilibre et marché. Chaque marché ne concerne que les produits ou les services qui sont achetés par l'un et vendus par l'autre (marchandises). La loi du marché ne régit que les produits ou les services qui réussissent à devenir des marchandises. Par définition un marché est équilibré ou équilibrable. Par définition, ce qui s'échange sur un marché est une marchandise. Par déduction, ce qui ne trouve pas à s'échanger sur un marché n'est pas une marchandise et ne relève pas de l'économie de marché.

Cela ne signifie pas qu'une telle chose ne puisse exister dans la réalité. Bien au contraire. Les surplus, les invendus, les chômeurs et les besoins non satisfaits existent bel et bien. Encore faut-il produire un discours permettant de les prendre en compte. (Voir: Lectures en Sémantique).

Certains acheteurs et certains vendeurs, outre d'être reconnus par le marché, ont réalisé une bonne affaire:

Les consommateurs prêts à payer plus cher que le prix de marché gardent en poche (épargne) une rente (surplus du consommateur).

Les producteurs prêts à vendre moins cher que le prix affiché empochent une rente (surplus du producteur).

Les rentes (épargne, profit extra) exerceront un effet sur les autres marchés. Le surplus du consommateur peut trouver à se prêter ou à s'investir. Le surplus du producteur l'incite à augmenter sa capacité de production. A une condition: que le coût des nouvelles unités produites (coût marginal) ne dépasse pas son coût moyen actuel. C'est à dire qu'il existe une marge de production dans l'équipement actuel.

Nous espérons avoir illustré la vertu pédagogique (faire comprendre les grandes lignes) de la théorie classique. Nous espérons avoir montré que l'objectif pédagogique est différent de l'objectif de description exhaustive de la réalité. Pour l'instant, le principe d'exclusion ne concerne que les mots. Ce qui est exclu du discours économique peut relever d'un discours technologique, sociologique, culturel ou anthropologique. Il n'en irait plus de même si nous disions que l'économique était déterminant en dernière instance. L'exclusion du discours économique serait alors le préalable à une exclusion de la réalité sociale puis de la réalité tout court. Nous remettrons à plus tard la discussion sur sa vertu épistémologique (produire une connaissance intime de la réalité contemporaine) et sa vertu pratique (fournir des informations, permettre les décisions quotidiennes).

6. Équilibre général des marchés

Chez les fondateurs, l'équilibre général est l'intuition d'une harmonisation des intérêts. Ils prônent une harmonisation qui ne doive rien à un pouvoir religieux ou royal de type absolutiste. Adam Smith a formulé une vision positive de la liberté individuelle. Le marché est une main invisible. Il guide chacun vers la réalisation de l'équilibre général. Il procure l'abondance de biens plus sûrement que les monopoles royaux. Il n'exige aucune instance centralisatrice. Chaque producteur et chaque consommateur cherche la satisfaction de son propre intérêt. Il est inutile de chercher un autre moteur. Une lecture attentive de la "Théorie des Sentiments Moraux" (1759) devrait nous mettre à l'abri d'une confusion entre intérêt et égoïsme. En écrivant une théorie des représentations Adam Smith nous protège d'une assimilation du modèle économique avec la réalité sociale. Même si l'emploi récurrent des termes "nature" et "harmonie" peut jeter le doute.

Plus tard, la théorie marxiste se caractérisera par un souci d'élargissement du paradigme classique. Marx cherchera une théorie de la valeur qui englobe à la fois la production (travail incorporé dans la valeur) et la circulation (travail commandé par le prix). Nous pensons que Marx a échoué dans sa recherche des déterminations de la valeur. Pourtant le contenu critique de sa théorie et son discours révolutionnaire ont provoqué un refoulement du concept de valeur.

La théorie néo-classique (Walras, Pareto) a donné une représentation universelle de la valeur à travers le terme sans contenu: utilité. Cet élargissement a permis une formalisation de la théorie de l'équilibre général. Cette avancée de la vertu pédagogique se paye par un recul de la vertu épistémologique. Le modèle néo-classique a fortement tendance à être pris et à se prendre pour la réalité sociale totale. Et, contrairement à la Science Physique, on voit peu de théoriciens se lancer "A la recherche du réel" (1981) comme le fait Bernard d'Espagnat pour "le monde quantique, la connaissance et la durée"(Une incertaine réalité, Bordas, Paris, 1985).

Rendons hommage à la vertu pédagogique du modèle de l'équilibre général. Il illustre, avec une élégance toute mathématique, l'interdépendance des marchés.

"Le prix des biens est déterminé par la demande et l'offre des biens. La demande est déterminée par les prix des facteurs et par le prix des biens. L'offre des biens est déterminée par le prix des biens, par le prix des facteurs et par les méthodes de production. La demande de facteurs est déterminée par l'offre de biens. Les prix des facteurs sont déterminés par la demande et par l'offre des facteurs. L'offre des facteurs est déterminée par le prix des facteurs. Les méthodes de production sont déterminées par l'offre des biens et par les prix des facteurs" (Encyclopédie de Économie et de la Gestion, direction A. Silem, 1991).

La formalisation Walraso-Parétienne permet d'intégrer la production et la commercialisation. Elle introduit des "coefficients de fabrication" indiquant la proportion de facteur de production nécessaire à la production de chaque marchandise. On peut alors relier les conditions de production à celles de la vente comme à celles de l'usage ou plus exactement de l'utilité. Walras en déduit une "Loi d'égalisation des productivités marginales aux prix des produits".

La Loi de Walras formalise la Loi des Débouchés de J-B Say. Elle exprime qu'il ne peut y avoir d'excédent de demande sur tous les biens à la fois. Un excès de demande est immédiatement annulé par l'augmentation des prix. Grâce à quoi l'équilibre général est stable. Qui plus est, cet équilibre économique est un optimum social. Nouvelle formulation, laïque, du meilleur des mondes possibles critiqué par Voltaire. Selon l'optimum de Pareto: toute amélioration du bien-être d'un individu ne peut être obtenue qu'en réduisant le bien-être d'au moins un autre individu.

Mais le prix à payer, pour cette formalisation, est important. Une lecture réductrice d'Adam Smith a été formalisée. Les interrogations politiques, juridiques, sémantiques et morales de David Ricardo, Jeremy Bentham, John Stuart Mill et Adam Smith ont été totalement refoulées. Nous pouvons alors reprendre la formulation de Voltaire: "Un jour tout sera bien, voilà notre espérance.

Aujourd'hui tout est bien, voilà l'illusion". Sous une forme moins poétique: ne confondons pas la vertu pédagogique du modèle avec des propriétés pratiques ni épistémologiques. La valeur propédeutique est dévoyée quand on confond le modèle et la réalité. Un modèle caricatural n'a d'intérêt ni pour l'action ni pour la connaissance. Voyons en quoi le modèle est caricatural.

7. Les conditions du modèle

Les critiques formulées par les marxistes, les keynésiens ou les néo-ricardiens ont permis de dresser un inventaire des conditions simplificatrices du modèle pédagogique.

Le modèle Walraso-Parétien est un modèle de concurrence pure et parfaite. Il suppose: l'atomicité de l'offre et de la demande

Chaque offreur est une goutte d'eau dans l'océan de l'offre.

Chaque demandeur est une goutte d'eau dans l'océan de la demande.

- l'homogénéité du produit. Même fabriqués dans des conditions différentes de coût, les produits sont identiques.

- la mobilité parfaite des capitaux. Une totale liberté/fluidité permet d'entrer ou de sortir instantanément du marché d'un produit.

- la transparence parfaite des marchés.

Nul n'est sensé ignorer les prix, les coûts, les quantités, les techniques et les besoins de tous.

Moyennant ces conditions, il est possible d'analyser l'équilibre de l'entreprise ou celui du marché aussi bien à court terme qu'à long terme. On peut alors montrer que l'entrepreneur maximise son profit en choisissant de produire la quantité pour laquelle le coût marginal (coût de la dernière unité produite) est égal à la recette moyenne, soit le prix unitaire constaté par le marché. La maximisation du profit est devenu l'indicateur de la marche vers l'équilibre général. Pour l'harmonisation des intérêts, le démon de Maxwell est au service de la main invisible.

Bien sur, les économistes n'en sont pas resté là. Chaque hypothèse a donné naissance à de nouveaux modèles plus sophistiqués: monopole, concurrence monopolistique, monopsone, oligopole, duopole, etc. Puis la Théorie des Jeux a multiplié les situations combinant une dose de coopération et une dose de compétition. En tout cas, la réalité décrite par ces théories économiques se limite à l'économie de marché. Par définition de l'économie et par construction du modèle, l'économie de marché ne concerne que la partie de la vie sociale qui réussit à s'insérer dans les échanges marchands.

En période d'expansion, le marché intègre de plus en plus de monde. Nous parlerons d'inclusion.

En période de récession, le marché exclut de plus en plus d'entreprises, de ménages voire d’États. Nous parlerons d'exclusion.

Il nous faut donc une théorie de l'insertion de l'économie capitaliste dans l'économie marchande. Il nous faut aussi une théorie et une pratique (R.A.D.) de l'insertion de l'économie marchande dans l'économie non marchande. Cette économie solidaire est parfois nommée, à la suite de Mauss, l'économie de don.

Selon les écoles, cette inclusion exigera (Marx, Keynes) l'aide de l’État (économie publique) ou la refusera (ultra-libéraux). Reste à savoir, problème pratique d'aujourd'hui, si l’État peut remettre dans le circuit social tous les exclus du marché?

8. Le chômage classique

Par construction du modèle classique, tous les prix sont déterminés par le marché. Ils assurent l'équilibre de l'offre et de la demande. Ils traduisent l'ensemble des anticipations, des offres et des demandes de tous les acteurs des marchés. Pour Walras, tous les prix de tous les marchés sont les solutions instantanées d'un vaste système d'équations simultanées. Ce système décrit la structure des offres et des demandes.

Il en est du marché du travail comme de tous les autres marchés (biens, services, facteurs de production ou monnaie). L'offre d'emploi des entreprises fait face à la demande d'emploi des candidats à l'embauche. Le prix du travail en résulte. Il s'agit du taux de salaire. Il détermine la quantité de monnaie qui sera échangée contre une quantité unitaire de travail. C'est ce que l'on appelle le salaire nominal. Il correspond à la fiche de paye. Il ne se confond pas avec le salaire réel. Entre les deux se trouve le marché de la monnaie. Le salaire réel correspond à la quantité de biens et services que l'on peut acheter avec le salaire nominal. En cas de hausse des prix (inflation) il arrive que les salariés perdent d'un coté (baisse du salaire réel) ce qu'ils ont gagné de l'autre (hausse du salaire nominal). Sur le marché de la monnaie cela se traduit par une baisse du pouvoir d'achat de la monnaie. En effet, la théorie quantitative de la monnaie (Ricardo) montre que si la quantité de monnaie en circulation augmente, toutes choses égales par ailleurs, le prix des marchandises (biens ou services) ne fait qu'augmenter en proportion.

L'équilibre partiel du marché du travail ne dépend que de l'offre et de la demande de travail. Le salaire dépend de l'offre et de la demande momentanées de travail. Le salaire n'est pas défini par des règlements corporatifs. Il fluctue en permanence. Cela correspond à la pratique actuelle de certaines entreprises qui modulent le salaire en fonction de l'activité mensuelle. Pour la théorie classique, la flexibilité du salaire assure l'équilibre du marché du travail. Du point de vue du seul marché du travail, un demandeur d'emploi reste au chômage s'il demande un salaire qui dépasse le produit marginal de son travail pour les offreurs d'emploi. Le chômage individuel provient de la demande d'un salaire nominal (exprimé en monnaie) trop élevé. Il y aura plein-emploi si les candidats savent demander le bon niveau de salaire.

Mais l'équilibre du marché du travail dépend aussi de l'équilibre sur tous les autres marchés. Nous avons vu que les marchés des biens et services jouaient un rôle central. Encore que cette formule n'ait pas beaucoup de sens dans un système d'interdépendances (vertu épistémologique). Considérons-la plutôt comme une manière de dérouler notre raisonnement (vertu pédagogique).

Sur les marchés des biens et services, la flexibilité des prix assure l'équilibre de l'offre et de la demande. A l'équilibre, les offreurs réalisent un profit par la vente de leurs marchandises. En fonction des profits réalisés (disponibilités monétaires) et anticipés (espérance de gain), les entrepreneurs vont investir dans des matières premières et des machines. Ils accroissent la demande sur ces marchés. A l'équilibre, il y a pleine utilisation des capacités de production. Les entrepreneurs vont aussi embaucher sur le marché du travail. A l'équilibre, il y a plein emploi des candidats qui demandent le bon niveau de salaire.

Dans le modèle classique, le chômage ne peut correspondre qu'à un déséquilibre provisoire. En cas de déséquilibre, les ajustements sur les différents marchés provoqueront un retour à l'équilibre.

Le salaire d'équilibre est celui qui correspond à la productivité marginale du travail. Supposons donc que le salaire soit provisoirement au-dessus de son niveau d'équilibre. Les entrepreneurs vont réduire leur embauche et réviser à la baisse leurs anticipations de production. Un chômage va donc se manifester. Les chômeurs qui désirent travailler à tout prix vont accepter un salaire réel plus bas que le niveau précédent. Le chômage se résorbe par la baisse des salaires. L'économie de marché se dirige de nouveau vers le plein-emploi, la pleine utilisation des capacités de production et l'équilibre général des marchés. Dans le modèle classique, le chômage ne peut provenir que d'un salaire réel trop élevé.

Selon le modèle classique, l’État ne peut remédier à une situation de chômage. Toute politique de l'emploi est vouée à l'échec. Toute hausse des dépenses publiques en faveur de l'emploi est prélevée (via l'impôt) sur les revenus disponibles. La demande des entreprises et des ménages diminue dans la proportion même où les dépenses de l’État augmentent. La consommation publique remplace la consommation privée sans augmenter l'offre d'emploi. Seule la baisse du salaire réel (moindre consommation) peut résorber le chômage et rétablir l'ensemble des équilibres. Ce point de vue sera critiqué par la Théorie Keynésienne du Chômage.

Conclusion

Nous développerons, bien sur, les autres théories économiques du chômage. Elles permettent de découvrir (vertu pédagogique) de nouveaux aspects de la réalité sociale. Contrairement au modèle classique de concurrence pure et parfaite, basé sur une flexibilité de tous les prix, elles insistent chacune sur des causes de rigidité. D'une certaine manière, en prétendant critiquer le modèle classique, elles apportent de l'eau à son moulin: les crises et le chômage sont dus à un manque de flexibilité des prix ou d'adaptabilité des agents.

Mais nous n'oublierons pas que, par définition, les théories concernées ne peuvent épuiser les questions qu'elles soulèvent. Pour cette raison, pas plus que dans le texte présent, nous ne sacrifierons à la formulation mathématique (voir notre bibliographie). Ce ne sont pas les mathématiques qui sont en cause, mais les hypothèses implicites qu'elles véhiculent. Pour rendre les modèles mathématisables, il faut leur donner des propriétés que la réalité concernée n'a pas forcément. Les mathématiques du chaos seraient plus adaptées. Mais il faudrait renoncer à l'équilibre et à la généralisation.

Nous insisterons sur la cohérence interne du discours (sémantique). Surtout nous tenterons de montrer comment chaque micro-monde dont parle un modèle économique n'est qu'une partie de la réalité écologique ou sociale qui nous concerne. Les théories du marché sont de belles constructions pédagogiques. Rendons-leur cet hommage. Mais si nous voulons explorer les voies pour sortir durablement du chômage, nous devons les interroger sur la manière dont elles prennent en compte l'emboîtement de la sphère économique dans la vie sociale (vertu épistémologique et vertu pratique). Il nous importe de comprendre à quelles conditions le développement de l'économie de marché peut entraîner le développement durable des activités humaines. Mais pour cela, il ne faut pas se réduire à une analyse de la seule économie de marché. Il faut étudier tout le cadre politique, social et culturel dans lequel elle se développe.

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