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L'homme compassionnel

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Par   •  24 Février 2020  •  Synthèse  •  1 537 Mots (7 Pages)  •  350 Vues

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Fiche de Lecture « L’homme compassionnel » de Myriam Révault d’Alonnes

Notre société est saisie par la compassion et la politique est marquée au moins dans sa rhétorique par un « zèle compassionnel » à l’égard des démunis. Aujourd’hui, la souffrance est une notion installée au cœur de la perception sociale et du politique, développée lors de l’avènement de la modernité, qui a profondément changé le rapport que nous entretenons avec nos semblables.

I- La compassion démocratique

Un penchant compassionnel habite l’homme moderne et le pousse à éprouver de la compassion non plus seulement pour ses proches mais pour ses semblables, bien qu’ils soient éloignés dans l’espace et dans le temps. Tocqueville enracine cette mutation dans « l’égalisation des conditions » propre au phénomène démocratique. La mobilité sociale permise par la démocratie entraîne alors une égalité des conditions théorique. Les individus se sentent égaux en dépit de l’inégalité réelle de leur condition. La « notion générale du semblable » va de pair avec un « adoucissement des mœurs ». La sensibilité démocratique est au cœur de ce nouvel espace social. Elle se généralise en se portant sur plus d’objets mais est aussi diluée, car le penchant compassionnel n’en est pas plus grand qu’auparavant. Selon Tocqueville, il ne porte alors plus à agir et amène à un repli désocialisant de la société démocratique, les individus se repliant dans leur sphère de vie privée.

Rousseau définit l’homme comme un être sensible qui éprouve naturellement de la pitié, les institutions servent dans ce contexte de médiation pour permettre l’action politique. Nos sociétés modernes sont cependant soumises à des processus de désaffiliation causées par des « métamorphoses de la question sociale » qui imposent à « l’homme hyper-contemporain » la tyrannie de l’intimité. L’apparition de nouvelles précarités crée de nouvelles souffrances sociales propices au regard compassionnel. L’attitude compassionnelle développe un discours culpabilisant en demandant aux « assistés » de se prendre en charge. Les individus objets de la sollicitude compassionnelle sont ainsi frappés d’ « une perte du monde » même si ils tentent de se resserrer autour d’une fraternité partagée. Le regard compassionnel serait le corollaire de la désaffiliation croissante des individus mais également selon Rousseau l’alibi d’une véritable méconnaissance de l’autre.

La passion égalitaire induit la compassion mais aussi l’envie dans un contexte de concurrence généralisée. L’homme démocratique ne porte pas son désir selon soi mais selon les autres qui nous ressemblent le plus. Ces jeux d’identification, liés aujourd’hui pour beaucoup aux médias. L’image va activer la puissance de l’imaginaire et occulter la différence réelle.

Selon Rousseau, la pitié vient d’une identification à l’autre permise par le sentiment d’égalité, où la notion générale du semblable devient « une évidence de sentiment ». L’identification est l’opérateur de la généralité, dans un monde qui est celui de tout le monde, la pitié est généralisée car les individus éprouvent la peur de ne pas être à l’abri dans la société, « chacun peut-être demain ce qu’est aujourd’hui celui qu’il assiste ». La pitié ne vient pas de l’intérêt pour autrui mais de ce jeu des identifications imaginaires qui en est le ressort. La pitié est un effort de représentation mais qui requiert une extériorité pour ne pas dégénérer en faiblesse. L’habitude émousse les sensibilités, d’où la nécessité de bien choisir les objets qui permettront de déterminer le jugement.

La compassion procède d’un attrait pour la similitude : la mise en scène compassionnelle des politiques répond à une attente à la ressemblance, le candidat doit être perçu comme leur égal. On tente alors d’instaurer une égalité factice et un sentiment de proximité au travers de spectacles télévisuels permettant l’interaction directe avec les politiques. La capacité de compassion des dirigeants est alors partie prenante de leur légitimité. « L’avis du citoyen détermine directement les orientations politiques [...] et ses problèmes personnels sont immédiatement pris en charge par les dirigeants » au détriment des exigences du plus grand nombre.

II- La politique de la pitié

Hannah Arendt établit une critique de « la politique de la pitié » qui s’accapare de la souffrance pour en faire un argument politique politique par excellence, dont l’exemple le plus probant est celui de la politique jacobine pendant la révolution. Dans nos sociétés modernes la distinction de la politique avec la question sociale est difficile à établir, avec l’extension des mesures sociales dans la sphère privée. Arendt insiste sur l‘inexistence sociale et politique qui frappent le pauvre et qui le coupent de la vie publique. Or les révolutionnaires en confondant le peuple citoyen au peuple souffrant ont manifesté un « zèle compatissant » à l’égard des « faibles » et ont attribué un caractère vertueux à leur condition. La passion compatissante s’est muée en une politique à part entière dont l’objectif étant leur « émancipation en tant que malheureux et non en tant que futur citoyen ».

La pitié se définit comme une

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