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La globalisation va-t-elle unifier le monde

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Par   •  17 Septembre 2014  •  Analyse sectorielle  •  3 487 Mots (14 Pages)  •  727 Vues

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La globalisation va-t-elle unifier le monde ?

Est universel ce qui est commun à tous les êtres humains, s'étend à toute la surface de la Terre et concerne tout le monde. L'actuelle mondialisation économique se présente comme un nouveau projet à vocation universelle. Et vise, directement ou indirectement, à unifier le monde. Roc de l'humanisme, l'universel est d'ordinaire considéré comme une valeur positive, malgré une suite de fâcheuses distorsions, tels les impérialismes. Tout projet universel donne lieu à des conflits. Il est souvent dénoncé comme une tentative de destruction des particularismes, des identités, et suscite des réactions passionnées. L'universel semble être un idéal à la fois fascinant et insupportable à l'égard duquel les sociétés hésitent, en alternant avancées hardies et reculs terrifiés. L'idée même de vivre, à l'ère de la globalisation, dans un monde uni, sans « terra incognita » ni ennemis extérieurs, semble d'autant plus répulsive qu'elle est attirante.

La perspective universelle attire et effraie parce qu'elle représente pour les humains la suppression de l'altérité, ce qui est un voeu narcissique profond mais suscite, dans un même mouvement, l'angoisse la plus forte (1) : qui sommes-nous, nous qui avons supprimé l'Autre ? Qu'allons-nous devenir si, semblables et solidarisés par un même droit, nous demeurons pourtant seuls face à un cosmos muet ?

Bien avant que nous sachions tracer la méridienne à la surface du sol, marins et missionnaires se doutaient qu'ils ne pourraient pas maintenir la fiction d'une différence radicale entre eux et les « hommes sauvages » découverts de l'autre côté de l'équateur. Il faudrait l'entretenir par des idéologies volontaristes. Pourtant, quelques décennies suffirent pour être contraint de leur accorder une âme. Moins de trois siècles après la dernière flambée esclavagiste, il n'est plus possible de distinguer officiellement « races supérieures » et « indigènes ». L'anthropologie aidant, il devient même problématique de classer les sociétés humaines entre « hautes cultures » et « groupes primitifs ». Et si l'on en croit la leçon du beau film Little Sénégal (2), civilité et sauvagerie ne sont plus là où on les attend, la première en Occident, la seconde en Afrique, mais peut-être l'inverse.

Bien sûr, les sociétés maîtresses maintiennent de la différence en dominant, fût-ce par la mise en tutelle du Sud ou la restriction de ses accès aux médicaments. Mais cette légitimité-là s'affaiblit aussi. Bref, l'Autre (l'inférieur, le faible, le tiers ou le quart monde, etc.) est appelé - migrant ou non - à devenir du Soi, du Même. L'universalité est identité entre tous, ou elle n'est pas.

L'angoisse du Grand Tout

Devant l'inefficacité croissante des modèles de division inégalitaire contre la poussée de l'universel, nous avons donc inventé des partitions horizontales entre peuples ou armées à peu près égaux en « niveau de civilisation ». Et nous nous sommes précipités les uns contre les autres avec une ferveur d'autant plus grande que nous nous savions proches, séparés par des signes ténus (kultur germanique contre lumières françaises) ou des nuances d'opinion (dictature des marchés contre dictature des Etats).

Là encore, la pensée qui travaille l'histoire a été plus rapide que nos tentatives de consolider des « concurrences stratégiques ». L'universalité que chacun prétendait incarner à soi seul contre tous les autres a cheminé, bousculant les pronostics. On la certifiait impériale et britannique ? Elle sera capitaliste et américaine. On la pense « internetisée » et contrôlée par l'espionnage commercial et militaire américain ? La voilà qui explose en logiciels libres et en réseaux multiples, dont la centralité est bien difficile à établir. On la voudrait contenue par le leadership de l'« unique puissance mondiale », et déjà elle s'oriente vers une société-monde qui seule saurait régler crises, tempêtes et ravages planétaires générés par l'anarchie industrielle et financière.

Bref, plus s'impose la réalisation de l'universel (physique, économique, scientifique, communicationnel, politique), et plus nos anciennes techniques pour l'apprivoiser en le refragmentant, en séparant les pouvoirs, en opposant les cultures apparaissent inadéquates, peu estimables, et finalement insignifiantes. La sphère unique est bien en train de se retisser, comme une peau imaginaire recouvrant la planète. D'autant que la condamnation éthique des « replis identitaires » se fait plus puissante, et dispose désormais d'entités judiciaires (Cour pénale internationale, CPI) et policières (forces de l'ONU) à la mesure de l'idéal d'une Polis globale (même si on les considère toujours insuffisantes).

Mais alors, s'il y a du vrai dans notre hypothèse, l'angoisse d'être noyés dans le Grand Tout devrait exploser. La panique de la résorption de l'Autre dans le Soi devrait grandir. Qu'allons-nous donc encore imaginer pour exorciser cette présence de plus en plus proche de l'unification humaine, si merveilleuse, mais peut-être irrespirable ?

Rediviser l'humanité entre croisés de l'universalité humaniste et réactionnaires identitaristes peut apparaître comme une solution. Mais, d'une part, elle comporte une certaine inconsistance : diviser au nom de l'unité, stigmatiser des minorités au nom du Tout... qui les inclut. Et d'autre part, en transformant l'ennemi extérieur en criminel intérieur, elle contient la potentialité de considérer délinquante toute opposition à l'idéal commun, de traiter en infraction de droit commun toute résistance frontale à l'ordre unique.

Cela n'est pas clairement perçu par ces honnêtes militants (organisations humanitaires ou administrateurs internationaux, cadres virtuels du futur Etat mondial) qui s'affirment dans la lutte contre les ennemis de l'idéal unitaire. Cela n'en est pas moins source de réactions terrifiées à la montée de l'universel, entraînant des troubles caractéristiques de l'époque.

Il semble que l'actuelle peur/fascination de l'universel prenne deux formes principales liées entre elles : elle s'exprime d'abord comme la terreur de voir nos corps absorbés par la pensée rationnelle qui prétend les assembler dans la gestion technologique de leurs activités, et

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