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Gaz en Méditerranée Orientale, les nouvelles alliances stratégiques

Étude de cas : Gaz en Méditerranée Orientale, les nouvelles alliances stratégiques. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  9 Décembre 2021  •  Étude de cas  •  1 679 Mots (7 Pages)  •  298 Vues

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Jean Jehanne,                                                             Travail dirigé par le Pr. Charbel Skaff

M2 Histoire-Relations Internationales

Energies et puissances au Moyen Orient

Sujet : Comment le gaz a contribué à l’émergence de nouvelles alliances en Méditerranée orientale ? Axes énergétiques ?

Les pays du Proche-Orient sont en perpétuelle quête d’autonomie et se trouvent dans une situation paradoxale où, pour s’affirmer en puissance régionale, ils doivent s’associer à leurs voisins afin de s’assurer une stabilité régionale sur le court-terme. Pour cette raison, la course aux hydrocarbures et aux énergies est primordiale. Les pays de Méditerranée orientale doivent composer avec leurs voisins du Golfe afin que ces derniers puissent subvenir à leurs besoins. Ce manque d’autonomie crée une situation anxiogène et des tensions parfois extrêmes dans la course aux hydrocarbures. Depuis 1999 jusqu’à aujourd’hui, plusieurs compagnies étrangères (British gas, Noble energy) découvrent des champs gaziers en méditerranée, la plupart dans la ZEE israélienne[1]. Israël est à la fois isolé sur le plan régional et en constante tension avec ses voisins arabes, mais est aussi dépourvu de ressources propres. Ces découvertes le placent au cœur des négociations avec les pays bordant la méditerranée orientale : Chypre, la Grèce, le Liban, l’Egypte, la Jordanie, la Syrie, mais aussi des acteurs plus importants comme la Turquie, l’Iran et la Russie.  Ces mises à jour de réserves gazières font entrer le Proche Orient dans des dynamiques oscillant entre alliances et tensions, entre rapprochements et mises au ban. Le 14 janvier 2019, les pays de Méditerranée Orientale expriment officiellement leur intention de mettre en place un forum de coopération régionale sur le gaz[2]. Tarek el-Molla, ministre égyptien du pétrole et des Ressources minérales, a reçu au Caire des représentants italiens, israéliens, chypriotes, jordaniens, palestiniens et grecs afin de mettre en place un marché régional du gaz et une exploitation optimale des réserves de gaz offshore dans la région. Cette initiative soulève des paradigmes géopolitiques cruciaux pour l’avenir de la région. En effet, trois pays riverains brillent par leur absence dans ces négociations : La Turquie, le Liban et la Syrie. Trois acteurs irrigués et nécrosés par les systèmes de proxy mis en place par les grandes puissances régionales et internationales. De facto, le gaz offshore place la région de la méditerranée orientale dans une gigantesque toile géopolitique qui impactera durablement sur la région, par la multiplicité des acteurs, et la balance entre intérêts convergents et divergents. Entre coopération, alliances et exclusions, quelles sont les nouvelles dynamiques mises en exergue par le gaz en méditerranée orientale?

L’accord du 14 janvier 2019 expose le nouveau rôle qu’entend tenir l’Egypte dans les prochaines années. Le président Al-Sissi tente ainsi de replacer l‘Egypte au cœur de la géopolitique moyen-orientale. La création d’un axe diplomatique entre le Caire et Tel Aviv est le signe d’une volonté commune de rapprochement, après une décennie tourmentée. Pour Israël, il s’agit autant d’apaiser les tensions que de se renforcer régionalement et de se rendre incontournable. Le pays ne possède pas de ressources propres, malgré les forages continus depuis 1948 : plus de 500 puits de pétroles ont été creusés, mais les champs ne sont pas exploitables jusqu’à la découverte de Gaza Marine et Mari-B en 2000. Depuis 2009, des gisements ont été découverts au large de ses côtes (Tamar 2, puis Léviathan), contenant plus de 500 milliards de mètres cubes de gaz naturel. Ce dernier va devenir un outil stratégique politique pour l’Etat hébreu. Il s’agit ainsi de créer de nouveaux liens diplomatiques, par convergence d’intérêts ou par contrainte. Ainsi en octobre 2016, la Jordanie signe un accord d’importation de gaz en provenance d’Israël[3], malgré l’hostilité de la population jordanienne, logique au vu des antécédents entre les deux pays. Si le gouvernement jordanien conteste toute forme de dépendance et brandit la carte de l’accord uniquement commercial entre Nepco (compagnie jordanienne nationale d’électricité) et un consortium mené par l’Américain Noble, il s’agit de facto d’une perte d’autonomie et d’une défaite économique et diplomatique[4]. Cet accord précède le contrat de 15 milliards de dollars en 10 ans entre Israël et l’Egypte, le 19 février 2018[5]. Un deal historique car pour la première fois, Israël va fournir du gaz naturel à l’Egypte. Ironiquement, le gazoduc existant (Arab Gas Pipeline, commissionné en 2003) qui devrait être utilisé, passant par le Sinaï, servait précédemment dans le sens inverse. Le consortium mené par la compagnie israélienne Delek et l’Américain Noble va livrer 64 milliards de m3 en 10 ans à la compagnie égyptienne Dolphinus. Les deux pays ne sont amis que par intérêts politiques et économiques, et les tensions sont toujours vives. Tel Aviv, par cette manne inespérée qu’est le gaz naturel, renforce ses alliances économiques et se place en acteur géopolitique incontournable. Mais de nombreuses tensions émergent de ce nouveau paradigme, notamment par ses voisins aux velléités hégémoniques similaires.

La Turquie est la clef de voute des nouvelles balances diplomatiques en méditerranée orientale. L’arrivée au pouvoir de Recep Erdogan a accru les tensions avec Israël, rendant impossible le projet de gazoduc en provenance d’Israël. Cette situation se cristallise autour du cas de l’île de Chypre. En 2011, cette dernière découvre le gisement Aphrodite, qui lui octroi l’autosuffisance ainsi qu’une exportation du surplus[6]. Chypre profite des tensions entre Ankara (qui occupe la partie nord de l’île) et Tel Aviv pour se rapprocher de l’état hébreu. L’Europe, qui cherche à diminuer sa dépendance gazière à la Russie, voit dans cette île qui a rejoint l’Union Européenne en 2004 un moyen de diversifier ces sources d’approvisionnements ; illustré par le projet EastMed en 2015, gazoduc entre Israël et l’Europe passant par Chypre et la Grèce. Mais une question cruciale émerge alors, le contentieux de délimitation des frontières entre les différents pays. Si Israël et Chypre se sont accordés dès 2010, ce n’est pas le cas pour le Liban et la Turquie. Les autorités libanaises ont fait appel à un arbitrage international mené par l’ONU et les USA[7]. De plus, les confrontations à Chypre entre hellénistes et turcs empêchent toute progression du dossier, par le manque de moyens juridiques de déterminer les ZEE de chaque partie pendant un conflit en cours. La Turquie prend un virage à l’arrivée d’Erdogan au pouvoir, s’éloignant de l’Europe et se rapprochant de Moscou. Un projet de gazoduc est annoncé par les deux pays : Le Turkish Stream. Il reprend le tracé du South Stream (projet contraignant l’UE à subir le monopole gazier de Gazprom, mis en échec), et consolide la stratégie turque de devenir un hub gazier, initiée par le TANAP, qui remplace le projet Nabucco abandonné en 2013. Les ambitions russes en méditerranée sont flagrantes, et les Etats Unis tentent de limiter leur impact en se rapprochant du régime égyptien d’Al-Sissi. L’objectif américain est de créer un axe Le Caire-Tel-Aviv pour contrer l’axe Téhéran-Ankara-Moscou au Moyen Orient. Le gisement Zohr découvert en Egypte en 2015 place Le Caire en acteur important concurrençant les ambitions turques.

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