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Questions modernes sur l'hospitalité chrétienne

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Par   •  26 Avril 2022  •  Dissertation  •  7 944 Mots (32 Pages)  •  344 Vues

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Travail de recherche

Travail présenté par Christophe Poittevin (111 282 603)

Au professeur Martin Bellerose

THL-6098 A 20 Foi et migration (défis ecclésiologiques)

Faculté de théologie évangélique (ETEQ), de Montréal, Université de Laval

Montréal, le 27 avril 2020

Il n’est pas besoin de rappeler une évidence. Notre monde est en mouvement, traversé par de grandes crises, politiques, écologiques, alimentaires. Et pour un grand nombre de personnes qui en sont victimes, migrer est l’unique horizon. C’est « simplement » une question de survie. Ce phénomène vient nous heurter, nous interpeler, mais aussi nous déranger. Bien qu’éternel, ce geste, accueillir, n’est pas naturel. À travers un bref regard sur son développement historique au sein de la Chrétienté, nous en viendrons à nous poser des questions sur nous-mêmes, en tant qu’homo-économicus, sur notre façon de voir, d’agir, de penser dans cette société que certains sociologues appellent le Mc World[1]. Ce regard comprendra cinq époques : l’Eglise primitive, l’époque patristique, le moyen-âge et la période de la réforme pour finalement déboucher à aujourd’hui. Ce sera le moment de faire une analyse plus approfondie de notre rapport au monde, engendré par ce tout économique. Qu’y sommes-nous vraiment à l’intérieur de ce mode d’être ? Quel type de société fabriquons-nous et quels types d’interaction y produisons-nous, en nous posant notamment la question de savoir si, dans l’Eglise du 21e siècle, dans la pratique de notre foi, nous en faisons une réelle expérience, ou alors si nous perdons quelque chose dans notre humanité. ? Après cette interrogation, nous nous demanderons quelles peuvent être les freins, les blocages à une pratique juste de l’hospitalité. Nous regarderons notamment la question de l’individualisme et du rapport à la communauté avant de donner des pistes de réflexion pouvant déboucher sur un avenir plus prometteur. Dans l’ensemble du texte, de façon transversale apparaitra ce qui peut être la pensée principale du travail : comment foi et hospitalité sont des caractéristiques de ce que Jésus-Christ signifie par « ne pas être de ce monde [2]», induisant, par voie de conséquence une forme de résistance naturelle à son environnement.    

L’hospitalité comme pratique universelle :

Cette pratique, de façon historique, nous conduit vers les temps immémoriaux. Elle fait partie de notre patrimoine spirituel, social, religieux, économique. Elle s’est toujours pratiquée. Il y avait cette idée qu’il fallait protéger les plus pauvres, les plus vulnérables. L’hospitalité était aussi une façon d’enrichir les liens sociaux, en soutenant « le réseau normal de relations sur lequel une communauté dépendait, enrichissant les liens moraux et sociaux entre la famille,

les amis et les voisins[3]. ». Nous le verrons plus loin dans le texte, mais nous pouvons postuler que l’hospitalité est un patrimoine commun à tous les hommes, à toutes les sociétés.

La pratique dans la chrétienté primitive :

Les écrits néo-testamentaires sont éloquents. Se référant à une pratique ancestrale (Abraham, Rahab, textes de lois), les églises naissantes dans le bassin méditerranéen, dans la ligne de cet héritage, n’ont pas hésité à accueillir en leur sein toutes sortes de populations. Il est même légitime de se demander si, dans cet accueil inconditionnel, il n’y a pas eu un phénomène subversif, sans être forcément voulu. En effet, dans l’Eglise primitive, toute personne, quel que soit sa condition (barbares, esclaves, femmes, enfants, juifs, non-juifs) bénéficiait du même statut : « Il n’y a plus ni Juif ni non-Juif, il n’y a plus ni esclave ni libre, il n’y a plus ni homme ni femme, car vous êtes tous un en Jésus-Christ[4]. ».

La caractéristique de cette hospitalité, c’est qu’elle était un mélange de tradition juive mêlée d’interrogations philosophiques et de pratiques hellénistiques. Pour le volet juif, la référence est à voir avec la notion d’alliance. Elle est une pratique qui se définit comme appartenant à un engagement demandé par Dieu, qui nécessite donc de la part du peuple une forme d’obéissance. Devait-on y voir nécessairement une forme de théologie de la rétribution ? Cela est bien sûr possible, car nous connaissons tous ce désir de s’autoglorifier. Mais ce qui a principalement motivé l’Eglise primitive a été les situations dramatiques que vivaient ces croyants. L’apôtre Jacques, dans sa lettre exhorte ses frères à faire bon accueil au pauvre, à ceux qui étaient discriminés, et ce, sans favoritisme, ni parti pris, ni partialité[5]. Pour la partie hellénistique, il y avait un questionnement sur la relation entre bénéfice et réciprocité (nous reviendrons sur cette notion), mais la pratique hellénistique insistait sur « la différence des pratiques […] qui l’associent au profit et à la réciprocité, [alors que] les engagements chrétiens ont poussé l’hospitalité vers l’extérieur vers les plus faibles, ceux qui étaient le moins susceptibles de pouvoir lui rendre la pareille[6]. ». Deux tendances, issus d’un échange culturel émergent dans au début de l’ère chrétienne.

Au 4e siècle, on arrive à une forme d’accord claire sur ce qu’elle représente : ainsi, Lactance, tuteur du fils de l’empereur Constantin déclare qu’elle ne doit pas être offerte à tous : « la maison d’un homme juste ne doit pas être ouverte à l’illustre, mais aux humbles et aux abjects. Car ces hommes illustres et puissants ne peuvent manquer de rien.[7] ». Nous voyons donc déjà, sous la plume d’hommes d’influence, une pensée chrétienne qui dépasse la pratique courante pour imprégner et orienter vers une praxis empreinte de grâce et de miséricorde divine. Mais, doit-on voir, dans l’exemple de Lactance, une innovation, ou simplement une adaptation de ce que l’Eglise primitive a exercé ?

Dans son article « Évangile et modèle de sociabilité [8]», Gilles Routhier pose la question de savoir si l’Evangile, comme parole normative fournit un modèle de société. Un premier élément de réponse donné est non : « Quelles qu'elles soient, toutes les tentatives qui ont voulu justifier une organisation sociale à partir de l'Évangile ont finalement en commun de tirer à elles l'Évangile en mettant en œuvre des concordismes toujours défectueux.[9] ». Bien plus, l’Evangile déstructure les sociétés. Si on considère que l’hospitalité est une pratique majeure véhiculé par l’Ecriture Sainte, alors oui, le risque de voir l’hospitalité comme pratique déstructurante est réel, possible. Mais pour ce qui est de l’église des premiers siècles, elle est en continuation avec le message et la vie qui ont été transmis des siècles précédents.

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