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Éthique De Conviction Et éthique De Responsabilité

Mémoire : Éthique De Conviction Et éthique De Responsabilité. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  26 Avril 2014  •  1 951 Mots (8 Pages)  •  2 022 Vues

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Lorsque l’on parle éthique aujourd’hui, c’est peut-être d’abord pour ne pas avoir l’air de parler de morale. C’est entendu, la morale fait penser à une liste rigide d’interdits tombés du ciel ou de la bouche de l’un des hussards noirs de la IIIe République. Ca sent la craie et la poussière, de telle sorte que la morale paraît être à l’éthique ce qu’est l’eau plate, fut-elle bénite à un Chambolle Musigny.

L’Ethique, ça fait moderne. On va à un séminaire d’éthique sans se sentir obligé de mettre une fausse barbe.

Il est devenu courant de distinguer « éthique de conviction » et « éthique de responsabilité ». Ainsi le rapport Mattei : « L'homme politique fidèle à ses responsabilités sacrifiera s'il le faut, ses convictions à la nécessité d'une action qui n'est jamais que relative »1

Mais pourquoi « de responsabilité » ?

Chacun sait peut-être que l’on doit cette opposition à Max Weber.

« "Il est indispensable que nous nous rendions clairement compte du fait suivant: toute activité orientée selon l'éthique peut être subordonnée à deux maximes totalement différentes et irréductiblement opposées. Elle peut s'orienter selon l'éthique de la responsabilité ou selon l'éthique de la conviction. Cela ne veut pas dire que l'éthique de conviction est identique à l'absence de responsabilité et l'éthique de responsabilité à l'absence de conviction. Il n'en est évidemment pas question. Toutefois il y a une opposition abyssale entre l'attitude de celui qui agit selon les maximes de l'éthique de conviction - dans un langage religieux nous dirions : « Le chrétien fait son devoir et en ce qui concerne le résultat de l'action il s'en remet à Dieu» - et l'attitude de celui qui agit selon l'éthique de responsabilité qui dit: « Nous devons répondre des conséquences prévisibles de nos actes. » (…) le partisan de l'éthique de responsabilité comptera justement avec les défaillances communes de l'homme (car, comme le disait fort justement Fichte, on n'a pas le droit de présupposer la bonté et la perfection de l'homme) et il estimera ne pas pouvoir se décharger sur les autres des conséquences de sa propre action pour autant qu'il aura pu les prévoir. »2

Dans son Dictionnaire d’éthique, Weber en tire les conséquences : » « la distinction entre l’éthique de conviction et l’éthique de la responsabilité débouche sur un choix raisonné (et non pasarbitraire) en faveur d’une morale conséquentialiste ».

Comment comprendre cette opposition ? L’Ethique de conviction telle que Weber la rejette est celle de Kant : il s’agit de faire son devoir, quelles qu’en soient les conséquences. Ce devoir est dicté par la raison qui se reconnaît elle-même dans une maxime lorsqu’on élève celle-ci à l’universel : Puis-je mentir à un homme, fut-il fou, qui en cherche un autre caché chez moi ? Non, car dire la vérité est le devoir de tout être rationnel qui agit selon ce qu’il est, donc selon la raison.

Cette éthique de conviction, kantienne, que Weber a sous les yeux, est évidemment insoutenable. Qui ne mentirait pas à un criminel pour sauver un innocent ? Qui ne volerait pas du pain pour nourrir ses enfants ?

L’éthique de conviction apparaît comme une belle construction rationnelle, dont on voit bientôt qu’elle n’est pas raisonnable. Et c’est pourquoi Weber lui oppose, non pas radicalement mais comme son correctif, une éthique de la responsabilité : avoir une attitude éthique, c’est répondre des conséquences probables de mes actes.

L’option pour une telle éthique procède d’un constat assez simple : nos actes ne peuvent pas avoir des conséquences exclusivement bonnes.

« Il n’existe aucune éthique au monde, continue Weber, qui puisse négliger ceci : pour atteindre des fins « bonnes », nous sommes la plupart du temps obligés de compter avec, d’une part des moyens moralement malhonnêtes ou pour le moins dangereux, et d’autre part la possibilité ou encore l’éventualité de conséquences fâcheuses. Aucune éthique au monde ne peut nous dire non plus à quel moment et dans quelle mesure une fin moralement bonne justifie les moyens et les conséquences moralement dangereuses. »

L’éthique de conviction a cet inconvénient qu’elle nous montre la vie morale comme la nécessité de respecter des obligations. Il y a devant nous des devoirs, dictés par la raison, mais aussi par la religion, par l’Etat, par les différents groupes auxquels nous appartenons. Et ces devoirs entrent en conflit. La morale, pour une éthique de conviction comme pour une éthique de la responsabilité, c’est une question de devoir : devoir de respecter des normes idéales, ou devoir d’assumer les conséquences prévisibles de ses actes.

Du point de vue de l’éthique de conviction, l’éthique de responsabilité est une sorte de trahison. Mais du point de vue de Weber, c’est simplement du réalisme, un refus de s’en tenir à un idéalisme moral qui, finalement, évacue le réel au nom de l’idée, ce qui est le propre de toute idéologie.

Une limite de l’éthique de responsabilité telle qu’elle est définie par Weber, et qui fait aussi sa force dans les esprits, c’est de tenir sa légitimité du refus d’une éthique qui n’est peut-être pas acceptable. La question qu’il faut nous poser, c’est donc de savoir si cette opposition est légitime. Est-on nécessairement irresponsable si l’on agit par conviction, ou ce qui est semblable : faut-il s’asseoir sur ses convictions pour agir de façon responsable ?

Par exemple : dois-je refuser l’avortement à une femme quitte à la pousser au suicide, ou bien dois-je mettre de côté le respect que j’ai pour la vie pour essayer de « limiter la casse » et, finalement, sauver au moins la vie de la femme. Posée ainsi, l’alternative est impossible et donc se présentera comme un conflit de devoirs, renvoyant chacun à sa conscience personnelle.

Faire son devoir, telle semble être l’attitude de celui que guide sa conviction, mais il s’agit également de répondre des conséquences de ses actes. C’est une impasse, bien sûr : Card’un côté celui qui exprime des convictions fortes est immédiatement décrédibilisé, taxé d’extrémiste ou

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