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Le mécanisme de la dépendance vis-à-vis des jeux vidéo

Discours : Le mécanisme de la dépendance vis-à-vis des jeux vidéo. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  15 Mars 2015  •  Discours  •  1 863 Mots (8 Pages)  •  717 Vues

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Environ cinq cent mille personnes en France - essentiellement des jeunes de 14 à 17 ans - sont " accros " aux jeux vidéo. Ils représentent 90 % de la clientèle du psychologue-psychanalyste Michael Stora. Ce spécialiste refuse de classer comme dangereuse l'addiction aux jeux vidéo, qui peut être source de bien-être et antidépresseur. Plutôt que de dénoncer, il décrypte le mécanisme d'addiction, sa signification pour l'image de soi, ses conséquences et les moyens d'aider les adolescents à en sortir. C'est-à-dire

les dissuader d'avoir une consommation excessive.

personnel que professionnel, je côtoie l'image. Avant d'être psychologue, j'ai eu une formation de cinéaste. Je suis un amoureux des images. Et, comme dans toute relation amoureuse, ce qui est intéressant pour se dépassionner, c'est d'avoir des formes d'exigence pour mieux saisir ce qui se passe dans ces images. J'ai été un enfant " biberonné " aux images télé et qui, au cours du temps avec l'arrivée de l'âge adulte, a cherché, un petit peu, à s'en décoller.

S. H. : Cela veut-il dire que vous avez, à un moment, ressenti une certaine dépendance ?

Oui. Je fais partie des gens qui ont ce que nous appelons dans notre jargon une " structure addictive ". Neuf ans d'analyse m'ont permis non pas de changer de structure mais plutôt d'accepter ce que je suis, avec l'idée d'aménagement. Dans les addictions, la question principale est la problématique du déplacement, donc de la place que l'addiction peut prendre. Et puis il peut y avoir des addictions meilleures que d'autres. Celles qui sont liées au travail, par exemple. Nous savons que les personnes addictives sont des personnes, très souvent, passionnées. Pour en revenir à ma relation forte avec l'image, on peut observer par ailleurs que la passion amoureuse s'oppose à la passion créatrice. La passion amoureuse peut être une forme de drogue dure. Quant à la passion créatrice, elle permet de mettre en marche des choses, d'accepter la frustration, de ne pas être dans le " tout ", tout de suite, comme l'écriture d'un livre…

S. H. : Au sujet de l'addiction aux jeux et à l'image, la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (Mildt) parle " d'addiction sans drogue ". Reprenez-vous, à votre compte, cette expression ?

Complètement. Je dirais que tout objet de plaisir peut devenir une addiction. Il y a des nouveaux objets technologiques qui apparaissent dans notre société et qui provoquent chez certaines personnes des phénomènes de dépendance. Ceux-là feront tout pour posséder le dernier de ces objets, par exemple. L'image, en elle-même, peut être un objet d'addiction.

S. H. : Parlons des jeux dits pathologiques. Existe-t-il des différences dans la manière dont un joueur aborde ces jeux ?

Tout d'abord, il faut préciser que tous les jeux ne sont pas addictogènes. Il faut bien avoir cela à l'esprit quand on aborde cette question. Dans le domaine de la dépendance au jeu, il existe une classification du joueur en trois phases : l'occasionnel, l'excessif, et le dépendant. Pour prendre l'exemple du jeu vidéo, que certains appellent " le nouvel objet du plaisir ", les joueurs eux-mêmes se désignent selon leur propre vocabulaire. L'occasionnel est appelé " casual gamer ". Comme son nom l'indique, il pratique le jeu d'une manière légère. L'excessif - le " hard core gamer " - joue sur des périodes d'une semaine ou d'un mois, ou plus. C'est un passionné. Il peut participer à des forums de discussions. Il s'intéresse à la presse et, il faut le signaler, ce profil de joueur travaille souvent dans le domaine du jeu vidéo. Comme le cinéphile qui devient cinéaste. Enfin, le dépendant : lui s'appelle " no life ", une appellation sans aucune ambiguïté.

S. H. : Comment reconnaît-on ce joueur " no life " ?

Très clairement : la totale dépendance à la vidéo entraîne une rupture progressive du lien social, familial, scolaire, amoureux. Nous disons que le jeu, à ce moment, est plutôt du côté du " game ", c'est-à-dire de l'enjeu, que de celui du " play ", c'est-à-dire du plaisir de jouer. Il y a une sorte de cercle qui se répète. Et, progressivement, le plaisir de jouer s'estompe. Ce joueur dépendant connaît une montée en puissance de la notion du temps qu'il donne au jeu. Cinquante, soixante heures par semaine, parfois plus. Il néglige le monde réel pour n'exister que dans son monde virtuel. Il existe des cas dramatiques. J'ai, à titre professionnel, fait hospitaliser deux jeunes dont un - un vrai " no life " - qui avait perdu dix-sept kilos en développant un eczéma assez grave. Plus son avatar (personnage créé par le joueur, son " double " dans le monde virtuel Ndlr) prenait de la distance, plus ce jeune disparaissait.

Cela étant dit, la question de l'addiction demeure compliquée. Car l'objet de l'addiction est aussi un antidépresseur. Au fond, certaines des personnes n'ayant pas les ressources intérieures pour baisser le niveau de déprime ou d'angoisse vont trouver un objet extérieur avec une illusion de maîtrise qui va faire que cet objet-là va remplir cette fonction.

S. H. : Est-ce valable pour toutes les addictions ?

Oui. Paradoxalement, l'addiction est aussi une manière de se soigner. C'est ce que nous rencontrons chez les grands psychotiques. Le délire est une forme de soin. Ce n'est pas forcément évident à comprendre mais nous sommes bien dans l'idée de l'antidépresseur. Ce qui m'intéresse, ce qui m'intrigue, c'est que le jeu vidéo serait comme une sorte d'antidépresseur mais interactif. Je travaille sur cette question : pourquoi cette action du jeu vidéo

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