Le pervers narcissique

1) Description de la perversion narcissique

La perversion narcissique désigne une configuration psychique et relationnelle pathologique, dans laquelle un sujet instrumentalise autrui afin de maintenir un équilibre narcissique interne profondément instable. Ce mode de fonctionnement repose sur une dépendance affective inversée, dans laquelle l’autre n’est pas reconnu comme sujet, mais utilisé comme objet de régulation narcissique. Cette dynamique conduit fréquemment à des comportements de manipulation, voire à des formes de violence psychologique persistantes.

L’une des caractéristiques majeures de cette structure est la clivage du moi, se traduisant par une dissociation entre deux facettes de la personnalité : d’une part, une image sociale construite, séduisante, conforme aux attentes normatives, et d’autre part, une composante dissimulée, marquée par le mépris, l’indifférence, voire l’agressivité envers autrui. Ce clivage permet au sujet de maintenir une image idéalisée de lui-même tout en se livrant à des comportements objectivement destructeurs. Il en résulte un écart significatif entre l'identité sociale affichée et les agissements réels du sujet.

Selon Alberto Eiguer (2004), la perversion narcissique implique un mode opératoire fondé sur la domination psychologique, par lequel le sujet cherche à "coloniser" l’espace psychique de l’autre, comme s’il agissait dans un territoire qui ne lui appartenait pas. Dans cette perspective, l’autre devient un réceptacle projectif destiné à accueillir les conflits internes du sujet.

À l’origine de cette dynamique, on identifie généralement une estime de soi défaillante, souvent associée à une histoire personnelle marquée par des carences affectives ou des expériences d’humiliation. Pour pallier ce déficit, le sujet développe un faux self empreint d’arrogance, de toute-puissance et de déni des failles personnelles. Le besoin de reconnaissance externe devient alors central, structurant une quête incessante de validation à travers l’emprise exercée sur autrui.

Dans cette logique, la transgression des normes – qu’elles soient sociales, morales ou juridiques – constitue un mécanisme permettant au sujet de renforcer son sentiment de supériorité. En se positionnant comme "au-dessus" des règles communes, il affirme une omnipotence narcissique et évite toute forme de remise en question ou de responsabilité.

Ainsi, la perversion narcissique peut être appréhendée comme une organisation défensive complexe, articulée autour de la dépendance à autrui, du refus du réel, de la fragmentation du moi, et d’un besoin structurel de contrôle et de domination.

2) Modalités de réponse face à un sujet à fonctionnement pervers narcissique

Dans le champ clinique et psychosocial, l’usage du terme "complice" – bien qu’ambigu – est parfois préféré à celui de "victime" pour désigner la personne impliquée dans une relation avec un sujet pervers narcissique. Ce choix lexical ne vise en aucun cas à culpabiliser la personne concernée, mais à souligner la possibilité d’une réappropriation subjective, en opposition à une posture de passivité totale. Une telle approche permet

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