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Le gouvernement du monde: Une critique politique de la globalisation

Fiche de lecture : Le gouvernement du monde: Une critique politique de la globalisation. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  31 Décembre 2021  •  Fiche de lecture  •  2 742 Mots (11 Pages)  •  421 Vues

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                                            J-F Bayart, Le gouvernement du monde

« La globalisation ne sera la fin de rien du tout : ni de l’Histoire, ni de la philosophie de l’Histoire, ni des territoires, ni de l’Etat, ni du passé, ni de l’avenir, ni de la pauvreté, ni de la souveraineté, ni du boeuf bourguignon. Nous en serons probablement transformés, mais pas plus damnés que rachetés. »

Cette formulation, exprimée au premier chapitre de l’ouvrage Le gouvernement du monde: une critique politique de la globalisation (2004) traduit bien le caractère multidimensionnel que J-F. Bayart entend donner à la globalisation.

La globalisation peut se définir comme l’ensemble des dynamiques comprenant l’intégration des marchés de capitaux, l’essor du commerce international, des transports et des moyens de communication, la mobilité des personnes et du travail, mais également l’émergence des « macro-risques » (U. Beck) à l’échelle planétaire, à l’image des dangers de nature écologique, sanitaire, nucléaire, et des menaces sur la paix. Il reprend l’expression consacrée par David Harvey, qualifiant la globalisation de « compression du temps et de l’espace ».

En utilisant le prisme de la socio histoire, J-F Bayart cherche à mettre en lumière, loin des analyses quasi apocalyptiques des global Studies et des publicistes, que la globalisation résulte de processus politiques, sociaux, économiques et culturels qui ont entrainé la formation d’une gouvernementalité globale, agissant sur et entre les Etats, les institutions multilatérales,  les acteurs privés (entreprises et associations issues de la société civile) mais également sur les individus eux-mêmes. Phénomène social ni nouveau ni moderne, la globalisation est à saisir dans son historicité, et dans ses ruptures : alors que l’extension de la globalisation dès le XIXème siècle  a été constamment alimentée par l’action publique des Etats (démontrant que ces derniers ont « encore la main » et que la mondialisation ne date pas d’aujourd’hui), la globalisation n’est pas pour autant un mouvement linéaire, en atteste l’intégration partielle du monde (exclus de la globalisation ou du système international des Etats, régions imperméables à l’ouverture des marchés et des sociétés). Sur le plan culturel, la globalisation n’est pas synonyme d’une uniformisation ou occidentalisation du monde : J-F Bayart préfère parler d’une interaction mutuelle généralisée, pour désigner les porosités entre les sociétés, les aires civilisationnelles et les cultures, qui se réapproprient les phénomènes globaux selon leurs spécificités propres. Sur le plan individuel, la globalisation est aussi vécue comme un processus partagé de « conscientisation » du phénomène, marqueur essentiel de la globalisation contemporaine. Pour illustrer cette tendance, l’auteur utilise le concept foucaldien de subjectivation pour tenter d’identifier la manière dont les individus agissent et interagissent face à la globalisation et dans la globalisation, les différents usages du corps, ainsi que les pouvoirs (ou micro-physique des pouvoirs, selon le registre foucaldien) qui s’exercent sur lui. J-F Bayart utilise de le concept de glocalisation pour désigner l’articulation de la gouvernementalité du global au local.

Deux sortes de problématisations sont formulées ou reviennent constamment tout au long de l’ouvrage : premièrement, la discussion classique, déjà amorcée dans La Greffe de l’Etat (1996) entre construction (state bulding) et formation du politique (state making). En effet les Etats et les formes de gouvernement supra-étatiques, ne gouvernent pas en tout point les sociétés. Deuxièmement, le champs social global est rythmé par des processus de représentations qui s’acclimatent de la tendance à l’universel en faisant ressurgir les spécificités des sociétés, mais aussi des individus. Une dernière question, plus générale, est posée en fil conducteur au cours de la lecture, qui impose de définir le concept de gouvernementalité mentionné plus haut. On entend par gouvernementalité les rapports de pouvoir qui s’exercent sur les acteurs de la globalisation, et comment ceux-ci y réagissent. La globalisation fait-elle l’objet d’une appropriation ou réappropriation de ses dynamiques, ou entraîne t-elle une dépossession des cultures, des cadres d’appartenances collectives, et même des corps ?

Dans un premier temps, il convient de jeter un regard sur les pratiques de la globalisation dans le champs politique et social (I). Le second point est centré sur l’analyse de la subjectivation de l’individu avec la globalisation (II). In fine, nous essaierons d’établir la portée et une critique de l’ouvrage (III).

  1. Les pratiques de la globalisation dans le champs politique et social

La globalisation structure les rapports entre Etats autant que l’Etat lui-même, tantôt analysé dans sa déliquescence que dans sa reconfiguration face aux nouveaux enjeux posés. La formation d’un champs transnational du social n’a pas empêché la résurgence de spécificités locales, notamment au sein du contact tant historique que contemporain des sociétés occidentales et des sociétés du Sud, ex colonisées.

J-F Bayart relève trois idées généralement présentes qui signeraient le dépérissement de l’Etat. L’extension du marché mondial, la nouvelle régionalisation du système international, ainsi que les « guerres de troisième type » (ou guerres larvées) se substituant aux conflits interétatiques postwestpaliens, ou aux guerres totales du XXème siècle. L’auteur s’emploie à défaire ces idées préconçues en soulevant un paradoxe : l’annonce de la mort de l’Etat-nation se fait au moment de son apparent triomphe. En effet, alors que la Société des Nations ne comptait que 29 adhérents pendant l’entre deux guerres, on compte désormais 200 Etats dans le monde. Surtout, l’Etat résiste au phénomène de globalisation, à l’image de son renforcement dans ses prérogatives régaliennes, avec le tournant sécuritaire des Etats occidentaux depuis 2001. Les conflits relèvent toujours de la centralité des Etats. Surtout, les guerres à l’ère de la globalisation participent toujours à la formation de l’Etat (essor des armées, des alliances stratégiques régionales, renforcement des sentiments nationaux), et illustrent toujours dans un sens la conception westphalienne de l’Etat, notamment en Afrique. Le développement des autorités de régulation qui s’imposent aux Etats sont issues des Etats eux-mêmes, et ont toujours besoin de leur consentement pour être valides. Ainsi la délégation de certaines des ressources ou des prérogatives de l’Etat ne signifie pas aliénation de sa souveraineté. Citant en exemple les travaux de Béatrice Hibou qui s’intéresse à la reconfiguration du politique en Afrique, J-F Bayart rappelle que la globalisation crée des interdépendances entre formation de l’Etat et système international, une porosité entre public et privé. C’est ainsi le cas pour certains pays d’Afrique, qui ont su contourné les exigences néolibérales de décloisonnement économique et social de leurs Etats (plans d’ajustement structurels, bonne gouvernance) pour renforcer des logiques de pouvoir personnifiées et néopatrimoniales (B. Hibou). Par ailleurs, la globalisation de la criminalité induite par le développement du commerce international (renforcement des pratiques illicites de contrebande) est une résultante de l’Etat-nation et de la délimitation de ses frontières : Bayart parle de la formation « d’espaces mouvements » qui favorisent à consolider le cadre territorial, en impliquant davantage de présence administratives, policière, douanière, agissant comme une étatisation des zones les plus reculées. Les activités de contrebandes déterritorialisées participent en ce sens à délimiter le champs d’action de l’Etat. Aussi, les Etats ont su investir la société civile internationale, en prenant appui sur les ONG en tant qu’instruments d’intervention politique et de mobilisation de ressources internationales. L’auteur évoque à ce titre les « GONGOS » (governmental oriented non governmental organizations), utilisées par les pouvoirs publics pour contourner habilement la société civile (« Les marges de manoeuvre d’un bon élève économique : la Tunisie de Ben Ali, par B. Hibou).

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