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I Le mot « démocratie »

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Par   •  20 Janvier 2016  •  Cours  •  1 499 Mots (6 Pages)  •  522 Vues

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I Le mot « démocratie »

« Démocratie » est un mot grec : le mot et la chose sont nés en Grèce, à Athènes qui, depuis la fin du VIème siècle avant J.-C. (depuis – 510, date de la fin de la tyrannie des Pisistratides ou – 508, date du début des réformes démocratiques de Clisthène), vécut toujours, ou presque, sous ce régime. Insister sur les discussions concernant la légitimité de ce nouveau mode politique pourrait donner l’impression que sa contestation, tout particulièrement mais pas uniquement dans le champ de la philosophie (voir Aristophane et ses comédies), soit le disours dominant alors qu’il y eut aussi, note J. de Romilly, de nombreux soutiens et d’emphatiques éloges (concernant les nouveaux droits accordés aux citoyens, la capacité de la démocratie à rendre effectives la liberté et l’égalité, entre libres citoyens bien sûr).

Étymologiquement, le mot « démocratie » renvoie au pouvoir ou à la domination (crateîn)1 du peuple (démos). Mais aussi bien en grec qu’en français actuel, l’ambiguïté vient précisément du mot « peuple », démos, qui renvoie certes premièrement à l’ensemble des citoyens (15 pour cent des Athéniens) mais désigne également une classe sociale, celle des pauvres par opposition aux riches et aux aristocrates, signifiant alors le bas peuple, la classe des nombreux, des polloï par opposition aux oligoï, la classe du petit nombre. Dans ce dernier cas, la démocratie peut signifier une domination d’une partie de la population sur une autre, d’un parti – le parti populaire – sur un autre parti, de la majorité sur la minorité, et donc une forme subtile de tyrannie ou de dictature : la tyrannie des masses ou de la majorité, la dictature des pauvres. Aristote a bien perçu, dans la Politique (1291 b), le glissement menant de la démocratie à la tyrannie de la majorité : une démocratie qui se réclame de l’égalité implique en effet que tous les citoyens (= le démos) participent de façon semblable au gouvernement ; or, comme le peuple (au sens de parti populaire) est plus nombreux et que sont exécutoires les avis des plus nombreux, ce régime est nécessairement une démocratie au sens d’un régime où le parti populaire (du bas peuple) l’emporte. Les aristocrates, tout en ayant les mêmes droits que les autres, étaient donc de fait, par leur moindre nombre, tenus à l’écart en un tel régime. Et ils ne le savaient que trop bien. Ce glissement de la démocratie comme pouvoir des citoyens vers la démocratie entendue comme pouvoir des nombreux, domination du parti populaire, semblait même tellement inévitable aux Anciens que le mot « démocratie », chez eux, désigne finalement et le plus souvent ce pouvoir de la majorité et presque inévitablement une forme de domination des nombreux sur les moins nombreux. Nous modernes estimons à l’inverse qu’avec la démocratie la majorité est variable, peut changer de camp, le spectacle de la démocratie, contrairement à ce que donnent à voir les régimes autoritaires, étant pour nous celui de l’alternance, accompagné d’une confiance, parfois étonnante, en cette alternance même (comme si ce n’était pas un éternel retour – mais du nouveau ! – que l’alternance était à même de faire émerger). Nos représentations, si bien ancrées en nous, font alors écran à une juste compréhension de la réalité de la démocratie grecque comme continuelle domination des polloï.

Notons maintenant que le mot « peuple » peut encore désigner en français, en un troisième sens, la nation, avec l’idée de naissance – nascere – sur un territoire, d’une identité qui se construit à travers l’histoire, laquelle façonne les mœurs, une sensibilité commune, et qui se différencie de toute autre identité communautaire ou nationale (de natio) ; mais cette troisième acception en français du mot ne concerne pas le mot grec dèmos et renvoie plutôt au grec ethnos. Ce que l’on entend de nos jours par « populisme » renvoie au reste souvent à cette troisième acception, les partis populistes et nationalistes prétendant certes parler au nom du peuple comme ensemble des « petits » – les nombreux opprimés par les riches dont l’argent est transnational – mais aussi au nom du peuple comme entité mystique qui s’incarne en chacun de ses membres authentiques et en premier lieu, il va de soi, en son chef militaire, l’armée représentant le peuple en ce dernier sens et représentant aussi bien, comme il est alors dit, « le pays réel » opposé au « pays légal ». Le populisme peut alors revendiquer parfois, pourquoi pas !, le terme de démocratie et même la démocratie réelle pour lui : non pas la démocratie des citoyens, de la discussion, du parlementarisme, de

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