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Cass. civ. 2ème, 11 mars 2021, n° 19-17384

Commentaire d'arrêt : Cass. civ. 2ème, 11 mars 2021, n° 19-17384. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  14 Février 2023  •  Commentaire d'arrêt  •  2 091 Mots (9 Pages)  •  266 Vues

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Esteban Schabanel / Gr. 9
Droit Civil / Commentaire Arrêt

Commentaire Arrêt 


Cass. civ. 2ème, 11 mars 2021, n° 19-17384

D’après notre ministre « la justice se fourvoie quand elle perd de vue ce pourquoi elle a été organisée : faire du droit, pas de la morale. ». De cette façon, Éric Dupont Moretti invite les jugent à se fier non pas à leur cœur mais à la loi. Ils s’y conforment dans un arrêt, rendu au sein de la 2ème Chambre civile de la Cour de cassation et publié au bulletin le 11 mars 2021.

Après deux ordonnances de non-lieu, la chambre de l’instruction de la Cour d’appel ordonne un supplément d’information au chef d’enlèvement et séquestration de plus de 7 jours à l’égard d’une personne mineure.

        La sœur de la victime, se prévalant des faits d’enlèvement et de séquestration subi par cette dernière, saisie une commission d'indemnisation des victimes d'infractions. Sur le fondement des articles 706-3 et suivants du code de procédure pénale, elle exige le versement d’une provision en réparation de son préjudice morale.
La Cour d’appel de Grenoble, dans son arrêt du 24 avril 2018 admet la réparation du préjudice morale subie par la sœur de la disparue. Cela enjoint, le Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions (FGTI) d’octroyer une somme de 12 000 euros à la sœur de la victime. Le Fonds de garantie décide alors de former un pourvoi devant la Cour de Cassation. Le demandeur invoque que les juges du fond ont violé l’article 706-3 du code de procédure pénale en estimant que la sœur de la victime a subi un préjudice moral. En effet, le FGTI estime que, dès lors que la victime a disparu quatre ans avant la naissance de sa sœur, cette dernière ne peut se prévaloir d’un préjudice morale lié à cette disparition, faute de lien de causalité.

        La Cour de cassation se trouve confrontée à la question suivante : la disparition non élucidée d’une personne cause-t-elle directement et certainement un préjudice à un de ses proche n’étant pas encore conçue au moment des faits ?

En statuant au fond, comme l’article L. 411-3 du Code de l’organisation les en habilitent, ; les juges de cassation répondent par la négative à cette question, et casse sans renvoi l’arrêt de la Cour d’appel. Sur le fondement de l’article 1240 du Code civil et de l’article 706-3 du Code de procédure pénale, les juges refusent d’admettre l’existence d’un lien de causalité entre la disparition de la victime et le préjudice morale alléguée par sa sœur qui n’était pas conçue au moment des faits.    

La question de la réparation du préjudice moral découlant de la perte d’un proche a fait l’objet d’un long feuilleton jurisprudentiel, plus particulièrement lorsque la victime par ricochet n’était pas encore née au moment des faits. Cet arrêt permet de rappeler les conditions de réparation d’un tel préjudice (I) mettant ainsi un frein à une jurisprudence assez clémente en la matière (II).


1/ L’absence de lien de causalité, obstacle de l’indemnisation

        Les préjudices moraux subis par les proches d’une victime défunte sont nombreux. Ainsi, il arrive régulièrement que les juges en consacrent de nouveaux venant se greffer au sein de la nomenclature dite « Dintilhac ». Cependant, afin d’être réparés, ces derniers ne peuvent déroger aux conditions classiques d’engagement de la responsabilité civile.

A / Un préjudice nouveau et avéré …

La fonction indemnitaire de la responsabilité civile vise à replacer la victime dans la situation qui aurait été la sienne si aucun dommage ne s’était produit. Cette idée est exposée clairement au sein de l’article 1240 du Code Civil disposant que « tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ». Elle apparait également au sein de l’article 706-3 du Code de procédure pénale précisant que toute personne « ayant subi un préjudice résultant de faits volontaires ou non qui présentent le caractère matériel d'une infraction » peut obtenir sous certaines conditions « la réparation intégrale des dommages qui résultent des atteintes à la personne ». A la lecture de ces dispositions, rien ne semble empêcher d’indemniser le préjudice moral résultant de la perte d’une proche victime d’une infraction. Ainsi, une personne devant vivre avec le traumatisme de la disparition de sa sœur semble tout à fait légitime de se considérer comme une victime par ricochet.

En l’espèce, une application stricte et littérale des articles précités a conduit les juges de la Cour d’appel à indemniser le préjudice moral subi par la sœur de la victime. Ils estiment que le fait de naître « au sein d'une famille marquée par la disparition inexpliquée d'une enfant de 10 ans » cause un préjudice. En effet, la sœur de la victime « a dû se construire avec le traumatisme de cette disparition, entretenu en permanence au sein du foyer familial ».

Malgré les réticences d’une partie de la doctrine, l’indemnisation du préjudice d’affection, au sens d’une souffrance morale causée par la perte d’un être chère, est désormais accepté. Plus récemment, le 14 décembre 2017, les juges ont admis la réparation du préjudice lié à « l’impossibilité de nouer des liens affectifs avec un membre de la famille ». Ce dernier est objectif et présumé dès lors qu’on ne peut démonter la probabilité de l’existence de liens affectifs qu’auraient pu nouer les proches. La victime est donc exemptée d’apporter la preuve qu’il a subi un tel préjudice.
Cependant, en l’espèce la situation est différente. Les juges créent donc un nouveau chef de préjudice moral lié au
« traumatisme de la disparition entretenue en permanence au sein du foyer familial ». Doit-on y voir un prolongement de « l’inflation et le morcellement du préjudice morale » comme l’avance Philippe Le Tourneau ? La Cour de cassation y fait obstacle en refusant l’indemnisation.

B/ … privé de lien de causalité

La réparation du préjudice est conditionnée à l’existence d’un fait générateur, d’un dommage et d’un lien de causalité. Si l’un de ses trois éléments vient à manquer, la victime ne pourra être indemnisée.

L’argument du demandeur au pourvoi se fonde sur l’absence de lien causal entre le préjudice et la disparition. En effet, le FGTI fait grief à l’arrêt de la Cour d’appel en soutenant qu’il « n’existe aucun lien de causalité entre la disparition de la victime et le préjudice prétendument souffert par sa sœur née plusieurs années après cette disparition ». En l’espèce, le lien de causal apparait comme indirect. En effet, le préjudice moral subi par la sœur de la victime est certes causé par la disparition, mais ne sera ressenti uniquement lors de la naissance. Autrement dit, le dommage ne causera un préjudice que plusieurs années après la survenance des faits. Cela laisse planer un doute sur le caractère direct du dommage.

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