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Cass 1ère Civ, 20 novembre 2019, n°16-15.867

Commentaire d'arrêt : Cass 1ère Civ, 20 novembre 2019, n°16-15.867. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  23 Novembre 2020  •  Commentaire d'arrêt  •  2 077 Mots (9 Pages)  •  1 249 Vues

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Aurélie Jourd’heuil

Cass 1ère Civ, 20 novembre 2019, n°16-15.867

Par un arrêt du 20 novembre 2019, la première chambre civile de la Cour de cassation a rendu un arrêt de principe relatif à la qualification des gains et salaires de l’époux dès lors que ces derniers sont économisés. Cette solution de principe proposée par la Cour de cassation évoque la notion d’économie qui n’est pas véritablement imposée par les textes de loi. On pourrait alors se demander comment cette notion pourrait-elle être comprise et appliquée. C’est ce que nous verrons dans notre arrêt.

En l’espèce, un époux entretenant une relation adultère avec une femme a consenti cette dernière des donations de sommes d’argent provenant de ses deux comptes personnels. Les époux étant mariés sous le régime de communauté universelle avec attribution de la communauté au survivant, l’épouse agit en nullité des donations après le décès de son époux. La demanderesse étant également décédée, son fils, désigné comme légataire universel dans la succession continu la poursuite.

Le tribunal de grande instance et la Cour d’appel prononce la nullité des donations. Ainsi un pourvoi est formé par la bénéficiaire des donations de sorte que la Cour de cassation est amenée à statuer sur la question suivante :

Un époux commun en bien peut-il librement disposer sans l’accord de l’autre de ses gains et salaires une fois ceux-ci économisés ?

Dans cet arrêt de principe, la Cour de cassation répond par l’affirmative en décidant que même si certains des fonds de l’époux provenaient de ses gains et salaires, ils étaient devenus des économies et à ce titre des biens de la communauté. Par conséquent, les donations consenties à un tiers sans l’accord de son époux doivent donc être annulées.

Ce qui est intéressant avec notre arrêt c’est que cette solution n’est pas totalement nouvelle puisqu’elle apparait implicitement, de façon à contrario dans un arrêt de la Cour de cassation le 29 février 1984. En effet, la Cour de cassation avait retenu, que la donation faite par un époux à sa relation adultère des gains et salaires n’apparaissant pas comme économisé était valable même en l’absence de consentement de l’épouse. La doctrine était alors partagée entre comprendre une décision possiblement à contrario ou rester prudente sur son interprétation. La solution à cette petite controverse n’avait jusqu’à présent jamais été réitérée jusqu’à notre arrêt de 2019.

De plus, cet arrêt semble d’autant plus intéressant dans la mesure où les articles 223 et 1422 du Code civil pourrait se voir appliquer tous les deux avec chacun des objectifs opposés. C’est donc également dans ce contexte qu’intervient notre arrêt.

Enfin, nous allons voir qu’après un vif débat, la Cour de cassation estime que les gains et salaires économisé sont des biens de la communauté (I). Par conséquent, en l’absence de cogestion des époux, les donations portant sur les gains et salaires économisés encourent la nullité (II).

  1. Un débat tranché : les gains et salaires économisés comme bien de la communauté

La Cour de cassation par la solution donnée par notre arrêt répond à une question qui a fait débat, celle de la contradiction entre deux articles du Code civil quant au fait de savoir si les gains et salaires sont oui ou non des biens communs (A). Elle estime alors que les gains et salaires une fois économisés sont des biens de la communauté (B).

  1. Les solutions contradictoires des articles 223 et 1422 du Code civil  

Selon le régime primaire et plus précisément selon l’article 223 du Code civil « Chaque époux peut librement exercer une profession, percevoir ses gains et salaires et en disposer après s'être acquitté des charges du mariage ». Cet article impose la liberté d’exercer une activité professionnelle et par la même occasion, la liberté de disposer des revenus de cette activité professionnelle que ce soit des actes à titre onéreux ou gratuit. Néanmoins, l’article 1422 de ce même code dispose que « Les époux ne peuvent, l'un sans l'autre, disposer entre vifs, à titre gratuit, des biens de la communauté ». Par cet article, les biens acquis pendant le mariage qu’ils soient mobiliers ou immobiliers sont qualifiés de biens communs si les époux sont mariés sous le régime de la communauté. C’est ainsi que sont qualifié les gains et salaires depuis un arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation du 8 février 1978. Comme tous les biens communs, ils sont donc soumis à la cogestion.

Ainsi, les articles 223 et 1422 du Code civil ont des buts différents. L’un prime l’indépendance des époux et l’autre défend le patrimoine commun. Afin de résoudre le conflit entre ces deux textes, la doctrine fait prévaloir la règle du régime primaire de l’article 223 du Code civil sur l’article 1422. Autrement dit, même si les gains et salaires sont qualifiés de biens communs, les époux peuvent en disposer librement dès lors qu’ils se sont acquittés des charges du mariage. L’époux aurait donc en l’espèce toute liberté pour disposer seul de ces gains et salaires et donc les donné à qui bon lui semble s’il s’est acquitté des charges du mariages.

Cependant, dans notre arrêt la Cour de cassation a choisi de mélanger les deux textes. Elle utilise pour cela, la notion d’économie. Ainsi, il ressort de notre arrêt que la règle de cogestion de l’article 1422 du code civil s’applique aux gains et salaires à partir du moment où ils ont été économisés et deviennent donc des biens communs soumis aux règles normales de la gestion des biens de la communauté.

  1. La qualification de biens communs des gains et salaires économisés

La première chambre civile de la Cour de cassation le 29 février 1984 a estimé que la donation faite par un époux à sa relation adultère des gains et salaires n’apparaissant pas comme économisé était valable même en l’absence de consentement de l’épouse. Autrement dit, les gains et salaires qui n’ont pas été économisés sont soumis au principe de la libre disposition prévu par l’article 223 du code civil. L’époux pourra valablement en disposer à titre gratuit ou onéreux après s’être acquitté des charges du mariage. A contrario, l’arrêt étudié décide que la solution lui est opposé à propos des gains et salaires économisés puisque ces derniers sont qualifiés de biens communs de sorte qu’ils sont soumis à la cogestion des époux. Néanmoins, si l’article 1401 du Code civil évoque la notion d’économie dans son article, « La communauté se compose activement des acquêts faits par les époux ensemble ou séparément durant le mariage, et provenant tant de leur industrie personnelle que des économies faites sur les fruits et revenus de leurs biens propres », le texte n’en donne pas de définition et à fortiori le texte ne mentionne pas « les gains et salaires économisés ».

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