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Arrêt du 29 octobre 2004

Commentaire d'arrêt : Arrêt du 29 octobre 2004. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  5 Décembre 2017  •  Commentaire d'arrêt  •  3 163 Mots (13 Pages)  •  6 715 Vues

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Le 29 octobre 2004, L'Assemblée plénière de la Cour de cassation a rendu une décision remarquée aux termes de laquelle elle rappelle que la libéralité consentie à l'occasion d'une relation adultère n'est pas nulle comme ayant une cause contraire aux bonnes mœurs.

En l’espèce, un vieil homme, qui entretenait une relation adultère, institue sa maîtresse légataire universelle, par testament authentique du 4 octobre 1990. Suite à son décès, sa famille refuse de délivrer le legs. La légataire ayant introduit une action en délivrance du legs, la veuve du testateur et sa fille ont sollicité reconventionnellement la nullité de cette libéralité.

La Cour d’appel de Paris, appelée à statuer sur renvoi, a refusé de se conformer à la solution de la Cour de cassation, prononçant à nouveau la nullité du legs par arrêt en date du 9 janvier 2002. Pour prononcer la nullité du legs, l’arrêt retient que celui-ci, qui n'avait "vocation" qu'à rémunérer les faveurs de la légataire, est ainsi contraire aux bonnes mœurs.

La légataire se pourvoit en cassation et l'affaire est alors, comme la loi l'impose, portée devant la plus prestigieuse des formations de la Cour de cassation : l'assemblée plénière.

Une libéralité consentie à l'occasion d'une relation adultère peut-elle être annulée car ayant une cause contraire aux bonnes mœurs ?

Le 29 octobre 2004, l'assemblée plénière de la Cour de cassation, au visa des articles 900, 1131 et 1333 du Code civil, répond par la négative dans un attendu de principe : « Attendu que n'est pas nulle comme ayant une cause contraire aux bonnes mœurs la libéralité consentie à l'occasion d'une relation adultère. ». Ainsi, l’Assemblée plénière casse l'arrêt de la cour d'appel de Paris, l'affaire étant renvoyée devant la cour d'appel de Versailles.

Par cette solution l'Assemblée plénière conforte un revirement de jurisprudence initié en 1999 par la première chambre civile de la Cour de cassation. Cet arrêt illustre donc particulièrement bien l'évolution de la notion de bonnes mœurs. Ainsi, de nombreuses conséquences ont découlé (II) de la décision de la Cour de cassation de déclarer la cause de la libéralité conforme à la notion de bonne mœurs (I).

  1. Une cause déclarée conforme aux bonnes mœurs par la Cour de cassation

Le 29 octobre 2004, l’Assemblée plénière de la Cour de cassation a déclaré la cause de la libéralité faite à l’occasion d’un adultère licite. Cette décision, dans laquelle il a tout de même fallu contrôler la licéité de la cause d’une libéralité (A), n’est toutefois pas novatrice et vient assoir une jurisprudence récente (B).

  1. Le contrôle de la licéité de la cause d’une libéralité

En matière de contrat, il est d’usage de contrôler la licéité de la cause. La réforme du droit des contrats, portée par l’ordonnance de 2016, a fait disparaitre la notion de cause du code civil, mais pas son essence. Ainsi, elle a été remplacée par le but du contrat, inscrit dans l’article 1162 du code civil. L’exigence relative au but renvoie, désormais, à celle qui était auparavant relative à la cause concrète. Le but du contrat (tel que l’ancienne cause concrète) est constitué par les motifs ou mobiles des parties, qui varient d’un contractant à l’autre.

Toutefois, dans l’arrêt étudié, il n’est pas question de contrat mais de testament, qui est un acte juridique unilatéral, (ici authentique, c’est-à-dire fait par un notaire). Et pourtant, le visa de la Cour de cassation alerte d’emblée, puisqu’il est fait référence aux articles 1131 et 1133, anciens, du code civil. Rappelons que ces articles figuraient, au sein du code, dans un chapitre intitulé « Des conditions essentielles pour la validité des conventions ». La libéralité dont il est question dans l’arrêt, n’est pas un contrat mais un acte juridique unilatéral. Le doute est donc posé de savoir s’il est possible de contrôler la cause d’une libéralité. Bien que le testament ne soit pas un contrat, la jurisprudence lui applique, pour une grande part, le régime des conventions. Ainsi, par analogie, la Cour d’appel a recherché, dans l’arrêt, la cause de la libéralité consentie par le testateur.

L’article 1131 ancien, du code civil, alors pleinement applicable au testament, disposait que « l'obligation sans cause, ou sur une fausse cause, ou sur une cause illicite, ne peut avoir aucun effet. ». Ainsi, La cause d’un contrat (et par extension d’un testament) devait être licite, à peine de nullité. L’article 1133 ancien, du code civil, venait préciser le caractère illicite de la cause. Dès lors que celle-ci « [était] prohibée par la loi, quand elle [était] contraire aux bonnes mœurs ou à l'ordre public », la cause était considérée comme illicite.

Apparait, dans cet article, la notion de bonnes mœurs. C’est la notion phare de l’arrêt en question. En effet, le visa de la Cour de cassation y fait référence à un autre article -article 900 visant la notion de bonnes mœurs. L'article 900 dispose : « Dans toutes dispositions entre vifs ou testamentaires, les conditions impossibles, celles qui seront contraires aux lois ou aux mœurs, seront réputées non écrites. »

Ainsi, pour être valable, une convention, et donc en l’espèce le testament, se devait d’avoir une cause licite et, par conséquent, une cause conforme aux bonnes mœurs. Les juges du fond ont donc dû apprécier la licéité de la cause de la libéralité. Mais, apprécier la conformité de la cause d'une convention aux bonnes mœurs est doublement délicat.

Tout d’abord, ce contrôle implique de sonder les raisons lointaines qui motivent les contractants (en l’espèce ; le testateur), la cause subjective, laquelle ne s'extériorise pas nécessairement. C’est pourquoi la Cour d’appel a procédé à l’examen des courriers intimes du testateur. Mais cela n’est pas en question dans l’arrêt à proprement parlé. De plus, ce contrôle est complexe puisque la notion de bonnes mœurs est un standard juridique. C’est une une notion évolutive sans contenu précis, comme en atteste le présent arrêt, qui change au gré des mentalités.

C’est par sa fonction de protection sociale que le juge va opérer un revirement de jurisprudence, sans doute, dû à l’évolution des normes sociales.

  1. La confirmation d’un revirement jurisprudentiel pourtant récent

Selon une jurisprudence traditionnelle, qui s'est maintenue jusqu'au revirement opéré par la Cour de cassation, le 3 février 1999, les libéralités entre concubins pouvaient être annulées par application des articles 1131 et 1133 du Code civil, pour cause illicite ou immorale. La Cour de cassation refusait de reconnaître la libéralité consentie à l’occasion d’une relation adultère, du fait que le mobile déterminant, cause de l’obligation du débiteur, était contraire aux bonnes mœurs.

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